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19/05/2016 | FRANCE | N°14MA04211

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 19 mai 2016, 14MA04211


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du préfet de la Lozère du 20 mars 2014 par lequel ce dernier a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français à destination de son pays d'origine.

Par un jugement n° 1401983 du 18 septembre 2014, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2014, le préfet de la Lozère demande

à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 septembre 2014 ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du préfet de la Lozère du 20 mars 2014 par lequel ce dernier a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français à destination de son pays d'origine.

Par un jugement n° 1401983 du 18 septembre 2014, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2014, le préfet de la Lozère demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 septembre 2014 ;

2°) de rejeter les conclusions de M. C... tendant à l'annulation des décisions de refus de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, ainsi que les conclusions aux fins d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'il n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants adoptée à New-York le 10 décembre 1984 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que le préfet de la Lozère relève appel du jugement du 18 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 20 mars 2014 refusant à M. C..., de nationalité russe, un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant que, pour annuler l'arrêté précité, le tribunal administratif de Nîmes a jugé que le préfet de la Lozère avait méconnu les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif qu'il n'était pas établi que M. C... avait reçu, à la date d'édiction de l'arrêté, notification de la décision prise par la Cour nationale du droit d'asile ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile " ; qu'aux termes de l'article R. 733-32 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le secrétaire général de la Cour notifie la décision de la Cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3. Il la notifie également au directeur général de l'office. Il informe simultanément du caractère positif ou négatif de cette décision le préfet compétent et, à Paris, le préfet de police ainsi que le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / La cour communique au préfet compétent et, à Paris, au préfet de police, lorsque ceux-ci en font la demande, copie de l'avis de réception (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'en l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire ; qu'en cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de la Cour nationale du droit d'asile a été régulièrement notifiée à l'intéressé, le cas échéant en sollicitant la communication de la copie de l'avis de réception auprès de la Cour ;

5. Considérant que le préfet de la Lozère produit pour la première fois en appel l'avis de réception signé par M. C... le 20 mars 2014 de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 20 février 2014 rejetant le recours de ce dernier contre la décision par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de lui reconnaître la qualité de réfugié ; qu'ainsi, à la date du 20 mars 2014, M. C... ne disposait plus du droit de se maintenir en France ; que le préfet pouvait dès lors édicter un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu pour la Cour d'annuler le jugement attaqué et de statuer par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur les moyens de M. C... invoqués devant le tribunal administratif de Nîmes ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de séjour :

7. Considérant, en premier lieu, que la décision préfectorale comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est par suite suffisamment motivée et respecte les dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; que la décision refusant un titre de séjour à M. C..., laquelle n'affecte pas directement la situation de ses enfants, n'a pas pour effet de séparer les membres de la famille ;

9. Considérant, en troisième et dernier lieu, que M. C... est arrivé en France en juillet 2012 avec son épouse et leurs enfants ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile ont refusé de leur reconnaître la qualité de réfugié ; que M. C... ne démontre pas avoir transféré en France le centre de ses intérêts privés et familiaux, malgré la présence en France de ses parents ; qu'il ne démontre pas que sa famille ne pourrait retourner vivre en Russie ; que dans ces conditions, le préfet de la Lozère n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) " ; que l'intéressé a été mis à même, pendant la procédure d'instruction de sa demande de titre de séjour, de présenter, s'il l'estimait utile, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu des décisions administratives concernant non seulement son droit au séjour en France, mais aussi son possible éloignement du territoire français ; qu'au surplus, il résulte des dispositions de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative ne pouvait procéder d'office à l'exécution d'une mesure d'éloignement avant l'expiration du délai prévu par ces dispositions, ni avant que le tribunal administratif éventuellement saisi n'ait statué, ce qui mettait l'intéressé en mesure de faire valoir son point de vue et présenter, le cas échéant, des pièces nouvelles avant que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'ait été susceptible de l'affecter défavorablement par une telle exécution ; qu'ainsi, la procédure suivie par le préfet de la Lozère n'a pas porté, en tout état de cause, atteinte au principe fondamental du droit d'être entendu tel qu'énoncé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; que M. C... ne démontre pas qu'il ne pourrait retourner vivre en Russie avec son épouse et leurs enfants et que ces derniers ne pourraient poursuivre leur scolarité dans ce pays ; que le préfet n'a ainsi pas méconnu les stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

12. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'il convient d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. C... pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9 du présent arrêt ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision fixant le pays de destination :

13. Considérant, en premier lieu, que la décision fixant le pays à destination duquel M. C... serait éloigné en cas d'exécution d'office comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est par suite suffisamment motivée ;

14. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de l'arrêté attaqué, que le préfet ne se serait pas livré à un examen de la situation de l'intéressé, notamment au regard des risques encourus en cas de retour en Russie, ni qu'il se serait cru lié par la décision rendue par la Cour nationale du droit d'asile ;

15. Considérant, en troisième lieu, qu'il convient d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant par les mêmes motifs que ceux énoncés au point 11 du présent arrêt et celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision fixant le pays de destination sur la situation personnelle de M. C... pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9 du présent arrêt ;

16. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants : " 1. Aucun Etat partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture./ 2. Pour déterminer s'il y a de tels motifs, les autorités compétentes tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l'existence, dans l'Etat intéressé, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; que M. C..., qui soutient avoir été victime de racket alors qu'il vivait en Russie de la part d'un groupe criminel local, ne produit pas de pièce probante au soutien de ses allégations et ne démontre pas encourir des risques personnels et actuels en cas de retour dans son pays d'origine ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif de Nîmes doit être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 18 septembre 2014 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : La demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....

Copie en sera adressée au préfet de la Lozère.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2016, où siégeaient :

- M. Laso, président assesseur, présidant la formation du jugement en application de l'article R. 222.26 du code de justice administrative,

- Mme B..., première conseillère,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 19 mai 2016

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N° 14MA04211


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04211
Date de la décision : 19/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LASO
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-05-19;14ma04211 ?
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