La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2016 | FRANCE | N°15MA02310

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 19 mai 2016, 15MA02310


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Biotope a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 23 décembre 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la 2ème section de l'Hérault a refusé de lui délivrer l'autorisation de licencier de M. B..., salarié protégé.

Par un jugement n° 1400857 du 28 avril 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la SAS Biotope.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2015, la SAS Biotope, représent

e par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montp...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Biotope a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 23 décembre 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la 2ème section de l'Hérault a refusé de lui délivrer l'autorisation de licencier de M. B..., salarié protégé.

Par un jugement n° 1400857 du 28 avril 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la SAS Biotope.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2015, la SAS Biotope, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 avril 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 23 décembre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la demande présentée devant le tribunal n'était pas tardive ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que l'inspecteur du travail n'a pas le pouvoir de déclarer le délit d'entrave constitué ;

- la décision du 23 décembre 2013 est insuffisamment motivée ;

- cette décision ne lui a pas été intégralement notifiée ;

- le caractère contradictoire de l'enquête de l'inspecteur du travail a été méconnu ;

- l'abandon de poste est établi et constitutif d'une faute grave ;

- l'existence d'un lien avec les mandats représentatifs du salarié n'est pas caractérisée ;

- l'inspecteur du travail n'a pas le pouvoir de déclarer le délit d'entrave constitué ;

- le refus d'autorisation de licenciement est entaché d'un détournement de pouvoir.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la SAS Biotope.

1. Considérant que, par courrier du 24 octobre 2013, la SAS Biotope a demandé l'autorisation de licencier pour faute grave M. B..., salarié à temps partiel en tant que chargé d'études et titulaire des mandats de délégué du personnel et de membre du comité d'entreprise ; que, par jugement du 28 avril 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la SAS Biotope tendant à l'annulation de la décision du 23 décembre 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la 2ème section de l'Hérault a refusé de lui délivrer l'autorisation sollicitée ; que la SAS Biotope relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, dans le cadre de l'examen de l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et l'exercice de ses mandats représentatifs par M. B..., l'inspecteur du travail a notamment retenu que " l'employeur s'est rendu coupable d'entrave au fonctionnement " de l'institution représentative du personnel ; que, ce faisant, l'inspecteur du travail, qui peut au demeurant, en application des dispositions combinées des articles L. 2328-1 et 8113-7 du code du travail, constater par un procès-verbal de tels faits d'entrave constitutifs d'une infraction et le transmettre au procureur de la République en vue de poursuites pénales, ne s'est pas substitué à l'autorité judiciaire mais s'est borné à mettre en évidence un élément de nature à démontrer la matérialité d'un des motifs de sa décision ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'inspecteur du travail n'a pas le pouvoir de déclarer le délit d'entrave constitué était inopérant ; que, par suite, les premiers juges n'ont pas entaché le jugement d'irrégularité en ne répondant pas à ce moyen ;

Sur la légalité de la décision du 23 décembre 2013 :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. / Elle est notifiée par lettre recommandée avec avis de réception : / 1° A l'employeur (...) " ;

4. Considérant que la décision contestée vise les dispositions applicables du code du travail, mentionne les étapes de la procédure au sein de l'entreprise et dans le cadre de l'enquête contradictoire menée par l'inspecteur du travail, rappelle que la demande d'autorisation de licenciement reproche à M. B... un abandon de poste entre les 13 et 28 août 2013 ainsi que le 30 août 2013, et énonce les motifs sur lesquels l'inspecteur du travail s'est fondé pour retenir, d'une part, que les absences du salarié ne pouvaient s'analyser en un abandon de poste et, d'autre part, que la demande dont il était saisi était en lien avec les mandats représentatifs de l'intéressé ; qu'ainsi la décision en litige, qui comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle est fondée, est suffisamment motivée ; que la circonstance, au demeurant non établie, qu'elle n'aurait pas été intégralement notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, conformément aux dispositions de l'article R. 2421-12 du code du travail, n'a aucune influence sur sa légalité, qui s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat (...) " ; que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément à ces dispositions du code du travail impose à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation ou l'existence d'un lien avec le mandat représentatif exercé ;

6. Considérant qu'il résulte des éléments versés au débat, et notamment de l'échange de courriels entre la SAS Biotope et l'inspecteur du travail, qu'en réponse à la demande formulée le 27 novembre 2013, le compte-rendu de l'entretien préalable, établi par M. B... et la personne qui l'a assisté, a été transmis le jour même à l'employeur ; que, dans ces conditions, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'employeur n'aurait pas été mis à même de prendre connaissance d'autres éléments déterminants produits par le salarié et sur lesquels l'inspecteur du travail se serait fondé, en particulier sur l'existence d'un lien avec les mandats exercés par M. B..., le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de l'enquête de l'inspecteur du travail doit être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

8. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 3123-24 du code du travail : " Lorsque l'employeur demande au salarié de changer la répartition de sa durée du travail, alors que le contrat de travail n'a pas prévu les cas et la nature de telles modifications, le refus du salarié d'accepter ce changement ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement (...) " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le contrat de travail de M. B... du 1er mars 2009, modifié par un avenant du 1er septembre 2009, prévoit à l'article 11 que le salarié, qui travaille à temps partiel, " effectuera 106, 16 heures par mois en moyenne annuelle " et mentionne que, compte-tenu de l'activité irrégulière du bureau d'études, le temps de travail fait l'objet d'une moyenne annuelle selon un " calendrier de modulation " qui permet au salarié de bénéficier de jours de récupération de temps de travail ; que depuis son entrée dans l'entreprise, M. B... n'a jamais travaillé au mois d'août, qui constitue une période de " modulation ", son chef d'agence ayant donné son accord à l'absence du salarié au mois d'août 2013 ; que, par courrier du 25 juillet 2013, après s'être étonné de ce que sa fiche de paie mentionne un forfait annuel de cent cinquante-trois jours depuis le mois de mai 2012, M. B... a demandé la rémunération d'heures supplémentaires depuis la date de son recrutement, soit 42 023,84 euros, outre les congés payés correspondants ; qu'en réponse, par lettre du 5 août 2013, l'employeur a relevé une " ambiguïté " entre les stipulations du contrat sur la durée du travail en heures, dite " mode standard ", et son exécution pratique organisée selon le système du " forfait-jour ", a demandé au salarié de choisir entre les deux systèmes en lui précisant que, faute de choix, le " mode standard " serait appliqué, et qu'en conséquence il serait tenu de se présenter à son poste de travail le 12 août 2013 ; que, par courrier du 9 août 2013, l'employeur a fixé les nouveaux horaires journaliers de M. B... à compter du 12 août ; que, par lettre non datée reçu par l'employeur le 14 août 2013, le salarié a indiqué qu'il refusait la modification de l'accord selon lequel il ne travaillait pas au mois d'août et qu'il serait donc absent jusqu'au 1er septembre comme prévu, sauf pour l'exercice de ses mandats représentatifs ; que, dans ces conditions, dès lors que le contrat de travail de l'intéressé prévoit expressément la modulation des horaires de travail et que l'absence du salarié était régulièrement autorisée au mois d'août 2013 , la SAS Biotope ne peut prétendre qu'elle n'a pas modifié les horaires de travail et a au contraire fait application des stipulations contractuelles ; que par suite elle n'est pas fondée à soutenir que M. B... a abandonné son poste ; qu'en estimant que le refus du salarié d'accepter le changement de la répartition de sa durée de travail, lequel n'est pas prévu par le contrat de travail de l'intéressé, n'était pas fautif, conformément aux dispositions de l'article L. 3123-24 du code du travail, l'inspecteur du travail n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

10. Considérant, d'autre part, qu'il ressort également des pièces du dossier qu'à la suite d'un contrôle effectué le 11 janvier 2012, l'inspecteur du travail, par courriers des 17 janvier 2012, 21 février 2012 et 20 juin 2012 auxquels la société a été mise en mesure de répondre, a alerté la SAS Biotope des difficultés rencontrées par les salariés de l'entreprise pour ce qui concerne le décompte de la durée du travail en lui indiquant qu'il envisageait de relever une infraction résultant de l'application du forfait en jours de travail ; qu'il résulte du compte-rendu de l'entretien préalable au licenciement de M. B..., qui n'est pas sérieusement contesté, que le directeur des ressources humaines de l'entreprise a reconnu que les revendications du salarié sur ce point avaient un caractère tant individuel que collectif ; que, par suite, compte tenu des circonstances dans lesquelles la demande d'autorisation de licenciement est intervenue, le moyen tiré de l'absence de lien les mandats représentatifs du salarié ne peut être accueilli ;

11. Considérant, en quatrième lieu, que, ainsi qu'il a été dit au point 2, le moyen tiré de ce que l'inspecteur du travail n'a pas le pouvoir de déclarer le délit d'entrave constitué est inopérant ;

12. Considérant, et cinquième et dernier lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Biotope n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que, par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Biotope est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Biotope, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 3 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Chanon, premier conseiller

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 19 mai 2016.

''

''

''

''

N° 15MA02310 5

acr


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award