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14/04/2016 | FRANCE | N°14MA01491

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 14 avril 2016, 14MA01491


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) les Coteaux de l'Oppidum a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Nages et Solorgues et la compagnie Groupama Méditerranée à lui payer la somme de 70 783,49 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1103802 du 21 mars 2013, le tribunal administratif de Nîmes a ordonné une expertise avant dire droit. Par un jugement du 6 février 2014, le tribunal administratif a condamné la commune et la com

pagnie Groupama Méditerranée à payer à l'entreprise agricole à responsabilité limit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) les Coteaux de l'Oppidum a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Nages et Solorgues et la compagnie Groupama Méditerranée à lui payer la somme de 70 783,49 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1103802 du 21 mars 2013, le tribunal administratif de Nîmes a ordonné une expertise avant dire droit. Par un jugement du 6 février 2014, le tribunal administratif a condamné la commune et la compagnie Groupama Méditerranée à payer à l'entreprise agricole à responsabilité limitée Les Coteaux de l'Oppidum la somme de 20 877,18 euros en réparation des dommages subis.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 avril 2014 et le 2 septembre 2015, la commune de Nages et Solorgues et la société Groupama Méditerranée, représentées par Me A..., demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 6 février 2014 ;

2°) de rejeter la demande de l'entreprise agricole à responsabilité limitée les Coteaux de l'Oppidum ;

3°) de condamner l'entreprise agricole à responsabilité limitée les Coteaux de l'Oppidum à rembourser à la commune la somme de 28 001,12 euros qu'elle a payée en exécution du jugement ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise aux fins de préciser la date de survenance des dommages ;

5°) de mettre à la charge de l'entreprise agricole à responsabilité limitée les Coteaux de l'Oppidum la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le courrier de la société Groupama Méditerranée n'est pas une décision administrative susceptible de recours ;

- les premiers juges se sont fondés sur un rapport d'expertise incomplet, en l'absence d'indication de la date à laquelle sont survenus les dommages ;

- la créance de l'entreprise agricole à responsabilité limitée est prescrite ;

- l'absence de barbacanes révèle une mauvaise conception de l'ouvrage de l'entreprise agricole à responsabilité limitée qui doit exonérer la commune de sa responsabilité ;

- le dommage constitué par la présence d'humidité sur le mur est sans lien avec les travaux publics communaux ;

- les fissures et le bombement du mur ne sont pas imputables à la commune ;

- aucune somme ne peut être allouée au titre des mesures conservatoires qui n'ont pas été mises en oeuvre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 août 2015, l'entreprise agricole à responsabilité limitée les Coteaux de l'Oppidum conclut :

1°) à titre principal au rejet de la requête ;

2°), à titre subsidiaire à ce que soit ordonné un complément d'expertise aux fins de préciser la date d'apparition des désordres ;

3°) à ce que soit mis à la charge de la commune le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- sa créance n'est pas prescrite ;

- il existe un lien de causalité direct et certain entre les travaux communaux et les désordres constatés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de Me B... représentant la commune de Nages et Solorgues et la société Groupama Méditerranée.

1. Considérant que la commune de Nages et Solorgues et la compagnie Groupama Méditerranée relèvent appel du jugement du 6 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nîmes les a condamnées à payer à l'EARL les Coteaux de l'Oppidum la somme de 20 877,18 euros en réparation des désordres causés au hangar lui appartenant par les travaux de remblaiement réalisés en 1986, sur une hauteur d'environ deux mètres, pour étendre la cour de récréation de l'école communale voisine en contrebas de laquelle il est implanté ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la demande d'annulation de la lettre du 21 octobre 2011 de la compagnie Groupama Méditerranée :

2. Considérant que, ainsi que l'a jugé le tribunal au point 3 de sa décision avant dire droit du 21 mars 2013, l'EARL Les Coteaux de l'Oppidum a donné à l'ensemble de sa demande le caractère d'un recours de plein contentieux, lequel, relatif à un dommage de travaux publics, ressortit à la compétence de la juridiction administrative ; qu'au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressée à percevoir la somme qu'elle réclame, la circonstance que le juge administratif soit incompétent pour prononcer l'annulation du courrier du 21 octobre 2011 par lequel la compagnie Groupama Méditerranée a rejeté la réclamation présentée par l'assureur de l'EARL Les Coteaux de l'Oppidum est sans incidence sur la solution du litige ;

En ce qui concerne la responsabilité pour dommages de travaux publics :

3. Considérant que la mise en jeu de la responsabilité sans faute d'une collectivité publique pour dommages de travaux publics à l'égard d'un justiciable qui est tiers par rapport à un ouvrage public ou une opération de travaux publics est subordonnée à la démonstration par cet administré de l'existence d'un dommage anormal et spécial et d'un lien de causalité entre cet ouvrage ou cette opération et les dommages subis ; que les personnes mises en cause doivent alors, pour dégager leur responsabilité, établir que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure, sans que puisse utilement être invoqué le fait du tiers ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports de l'expert et du sapiteur, que le désordre lié à la présence d'humidité, constatée dès 2010, sur le mur de la grange appartenant à l'EARL Les Coteaux de l'Oppidum, résulte de circulations d'eau, notamment en période de pluie, dans les remblais effectués à l'arrière de ce mur par la commune ; que l'EARL a la qualité de tiers à l'égard de cette opération de travaux publics ; qu'en se bornant à affirmer que ce désordre ne serait apparu que récemment, la commune ne conteste pas utilement l'existence du lien de causalité direct et certain entre les travaux publics et ce dommage ;

