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16/06/2016 | FRANCE | N°14MA02299

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 16 juin 2016, 14MA02299


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F...a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Bastia à lui verser la somme de 18 808,85 euros en réparation des conséquences dommageables de travaux réalisés pour le compte de la commune sur la parcelle cadastrée section AO n°33.

Par un jugement n°1200148 du 28 mars 2014, le tribunal administratif de Bastia a condamné la commune de Bastia à verser à M. F... une somme de 8 869,10 euros et a condamné solidairement la société EGBTP et M. E... à garantir la

commune de la condamnation prononcée à son encontre.

Procédure devant la Cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F...a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Bastia à lui verser la somme de 18 808,85 euros en réparation des conséquences dommageables de travaux réalisés pour le compte de la commune sur la parcelle cadastrée section AO n°33.

Par un jugement n°1200148 du 28 mars 2014, le tribunal administratif de Bastia a condamné la commune de Bastia à verser à M. F... une somme de 8 869,10 euros et a condamné solidairement la société EGBTP et M. E... à garantir la commune de la condamnation prononcée à son encontre.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mai 2014, M. F..., représenté par Me I..., demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1200148 du 28 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Bastia a limité à la somme de 8 869,10 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune de Bastia en réparation des préjudices qu'il a subis ;

2°) de condamner la commune de Bastia à lui verser la somme complémentaire de 5 500 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bastia la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il justifie d'un préjudice de jouissance;

- il a subi un préjudice économique et un trouble dans ses conditions d'existence.

Par un mémoire, enregistré le 13 novembre 2014, M. E..., représenté par Me H..., demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué :

- d'annuler le jugement en tant qu'il l'a condamné à garantir le commune de Bastia ;

- de condamner solidairement la société EGBTP et son assureur la société Gan Eurocourtage à le garantir de toute condamnation ;

3°) de mettre à la charge de M. F... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'expertise n'ayant pas été contradictoire, le rapport de l'expert ne peut lui être opposé ;

- il n'a commis aucune faute ;

- il appartient à la commune d'effectuer les travaux de reprise ;

- le lien de causalité entre les travaux et les dommages n'est pas démontré ;

- en refusant tout accès à son toit, M. F... a commis une faute ;

- le préjudice de jouissance n'est pas justifié ;

- les désordres résultant d'une faute d'exécution de la société EGBTP, il doit être garanti par cette dernière des condamnations prononcées à son encontre.

Par un mémoire, enregistré le 16 avril 2015, la commune de Bastia, représentée par Me D..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) au rejet de l'appel provoqué de M. E... ;

3°) à ce que M. F... lui verse la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les préjudices invoqués ne sont pas établis ;

- l'appel de M. E... soulève un litige distinct et ses conclusions sont tardives ;

- le principe du contradictoire a été respecté durant l'expertise ;

- M. E... a commis des fautes durant la surveillance des travaux ;

- M. F... n'a formé aucune demande tendant à la reprise des travaux.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office tirés, d'une part, de l'irrégularité du jugement attaqué en tant qu'il condamne l'entreprise EGBTP et M. E... à garantir la commune de Bastia des sommes mises à sa charge dès lors que la garantie contractuelle ne peut plus être invoquée après la réception définitive des travaux et, d'autre part, de l'irrecevabilité des conclusions d'appel en garantie présentées par M. E... à l'encontre de l'entreprise EGBTP et son assureur, la société Gan Eurocourtage, nouvelles en appel.

Par des mémoires enregistrés le 14 avril 2016 et le 20 mai 2016, M. E... a présenté des observations en réponse aux moyens d'ordre public.

Par un mémoire, enregistré le 15 avril 2016, la commune de Bastia a présenté des observations en réponse aux moyens d'ordre public et conclut, en outre, à ce que M. F..., M. E... et l'entreprise EGBTP lui versent la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laso ;

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;

- et les observations de Me B... représentant la commune de Bastia.

1. Considérant que M. F..., propriétaire de la parcelle cadastrée section AO n° 32 située rue Favale à Bastia et sur laquelle est implanté un immeuble, interjette appel du jugement du 28 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Bastia a limité à la somme de 8 869,10 euros le montant de l'indemnisation des dégâts causés à son immeuble par l'exécution, pour le compte de la commune de Bastia, de travaux publics de démolition du bâtiment implanté sur la parcelle contigüe, cadastrée section AO n° 33 ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a condamné solidairement l'entreprise EGBTP, en charge des travaux, et M. E..., maître d'oeuvre, à garantir la commune de Bastia de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre ; que, par la voie de l'appel provoqué, M. E... demande à la Cour d'annuler le jugement en tant qu'il l'a condamné solidairement avec l'entreprise EGBTP à garantir la commune ;

