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19/05/2016 | FRANCE | N°14MA04699

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 19 mai 2016, 14MA04699


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

SCI Le Cannet a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer, d'une part, la réduction, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008, d'autre part, la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à la charge de M. D... au titre de l'année 2008.

Par un jugement n° 1300107 du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 novembre 2014 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

SCI Le Cannet a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer, d'une part, la réduction, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008, d'autre part, la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à la charge de M. D... au titre de l'année 2008.

Par un jugement n° 1300107 du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 novembre 2014 et le 23 mai 2015, la SCI Le Cannet, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 2 octobre 2014 ;

2°) de prononcer la décharge complète, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008 ou, subsidiairement, d'en prononcer la décharge partielle, en droits et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration n'a pas respecté les principes énoncés dans la charte du contribuable ;

- la charge de la preuve incombe à l'administration en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales dès lors que le caractère irrégulier de sa comptabilité n'est pas démontré ;

- le montant de la plus-value taxable doit être déterminé en tenant compte du prix d'achat du terrain, des produits en cours et de la taxe sur la valeur ajoutée non récupérable ;

- le principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, consacré au 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, fait obstacle à ce que la somme de 246 630 euros inscrite à l'actif du bilan d'ouverture de l'exercice 2007 soit remise en cause ;

- l'administration ne peut exiger des justificatifs datant de plus de dix ans sans méconnaître l'article L. 123-22 du code de commerce ;

- aucun manquement délibéré ne peut lui être reproché.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 mars 2015 et le 14 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par une lettre du 11 mars 2016, la Cour a informé les parties que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées à titre principal par la SCI Le Cannet, tendant à une décharge complète de l'imposition supplémentaire qui lui est réclamée au titre de l'année 2008, dans la mesure où elles excèdent le montant de la demande en décharge partielle présentée devant le tribunal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hôte, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public.

1. Considérant que, le 9 mars 1989, la SCI Le Cannet, soumise à l'impôt sur les sociétés et ayant opté pour la taxe sur la valeur ajoutée, a acquis un terrain de 37 526 m² situé à Le Cannet-des-Maures, pour un prix de 1 200 000 francs, soit 182 939 euros ; que, le 28 janvier 2008, elle a cédé une partie du terrain, d'une surface de 32 131 m², pour 811 217 euros ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration, après avoir écarté la comptabilité comme étant non probante, a constaté, notamment, que la société avait comptabilisé le produit de la cession uniquement à hauteur du prix d'acquisition du terrain, de sorte qu'aucune plus-value n'a été enregistrée ; qu'elle a dès lors réintégré dans les résultats de la société la part du produit de cession non comptabilisé, soit 628 278 euros ; que, par une proposition de rectification du 11 octobre 2010, elle a notifié à la SCI Le Cannet le redressement en matière d'impôt sur les sociétés en résultant au titre de l'exercice 2008, assorti de l'intérêt de retard et de la majoration pour manquement délibéré ; que la société a contesté cette imposition supplémentaire devant le tribunal administratif de Toulon, ainsi que le supplément d'impôt sur le revenu mis à la charge de M. D..., son gérant et associé, regardé comme bénéficiaire d'un revenu distribué par elle à la suite de l'appréhension par ce dernier d'une partie du produit de la vente ; que, par un jugement du 2 octobre 2014, le tribunal a rejeté ses demandes ; que la SCI Le Cannet fait appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions relatives à sa propre imposition ;

Sur la recevabilité :

2. Considérant que, dans ses écritures de première instance, la SCI Le Cannet a demandé au tribunal de ramener le montant de la plus-value réalisée lors de la vente du terrain, évalué à la somme de 628 270 euros par l'administration, à 326 866 euros ; qu'elle sollicitait ainsi une réduction de ses bases d'imposition de 301 404 euros ; qu'elle n'a donc contesté devant le tribunal l'imposition supplémentaire mise à sa charge qu'à concurrence du montant résultant de cette réduction ; qu'il suit de là que les conclusions de la SCI Le Cannet sont, en tant qu'elles excédent le quantum de sa demande de première instance, irrecevables ;

Sur la procédure d'imposition :

3. Considérant que la charte du contribuable, publiée le 17 octobre 2005 sur le site internet du ministère en charge du budget, n'est pas opposable à l'administration ; que, par suite, la SCI Le Cannet ne peut utilement s'en prévaloir pour soutenir que l'administration aurait procédé à un rehaussement de ses bases imposables sans respecter les principes qui y sont énoncés ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) " ;