5. Considérant qu'il résulte également de l'instruction que le bombement du mur situé à l'est et la présence de fissures sont imputables à la poussée des terres du remblaiement réalisé en 1986 ; que contrairement à ce que fait valoir la commune, le sapiteur, s'il a estimé que la poussée latérale du remblai sur le mur est de la grange était faible et que le bombement de ce mur semblait être lié à un phénomène de fluage naturel consécutif à la pression hydrostatique et très probablement à la vétusté de l'édifice, a néanmoins clairement indiqué que la pression exercée sur ce mur par les terres ajoutées en 1986 le déformait, que ce phénomène de poussée était lent et qu'il avait provoqué des désordres sur la façade ouest, tandis que le remblai antérieur à 1986, résultant d'éboulis de pente anciens et consolidés depuis lors, n'exerçait quant à lui aucune pression latérale sur le mur du hangar ; que la présence ancienne de tirant reliant les murs latéraux n'est pas, par elle-même, de nature à établir que les désordres seraient antérieurs au remblaiement effectué par la commune ; qu'enfin, la poussée de ce remblai sur le mur étant à l'origine des désordres constatés, la commune n'est pas fondée à soutenir qu'ils résulteraient d'un phénomène de mouvement de sol consécutif à la sécheresse de l'année 2003 ;

6. Considérant que les remblaiements successifs du terrain communal ont été réalisés postérieurement à la construction du hangar de l'EARL Les Coteaux de l'Oppidum ; que la commune de Nages et Solorgues n'est dès lors pas fondée à se prévaloir d'un vice de conception du mur endommagé, qui n'avait pas été édifié pour soutenir le terrain voisin, non plus que de l'absence de barbacanes et d'enduit d'étanchéité ;

7. Considérant que les désordres invoqués présentent le caractère d'un dommage anormal et spécial ;

En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement " ;

9. Considérant que, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée au titre d'un dommage causé à un tiers par un ouvrage public, les droits de créance invoqués par ce tiers en vue d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens de ces dispositions, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés ; qu'ainsi que l'a relevé le tribunal administratif de Nîmes, l'origine des désordres affectant l'immeuble appartenant à l'entreprise agricole à responsabilité limitée les Coteaux de l'Oppidum, de même que les travaux nécessaires à sa remise en état, n'ont pu être déterminés qu'à la suite du dépôt, le 18 octobre 2013, du rapport de l'expertise ordonnée par le jugement avant dire droit du 21 mars 2013 ; que la circonstance que ce rapport ne fixe pas de date précise d'apparition des désordres est sans incidence sur la prescription ; que, par suite, l'exception de prescription opposée par la commune de Nages et Solorgues doit être écartée ;

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :

10. Considérant qu'il y a lieu de fixer le coût des travaux de traitement du bâtiment et de reprise des fissures du mur à la somme de 10 675,84 euros, hors taxe sur la valeur ajoutée que l'entreprise agricole à responsabilité limitée les Coteaux de l'Oppidum n'établit pas qu'elle n'est pas susceptible de déduire ; que, compte tenu d'un abattement pour vétusté de l'immeuble dont le taux peut être évalué à 20 %, il sera fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice en lui allouant la somme de 8 540,67 euros ;

11. Considérant que l'exécution des travaux de mise en sécurité du hangar, rendue nécessaire par les dommages dont la responsabilité incombe à la commune, est suffisamment justifiée par l'entreprise agricole à responsabilité limitée qui a produit, tant en appel qu'en première instance, la facture correspondante, d'un montant de 6 780 euros hors taxe, somme qu'il y a lieu de mettre à la charge de la commune ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise pour déterminer la date de survenance des dommages, la commune de Nages et Solorgues et la compagnie Groupama Méditerranée sont seulement fondées à demander que l'indemnité de 20 877,18 euros que le tribunal administratif les a condamnées à verser à l'entreprise agricole à responsabilité limitée les Coteaux de l'Oppidum, soit ramenée à la somme de 15 320,67 euros ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'entreprise agricole à responsabilité limitée les Coteaux de l'Oppidum la somme que la commune de Nages et Solorgues et la société Groupama Méditerranée demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par l'entreprise agricole à responsabilité limitée les Coteaux de l'Oppidum soient mises à la charge de la commune de Nages, qui n'est pas la partie perdante ;

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 20 877,18 euros que la commune de Nages et Solorgues et la compagnie Groupama Méditerranée ont été condamnées à verser à l'entreprise agricole à responsabilité limitée les Coteaux de l'Oppidum par le jugement du 6 février 2014 est ramenée à 15 320,67 euros.

Article 2 : Le jugement du 6 février 2014 du tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de l'entreprise agricole à responsabilité limitée les Coteaux de l'Oppidum présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Nages et Solorgues, à la compagnie Groupama Méditerranée et à l'entreprise agricole à responsabilité limitée les Coteaux de l'Oppidum.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2016, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Laso, président assesseur,

- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.

Lu en audience publique, le 14 avril 2016.

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N° 14MA01491


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA01491
Date de la décision : 14/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-03-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics. Existence de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : SCP MARGALL - D'ALBENAS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-04-14;14ma01491 ?
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