Sur l'appel principal de M. F... :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, qu'au cours de travaux de démolition de l'immeuble situé sur la parcelle cadastrée section AO n° 33, l'entreprise EGBTP, chargée de leur exécution, a procédé à la dépose partielle des lauzes de couvertures et des boulins de support du toit de l'immeuble de M. F..., ce qui a provoqué des infiltrations d'eau dans le local commercial du requérant et des dommages aux faux plafonds, plâtres et peintures ; qu'à la demande de la commune de Bastia, l'entreprise EGBTP a sollicité de M. F... l'autorisation d'intervenir sur sa propriété pour remédier aux dégâts constatés au plus tard au mois d'août 2010 ; que l'entrepreneur s'est alors vu opposer un refus de M. F... pour intervenir ; que le tribunal administratif de Bastia a estimé que, par son attitude, M. F... a contribué à l'aggravation des dommages survenus à compter du mois d'août 2010 ; que les premiers juges ont fixé cette faute à la moitié des conséquences dommageables survenues à compter de cette date ;

3. Considérant que la commune de Bastia ne conteste pas le principe de sa responsabilité dans la survenance du dommage dont a été victime M. F..., tiers par rapport aux travaux publics ; que ce dernier ne conteste pas sa faute dans l'aggravation des désordres qui ont affecté son immeuble à compter du mois d'août 2010 ; qu'il y a lieu pour la Cour de confirmer la condamnation de la commune à réparer les dommages qui sont directement imputables à l'opération de travaux publics ;

4. Considérant qu'en se bornant à produire un procès-verbal de constat d'huissier du 16 août 2010 et une attestation du directeur du service départemental d'incendie et de secours du 27 octobre 2010, M. F... n'établit pas plus en appel qu'en première instance que les désordres affectant son immeuble l'auraient privé de la jouissance de celui-ci ; qu'il ne démontre pas davantage par les mêmes pièces avoir subi un préjudice économique imputable aux travaux ; qu'en revanche, les désordres affectant l'immeuble de M. F... ont entraîné pour ce dernier des troubles dans les conditions d'existence distincts de la privation de la jouissance de son local commercial ; que, compte tenu de la date d'apparition de ces désordres, en mars 2010, et de ce qu'à partir du mois d'août 2010, M. F... s'est opposé à laisser l'entreprise EGBTP accéder à son immeuble pour y remédier, il sera fait une juste appréciation des troubles subis dans ses conditions d'existence en allouant au requérant une somme de 1 500 euros ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. F... est seulement fondé à obtenir que l'indemnité, que le tribunal administratif de Bastia a condamné la commune de Bastia à lui verser, soit portée à 10 369,10 euros ;

Sur les conclusions d'appel provoqué de M. E... :

En ce qui concerne la fin de non recevoir opposée par la commune de Bastia :

6. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a condamné la commune de Bastia à indemniser M. F... à hauteur de 8 869,10 euros et, a condamné solidairement l'entreprise EGBTP et M. E... à garantir la commune des condamnations mises à sa charge ; que les conclusions de M. E... présentées devant la Cour, après l'expiration du délai de recours contentieux, tendant au rejet de l'appel en garantie de la commune ne sont recevables qu'au cas où M. F..., appelant principal, obtient lui-même un relèvement de l'indemnité qui lui a été allouée par les premiers juges ; que, le présent arrêt condamnant la commune de Bastia à verser à M. F... une somme de 10 369,10 euros supérieure à celle mise à sa charge par le tribunal administratif de Bastia, a pour effet d'aggraver la situation de M. E... dont les conclusions, qui ne soulèvent pas un litige distinct, ne sont dès lors pas tardives ; qu'elles sont, par suite, recevables ;

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions de M. E... dirigées contre l'entreprise EGBTP et son assureur :

7. Considérant qu'en première instance M. E... n'a pas présenté de conclusions dirigées contre l'entreprise EGBTP et son assureur avant la clôture de l'instruction ; que, par suite, les conclusions qu'il dirige contre ces sociétés en appel constituent une demande nouvelle et ne sont, dès lors, pas recevables ;

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

8. Considérant que M. E... n'établit pas que l'expert aurait été effectivement informé de la constitution de son conseil, Me H... ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que M. E... était présent à la réunion d'expertise du 13 janvier 2011 et qu'il a été destinataire de la note de synthèse de l'expert du 30 décembre 2010 ; que M. E... n'est dès lors pas fondé à se prévaloir de la circonstance que son conseil n'aurait été ni convoqué à cette réunion ni rendu destinataire de cette note de synthèse pour soutenir que l'expertise n'a pas été réalisée contradictoirement ; qu'il suit de là, et alors que ce rapport peut en tout état de cause servir au juge d'élément d'information, que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué a été rendu sur une procédure irrégulière doit être écarté ;