5. Considérant que, dans la proposition de rectification du 11 octobre 2010, l'administration a relevé, au titre de l'exercice clos en 2008, l'absence en comptabilité d'un compte de trésorerie alors que la SCI Le Cannet avait ouvert des comptes bancaires auprès du Crédit Mutuel, la comptabilisation partielle du prix de vente du terrain, l'absence de comptabilisation de la plus-value réalisée, l'inscription à l'actif du bilan du prix total d'acquisition du terrain alors qu'une partie avait été vendue en 1999, enfin l'impossibilité de présenter les factures relatives au poste " en cours de production " et au crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible figurant à l'actif ; que la SCI Le Cannet ne conteste pas ces faits ; qu'elle se borne à faire valoir qu'elle n'était pas tenue de fournir des pièces justificatives s'agissant d'opérations réalisées depuis plus de dix ans, en vertu de l'article L. 123-22 du code du commerce ; que ces dispositions n'exonèrent pas, toutefois, le contribuable de la charge d'apporter les éléments de nature à justifier de la régularité de ses écritures comptables ; qu'en tout état de cause, l'impossibilité pour la SCI Le Cannet de présenter les factures justifiant certaines de ses écritures comptables n'est qu'une des irrégularités affectant sa comptabilité ; que son éventuelle bonne foi est sans incidence sur le caractère régulier de ses écritures comptables ; qu'ainsi, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve, qui lui incombe, que la comptabilité de la SCI Le Cannet comportait de graves irrégularités ; que l'imposition en litige a été établie conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'il suit de là qu'il incombe à la société requérante d'établir le caractère exagéré de l'imposition qui lui est réclamée ;

6. Considérant, d'autre part, qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'en vertu de ce principe, il appartient à la SCI Le Cannet de produire les éléments de nature à justifier de la réalité des charges qu'elle entend déduire du prix de vente du terrain pour le calcul du montant de la plus-value réalisée ;

En ce qui concerne le montant de la plus-value :

7. Considérant que la SCI Le Cannet a acquis le terrain litigieux, d'une surface de 37 526 m², au prix de 1 200 000 euros, soit 182 939 euros et non 183 208 euros comme elle le soutient ; que le prix au mètre carré en résultant s'est élevé à 4,87 euros ; qu'une première partie du terrain, d'une surface de 3 571 m², a été cédée le 23 juillet 1999 ; que la vente survenue le 28 janvier 2008 a porté uniquement sur la surface restante, soit 32 131 m² ; que l'administration a dès lors ramené le prix d'acquisition du bien au prorata de la surface vendue, soit 156 478 euros ; que ce bien a été cédé pour un prix de 811 217 euros ; que le montant de la plus-value a ainsi été fixé à 654 739 euros ;

8. Considérant que la SCI Le Cannet ne produit aucune pièce ni ne fournit aucune explication précise et détaillée justifiant de la nature et du montant des sommes de 246 630 euros inscrite à l'actif du bilan au poste " en cours de production " et de 54 552 euros correspondant, selon elle, à un crédit de taxe sur la valeur ajoutée non déductible ; que la note d'honoraires d'architecte, d'un montant de 658 000 francs (soit 100 311 euros), dont elle se prévaut concernait un projet de construction d'un hôtel-restaurant qui n'a pas abouti et ne peut être regardée comme une charge ayant grevé le prix d'acquisition du terrain ; que le principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, consacré au 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, ne dispense pas la société de démontrer que les deux sommes en cause correspondent à des dépenses liées à l'acquisition du bien ; qu'il ne peut utilement être invoqué dès lors que la rectification opérée ne repose pas sur une erreur ou une omission affectant l'actif net ; que, comme il a été dit, les dispositions de l'article L. 123-22 du code du commerce n'exonèrent pas le contribuable de la charge de la preuve qui lui incombe ; qu'ainsi, la SCI Le Cannet n'établit pas que l'administration aurait refusé, à tort, de prendre en compte les sommes de 246 630 euros et de 54 552 euros dans le calcul du montant de la plus-value ;

Sur les pénalités :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;

10. Considérant que, pour justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré, l'administration a constaté, dans la proposition de rectification du 11 octobre 2010, que le produit de la vente avait été comptabilisé uniquement à hauteur du prix d'acquisition et que la valeur nette comptable avait été majorée du prix de vente de la partie du terrain cédée en 1999 ; qu'ainsi, aucune plus-value n'a été enregistrée ; que l'administration a relevé, par ailleurs, que la société avait omis de comptabiliser les virements bancaires intervenus depuis le compte ouvert à son nom pour les besoins de l'opération vers les comptes personnels de ses associés, ayant permis une appréhension par ces derniers du produit de la vente ; que la SCI Le Cannet, qui est une société de gestion immobilière soumise à l'impôt sur les sociétés, ne conteste pas sérieusement le caractère délibéré de l'ensemble de ses agissements en faisant valoir que le notaire ayant pris en charge la vente avait mentionné dans l'acte authentique que l'opération était exonérée d'impôt sur la plus-value en application du 1. de l'article 150 VC du code général des impôts, dont les dispositions régissent les plus-values des personnes soumises l'impôt sur le revenu ; que, dans ces circonstances, l'administration a pu à bon droit faire application des dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI Le Cannet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées également ses conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Le Cannet est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Le Cannet et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2016, où siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. C... et M. A...'hôte, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 19 mai 2016.

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N° 14MA04699 6

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04699
Date de la décision : 19/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-03-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Évaluation de l'actif. Plus et moins-values de cession.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: M. Vincent L'HÔTE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP DELTA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-05-19;14ma04699 ?
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