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24/03/2016 | FRANCE | N°14MA01223

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 24 mars 2016, 14MA01223


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme NicolasLabont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement l'Etat, le département de l'Hérault et la commune de Vias à leur verser la somme de 250 000 euros, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'érosion du littoral au droit de leur propriété.

Par un jugement n° 1203275 du 24 janvier 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.



Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mars 2014, M. et Mm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme NicolasLabont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement l'Etat, le département de l'Hérault et la commune de Vias à leur verser la somme de 250 000 euros, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'érosion du littoral au droit de leur propriété.

Par un jugement n° 1203275 du 24 janvier 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mars 2014, M. et MmeB..., représentés par la SCP Scheuer, Vernhet et associés, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 24 janvier 2014 ;

2°) de faire droit à leur demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat, du département de l'Hérault et de la commune de Vias la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur préjudice résulte des aménagements réalisés afin de protéger la côte à l'est de l'embouchure du Libron ;

- ils ont la qualité de tiers par rapport aux ouvrages publics en cause ;

- la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée aux titres de sa qualité de propriétaire du domaine public maritime sur lequel sont implantés les ouvrages, de la garde qu'il exerce sur les ouvrages, de la maîtrise d'oeuvre qu'il a assumée lors des travaux et du fait de sa participation financière à l'entretien des ouvrages ;

- la responsabilité sans faute du département de l'Hérault est engagée en sa qualité de maître d'ouvrage pour les neuf épis ;

- la responsabilité sans faute de la commune de Vias est engagée en sa qualité de maître d'ouvrage pour les trois brise-lames et les digues du Libron ;

- elle est également engagée sur le fondement de la convention de concession conclue avec l'Etat le 25 novembre 2002 et du fait qu'elle assure l'entretien des ouvrages ;

- l'Etat a commis des fautes en autorisant la construction des ouvrages, en interdisant aux riverains de protéger leur propriété et en s'abstenant d'user des pouvoirs que lui conférait la concession de plage accordée à la commune ;

- le département de l'Hérault et la commune de Vias ont commis des fautes en procédant à la construction de nouveaux ouvrages ;

- le lien de causalité entre la construction des ouvrages et l'aggravation de l'érosion est établi ;

- leur préjudice revêt un caractère anormal et spécial ;

- leur préjudice est constitué d'une privation de propriété, de divers dommages, d'une perte de revenus et de troubles dans leurs conditions d'existence ;

- ils sont fondés à demander la condamnation solidaire de l'Etat, du département de l'Hérault et de la commune de Vias.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2014, la commune de Vias, représentée par MeH..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la créance dont se prévalent les requérants à son égard est atteinte par la prescription quadriennale ;

- les requérants ne sont pas tiers mais usagers par rapport aux ouvrages incriminés ;

- les requérants n'identifient pas clairement à quelle personne publique le dommage est imputable ;

- les requérants ne peuvent se prévaloir des manquements de la commune à un contrat auquel ils sont tiers ;

- aucune faute ne peut lui être reprochée ;

- sa responsabilité éventuelle est moindre par rapport à celle de l'Etat et du département dès lors que les brise-lames ont été construits plus récemment que les autres ouvrages incriminés ;

- les préjudices allégués ne sont ni anormaux ni spéciaux ;

- les requérants avaient connaissance de la situation de leur parcelle lors de son acquisition ;

- les requérants ne peuvent prétendre à aucune indemnisation compte tenu de leur situation irrégulière au regard du droit d'occupation des sols ;

- le lien de causalité n'est pas démontré ;

- la réalité des préjudices invoqués n'est pas établie ;

- les préjudices ne sont pas certains ;

- les préjudices liés à la privation de propriété et aux dommages subis sont surévalués ;

- en procédant à des enrochements sur leur propriété, les requérants ont commis une faute ayant contribué à leur préjudice.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2014, le département de l'Hérault, représenté par la SCP CGCB et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa responsabilité sans faute ne peut être engagée dès lors qu'il n'a pas la qualité de maître d'ouvrage ni celle de gardien des épis ;

- elle ne saurait être engagée que dans la limite de la contribution des épis au phénomène d'érosion ;

- aucune faute ne lui est imputable ;

- le préjudice allégué ne revêt pas un caractère anormal et spécial ;

- la réalité du préjudice invoqué n'est pas établie ;

- les requérants ne peuvent prétendre à une indemnisation compte tenu de l'irrégularité de leur situation ;

- les requérants se sont exposés au risque d'érosion en connaissance de cause ;

- le lien de causalité n'est pas démontré ;

- en procédant à des enrochements sur leur propriété, les requérants ont commis une faute ayant contribué à leur préjudice.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les requérants ne précisent pas de quels ouvrages l'Etat aurait la garde ;

- la responsabilité sans faute de l'Etat ne peut être engagée dès lors qu'il n'a la qualité ni de maître d'ouvrage ni de concessionnaire ;

- l'Etat n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

- la preuve du lien de causalité n'est pas rapportée ;

- le cas échéant, la responsabilité sans faute de l'Etat devra être partagée avec celle du département et de la commune ;

- les requérants avaient connaissance du risque d'érosion lors de l'acquisition de la propriété ;

- ils ont contribué au phénomène en mettant en place des enrochements ;

- la tempête de décembre 1997 doit être regardée comme un cas de force majeure susceptible d'exonérer de sa responsabilité la puissance publique ;

- la réalité des préjudices invoqués n'est pas établie ;

- les préjudices ne sont pas certains ;

- les dommages allégués ne revêtent pas le caractère d'un préjudice anormal et spécial.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.L'hôte, premier conseiller,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant M. et MmeB..., et de Me C...représentant le département de l'Hérault.