En ce qui concerne l'appel en garantie formé par la commune de Bastia :

9. Considérant que la réception sans réserve des travaux a pour effet de mettre fin, en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage, à l'ensemble des rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage, le maître d'oeuvre et les constructeurs ; que la fin des rapports contractuels fait, dès lors, obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, le maître d'oeuvre et les constructeurs soient ultérieurement appelés en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents ni connus à la date de la réception ; qu'il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de la part du maître d'oeuvre et des constructeurs ; que le moyen tiré de la fin de la responsabilité contractuelle du fait de la réception des travaux présente un caractère d'ordre public ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction notamment du procès-verbal de levée des réserves du 22 novembre 2012 que la réception des travaux du lot n° 1 " démolition/gros oeuvre " du marché de construction de la maison du renouvellement urbain en centre ancien qui sont à l'origine des dommages causés à l'immeuble de M. F..., tiers par rapport à ces travaux, est intervenue à cette date ; qu'en réponse à la mesure d'information des parties accomplie en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la commune de Bastia se prévaut des stipulations de l'article 9.7.1 du cahier des clauses administratives particulières du 1er novembre 2007 relatif à ce marché qui prévoient, en matière d'assurance de responsabilité civile pendant et après les travaux, notamment, que " les titulaires et, le cas échéant, leurs sous-traitants doivent être garantis par une police destinée à couvrir leur responsabilité civile en cas de préjudice causés à des tiers, y compris de l'ouvrage, à la suite de tout dommages corporel, matériel et immatériel consécutif, du fait de l'opération en cours de réalisation ou après sa réception " ; que, toutefois, ce cahier des clauses administratives particulières, issu du dossier de consultation des entreprises, n'a été signé que par l'entreprise EGBTP en charge des travaux ; que la commune de Bastia n'établit ni même n'allègue que le marché de maîtrise d'oeuvre conclu avec M. E... renverrait au cahier des clauses administratives particulières du marché de travaux ; que ces stipulations contractuelles ne sont donc opposables qu'à l'entreprise EGBTP et non à M. E..., maître d'oeuvre ; que la commune de Bastia ne se prévaut d'aucune autre stipulation contractuelle ; que, dès lors, les rapports contractuels entre la commune de Bastia, maître d'ouvrage, et M. E..., maître d'oeuvre, ont pris fin le 22 novembre 2012 ; qu'il n'est allégué par la commune de Bastia ni que la réception des travaux n'aurait été acquise à M. E... qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part ni que M. E... aurait manqué à son devoir de conseil lors de ces opérations ; qu'ainsi, les conclusions présentées par la commune de Bastia le 8 mars 2013 fondées sur la responsabilité contractuelle de M. E... et tendant à la garantir solidairement avec l'entreprise EGBTP des sommes mises à sa charge à raison des dommages causés à M. F... n'étaient pas recevables du fait de la réception définitive des travaux intervenue le 22 novembre 2012 ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens invoqués par M. E..., c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a condamné M. E... à ce titre ; que l'article 4 de ce jugement doit, en conséquence, être annulé dans cette mesure ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Bastia une somme de 1 500 euros à verser à M. F... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les dispositions de cet article font obstacle au versement par M. F... d'une somme à M. E... ; que ces dispositions s'opposent en outre à ce que M. F..., M. E... et l'entreprise EGBTP versent à la commune de Bastia la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La somme que la commune de Bastia a été condamnée à verser à M. F... par l'article 1er du jugement du 28 mars 2014 est portée à 10 369,10 euros.

Article 2 : L'article 4 du jugement du 28 mars 2014 du tribunal administratif de Bastia est annulé en tant qu'il a condamné M. E... solidairement avec l'entreprise EGBTP à garantir la commune de Bastia des sommes mises à sa charge.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 28 mars 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : La commune de Bastia versera à M. F... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F..., à la commune de Bastia, à M. C... E...et à la société EGBTP.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2016, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Laso, président assesseur,

- Mme G..., première conseillère,

Lu en audience publique, le 16 juin 2016.

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N°14MA02299

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA02299
Date de la décision : 16/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-04 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages créés par l'exécution des travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Jean-Michel LASO
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : SCP TOMASI SANTINI VACCAREZZA BRONZINI DE CARAFFA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-06-16;14ma02299 ?
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