Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de déclarer le centre hospitalier de Narbonne responsable des dommages qu'elle a subis et de mettre à sa charge la somme de 62 000 euros à titre de réparation.
Par un jugement n° 1203749 du 17 juin 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la requête de Mme A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2014, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1203749 du 17 juin 2014 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Narbonne à lui verser la somme de 62 000 euros à titre de réparation ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Narbonne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a pas été suffisamment informée notamment des conséquences d'une ulcération gastrique ;
- elle a été victime d'une infection nosocomiale dont la responsabilité incombe au centre hospitalier ;
- l'expert a précisé que la symptomatologie douloureuse de l'épaule gauche devait être retenue selon le mode d'une algodystrophie pouvant être séquellaire d'une compression sur la table d'opération liée aux épaulières.
Par un mémoire, enregistré le 4 septembre 2015, le centre hospitalier de Narbonne, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête de Mme A....
Il soutient que :
- Mme A... a été informée des risques et complications susceptibles d'intervenir lors de la pose d'un anneau gastrique ;
- elle n'a pas été victime d'une infection nosocomiale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laso, rapporteur ;
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique.
1. Considérant que Mme A..., alors âgée de 38 ans, a subi, le 10 juin 2004 au centre hospitalier de Narbonne, la pose d'un anneau gastrique par laparoscopie, qui a été compliquée par une ulcération gastrique avec une micro perforation et une contamination de la cavité abdominale entraînant deux nouvelles hospitalisations ; que Mme A... a également présenté, dans les suites immédiates de l'intervention, une symptomatologie douloureuse de l'épaule gauche ; qu'estimant avoir été victime d'une prise en charge inadaptée, Mme A... a saisi le tribunal administratif de Montpellier ; que, par un jugement du 17 juin 2014, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que Mme A... relève appel de ce jugement ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Narbonne :
En ce qui concerne le défaut d'information :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : "Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. (...) " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction notamment du rapport d'expertise du professeur Navarro, désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, que le docteur Galtier que Mme A... a consulté le 22 avril 2004 a indiqué qu'il avait, au cours de cette consultation, expliqué à la patiente les modalités opératoires et lui avait donné des explications sur les difficultés inhérentes à l'intervention ; que, d'autre part, il est constant que Mme A... a pris connaissance le 9 juin 2004 d'un document intitulé " informations à propos de l'anneau gastrique " qu'elle a signé et qui fait état d'un certain nombre de complications représentant jusqu'à 10 % des cas pouvant nécessiter une nouvelle intervention pour la remise en place de l'anneau voire même son ablation au titre desquelles sont citées les ulcérations gastriques ; que, contrairement à ce que soutient Mme A..., ce document comporte une information suffisamment précise des complications qui ne sont pas bénignes liées à la pose d'un anneau gastrique ; que les circonstances que l'expert n'a pas pris connaissance de ce document et que les conséquences d'une ulcération gastrique ayant abouti en ce qui la concerne à un abcès ne sont pas précisées ne sont pas de nature à établir un défaut d'information ; que, par suite, le moyen tiré du caractère insuffisant de l'information délivrée, qui aurait privé Mme A... de la possibilité de se soustraire au risque lié à l'intervention, ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne l'infection nosocomiale :
4. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère " ; que si ces dispositions font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère soit rapportée, seule une infection survenant au cours ou au décours d'une prise en charge et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge peut être qualifiée de nosocomiale ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction notamment de l'expertise que la pose de l'anneau gastrique a entraîné une première complication sous la forme d'une ulcération gastrique ainsi qu'une micro perforation bouchée de la paroi gastrique ; que l'expert indique que " cet accident constitue un aléa thérapeutique bien connu de telles pratiques " de l'obésité morbide ; que, dans les suites de la micro perforation, une seconde complication a été diagnostiquée sous la forme d'un abcès constitué entre le lobe hépatique gauche et l'estomac dès lors qu'il existait une contamination intra péritonéale secondaire à un défaut de continuité entre la paroi gastrique et la cavité abdominale ; que l'expert indique " qu'il s'agit d'un processus infectieux bien connu dans ce type de chirurgie " ; qu'il précise que la porte d'entrée de cette infection qu'il qualifie de nosocomiale est une micro fistule gastrique secondaire à la pose de l'anneau ; que l'expert ajoute que les germes retrouvés dans l'abcès lors du drainage sont deux streptocoques