1. Considérant que M. et Mme Labsont propriétaires d'une parcelle cadastrée AC n° 233, sur le territoire de la commune de Vias ; qu'ils ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement l'Etat, le département de l'Hérault et la commune de Vias à leur verser une indemnité de 250 000 euros, outre les intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'ils auraient subis du fait de la présence d'ouvrages de protection contre la mer édifiés par ces collectivités publiques à l'est de l'embouchure du Libron, estimant que cette présence avait eu pour effet d'aggraver le phénomène d'érosion du littoral au droit de leur propriété ; qu'ils font appel du jugement du 24 janvier 2014 par lequel le tribunal a rejeté leur demande ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'érosion du littoral sur le territoire de la commune de Vias est un phénomène naturel constaté dès le 19ème siècle ; que les différents documents produits par les requérants, s'ils évoquent un accroissement du taux de recul au cours des dernières décennies, se bornent à mettre en cause, en termes généraux, l'anthropisation et l'urbanisation de la bande littorale ; qu'ils ne comportent aucune conclusion précise sur l'impact des ouvrages litigieux dans l'accentuation du phénomène sur le territoire de la commune de Vias ; que, notamment, la thèse de doctorat invoquée par M. et Mme Labrepose sur l'observation de sept secteurs dont aucun ne concerne la commune de Vias ; que si son auteur a pu conclure que " cette étude a pu confirmer l'impact négatif de l'implantation d'ouvrages transversaux en aval dérive sur des secteurs où le transit littoral est important ", la situation des secteurs qui y sont étudiés est différente de celle des plages de Vias, tant au regard des ouvrages existants que des caractéristiques du littoral, comme le faisait valoir le préfet en première instance ; que les conclusions de cette étude n'apportent dès lors aucun éclairage probant sur la situation au droit de la propriété des requérants ; qu'à l'inverse, et comme le relevait le préfet, les épis et les brise-lames dont la présence est mise en cause, n'ont pu avoir un quelconque impact sur l'érosion dans la mesure où ils font partie d'une sous-cellule sédimentaire fonctionnant de manière indépendante et homogène ; que seules les digues du Libron sont susceptibles d'avoir accentué l'érosion du littoral en aval dérive ; que l'influence de ces ouvrages n'est restée cependant circonscrite qu'à une distance maximale de 200 à 250 mètres ; qu'au-delà, alors que la parcelle appartenant à M. et Mme Labserait située à 750 mètres selon leurs propres déclarations, l'impact de ces digues n'est pas établi ; que ces éléments, fondés notamment sur une étude de la protection du littoral de Vias réalisée en 1995, ne sont contredits par aucune des pièces produites par les requérants ; qu'en outre, il ressort de l'ensemble des études versées au dossier que l'érosion a été aggravée de manière directe et significative par les ouvrages de protection construits par les propriétaires riverains ; que M. et MmeB..., qui ne contestent pas avoir procédé à des enrochements au droit de leur propriété, ne démontrent pas, ainsi, que l'érosion dont ils se plaignent aurait été accentuée par la présence des ouvrages édifiés par les collectivités publiques à l'est de l'embouchure du Libron ; que, par suite, en l'absence de lien de causalité direct et certain entre la présence de ces ouvrages et l'avancée de la mer au droit de la propriété des épouxB..., la responsabilité sans faute de l'Etat, du département de l'Hérault et de la commune de Vias ne peut être engagée ; que, pour le même motif, il n'est pas établi que les préjudices invoqués par M. et Mme Labtrouveraient leur origine dans les fautes qu'aurait commises l'une ou l'autre de ces collectivités publiques en autorisant, en réalisant ou en entretenant lesdits ouvrages ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que si, par un arrêté du 30 septembre 2011, le préfet de l'Hérault a concédé à la commune de Vias l'exploitation et l'entretien des plages naturelles situées sur son territoire, il ne résulte pas de l'instruction que l'octroi de cette concession impliquait, de la part du concessionnaire, la mise en oeuvre de mesures de protection contre l'érosion du littoral ; que, par suite, en s'abstenant de prendre de telles mesures, la commune de Vias n'a pas manqué à ses obligations contractuelles ; que, pour le même motif, l'Etat n'a pas commis de faute en omettant de faire usage des pouvoirs qu'il détient en sa qualité d'autorité concédante pour imposer à la commune le respect de ses prétendus engagements contractuels ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'il n'est pas établi que l'Etat aurait interdit la réalisation par les particuliers, sur leur propriété, d'ouvrages de protection contre l'avancée de la mer ; que, par ailleurs, il ressort des études versées au dossier que l'existence de tels ouvrages constitue un facteur aggravant du phénomène d'érosion, comme il a été dit au point 2 ; que, par suite, en interdisant l'implantation de tels ouvrages sur le domaine public maritime par les propriétaires riverains, l'Etat n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale soulevée par la commune de Vias, que M. et Mme Lab ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, du département de l'Hérault et de la commune de Vias, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que M. et Mme Labdemandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ces derniers les sommes de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Vias et le département de l'Hérault et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme Labest rejetée.

Article 2 : M. et Mme Labverseront à la commune de Vias et au département de l'Hérault la somme de 1 000 euros (mille euros) chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme NicolasLab, au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, au département de l'Hérault et à la commune de Vias.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2016, où siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme G... et M. L'hôte, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 24 mars 2016.

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