différents, connus, pouvant être présents dans le tube digestif ; que, dans ces conditions, la complication infectieuse qui est survenue à la suite de l'intervention subie par Mme A... a été provoquée par le geste opératoire effectué au centre hospitalier de Narbonne alors même que la micro-perforation présente le caractère d'un aléa thérapeutique ; qu'ainsi, l'infection dont l'intéressée a été victime n'était ni présente, ni en incubation au début de sa prise en charge au centre hospitalier de Narbonne ; qu'elle revêt, dès lors, le caractère d'une infection nosocomiale ; que si l'infection en cause a pour origine la flore microbienne endogène de la patiente, cette circonstance ne peut exonérer l'hôpital de sa responsabilité en l'absence d'une cause étrangère, l'infection dont s'agit ne présentant pas de caractère d'extériorité, d'imprévisibilité ni d'irrésistibilité ; que, dès lors, la responsabilité du centre hospitalier de Narbonne se trouve engagée à l'égard de Mme A... à raison des préjudices résultant de l'infection dont elle a souffert ;
6. Considérant que si l'expert médical désigné a indiqué que la douleur du membre supérieur gauche, épaule et avant-bras, que Mme A... a présentée dans les suites immédiates de l'intervention du 10 juin 2004 pouvait être séquellaire d'une compression sur la table d'opération, il ne résulte pas de l'instruction que ce chef de préjudice dont l'intéressée demande réparation soit en lien direct tant avec l'accident médical non fautif qui est survenu qu'avec l'infection nosocomiale qu'elle a subie ;
Sur les préjudices :
7. Considérant que l'expert a fixé la date de consolidation des blessures au 1er septembre 2004 ; qu'il a évalué les souffrances physiques endurées à 3,5/7, le préjudice esthétique à 2/7 ; qu'il a retenu un préjudice d'agrément compte tenu des troubles digestifs qui persistent ; qu'il a évalué le taux de déficit fonctionnel permanent à 20 % en raison d'une atteinte permanente de la fonction digestive et de la douleur de l'épaule gauche ; que, cependant, seuls les préjudices subis par Mme A... qui résultent directement de l'infection nosocomiale sont susceptibles d'être indemnisés ;
8. Considérant que si l'expert a retenu une période d'incapacité temporaire de travail du 6 juin 2004 au 31 août 2004, il résulte de son rapport que Mme A... n'a été hospitalisée que du 10 juillet 2004 au 25 juillet 2004 pour effectuer le drainage per cutané de l'abcès, lui administrer un traitement antibiotique par voie veineuse et la faire bénéficier d'une alimentation parentérale ; que la complication infectieuse qui a suivi l'opération du 10 juin 2004 est à l'origine d'une prolongation de l'hospitalisation de Mme A... du 10 juillet au 25 juillet 2004 d'abord au centre hospitalier de Narbonne puis au centre hospitalier universitaire de Montpellier ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices découlant de cette hospitalisation en les évaluant à la somme de 500 euros ;
9. Considérant que si l'expert évalue les souffrances endurées par Mme A... à 3,5/7, il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 que seuls les préjudices subis qui résultent de l'infection nosocomiale sont susceptibles d'être indemnisés ; que si Mme A... a présenté dans les suites immédiates de l'intervention du 10 juin 2004 une douleur du membre supérieur gauche, épaule et avant-bras, et si l'expert retient une atteinte permanente de la fonction ostéo-articulaire de l'épaule, ces préjudices sont sans lien avec l'infection nosocomiale ; qu'il sera fait une juste appréciation des douleurs subis en lien avec l'infection nosocomiale en les évaluant à la somme de 2 000 euros ;
10. Considérant que si l'expert évalue à 2/7 le préjudice esthétique subi par Mme A... et s'il a retenu un préjudice d'agrément compte tenu des troubles digestifs qui persistent, ces chefs de préjudice sont sans lien direct avec l'infection nosocomiale ; que ces chefs de préjudices ne peuvent, par suite, qu'être écartés ; que le préjudice d'agrément invoqué résultant de la symptomatologie douloureuse de l'épaule gauche et non de l'infection nosocomiale ne peut également qu'être écarté ;
11. Considérant que si l'expert évalue à 20 % le taux de déficit fonctionnel permanent, ce taux correspond à l'atteinte permanente des fonctions digestives et de la douleur de l'épaule ; qu'il résulte de l'expertise que l'atteinte permanente des fonctions digestives dont Mme A... est atteinte lui inflige des troubles dans les conditions d'existence ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 14 000 euros ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, de condamner le centre hospitalier de Narbonne à lui verser la somme de 16 500 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Narbonne le versement à Mme A... d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 juin 2014 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier de Narbonne versera à Mme A... la somme de 16 500 euros.
Article 3 : Le centre hospitalier de Narbonne versera à Mme A... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A..., au centre hospitalier de Narbonne et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude.
Délibéré après l'audience du 25 février 2016, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- M. Laso, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère,
Lu en audience publique, le 17 mars 2016.
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N° 14MA03414