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17/03/2016 | FRANCE | N°14MA03363

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 17 mars 2016, 14MA03363


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Marseille à titre principal d'ordonner une expertise et à titre subsidiaire de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille solidairement ou l'un à défaut de l'autre à lui payer une provision de 80 000 euros et d'ordonner une expertise aux fins d'évaluer ses préjudices.

Par un jugement n° 1104091 du 26 mai

2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Marseille à titre principal d'ordonner une expertise et à titre subsidiaire de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille solidairement ou l'un à défaut de l'autre à lui payer une provision de 80 000 euros et d'ordonner une expertise aux fins d'évaluer ses préjudices.

Par un jugement n° 1104091 du 26 mai 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2014 et un mémoire enregistré le 11 septembre 2015, Mme F... épouseA..., représentée par Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 mai 2014 ;

2°) de condamner à titre principal l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille et à titre subsidiaire l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, solidairement ou l'un à défaut de l'autre, au paiement de la somme provisionnelle de 80 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices ;

3°) d'ordonner une expertise aux fins de déterminer si des manquements peuvent être imputés à l'établissement de soins et en tout état de cause aux fins d'évaluer ses préjudices ;

4°) de mettre solidairement, ou l'un à défaut de l'autre, à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales le versement de la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille ne rapporte pas la preuve de l'accomplissement de son obligation d'information, laquelle ne saurait être remplie par les consultations antérieures d'autres médecins ;

- l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille n'est pas en mesure de produire la fiche recueillant son consentement ;

- il résulte du défaut d'information un préjudice d'impréparation qui doit être réparé ;

- subsidiairement, elle doit être indemnisée par la solidarité nationale au titre des conséquences anormales au regard de son état de santé, comme de l'évolution prévisible de celui-ci ;

- les seuils de gravité sont atteints ;

- une mesure d'expertise est utile dès lors que les conclusions des deux rapports médicaux sont incomplètes et contradictoires et que son état de santé est à présent consolidé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2015, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale ne peuvent être considérées comme anormales au regard de l'état de santé de la patiente comme de l'évolution prévisible de celui-ci ;

- les dommages présentés dans les suites de l'intervention ne peuvent être considérés comme notablement plus graves que ceux auxquels la patiente était exposée en l'absence de toute intervention ;

- la victime se trouvait particulièrement exposée aux complications finalement survenues dès lors que compte tenu de la localisation de la tumeur, le risque de lésion de la vue était majeur ;

- l'intervention qui s'imposait comportait des risques élevés de cécité postopératoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2015, l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- la patiente a été informée des risques liés à l'intervention réalisée à l'hôpital de La Timone ;

- l'intervention s'imposait et Mme F... ne pouvait s'y soustraire ;

- il n'existait pas d'alternative thérapeutique ;

- la patiente n'a perdu aucune chance d'éviter les préjudices ;

- Mme F... ne peut solliciter l'indemnisation du préjudice " d'impréparation " pour la première fois en appel, lequel n'est au demeurant justifié ni dans son existence ni dans son ampleur ;

- sa responsabilité n'étant pas engagée, l'expertise demandée est dépourvue d'utilité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de Me E... substituant Me G... de la SCP Gobert et Associés pour Mme F... épouse A...et de Me D... substituant Me C... pour l'ONIAM.

1. Considérant que Mme F..., souffrant de troubles visuels à l'oeil droit depuis l'année 2007, a subi le 4 février 2009 une opération chirurgicale au sein du service de neurochirurgie de l'hôpital de la Timone à Marseille, en raison d'un hémangiome du sommet de l'orbite droite ; qu'elle a présenté dans les suites immédiates de l'opération une cécité complète de l'oeil droit, un ptosis, une immobilité oculaire ainsi qu'une paralysie complète du muscle des nerfs occulo moteurs ; que le 15 septembre 2009, l'intéressée a saisi d'une demande d'indemnisation la commission régionale de conciliation et d'indemnisation Provence-Alpes-Côte-d'Azur ; que dans ce cadre, une expertise a été ordonnée ; que la commission a rejeté la demande d'indemnisation de Mme F..., estimant qu'aucune faute ne pouvait être imputée à l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille et que le critère de l'anormalité des conséquences de l'intervention faisait défaut pour permettre une indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au titre de la solidarité nationale ; que Mme F... a alors demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de désigner un expert ayant pour mission de se prononcer sur les conditions de sa prise en charge par l'hôpital de la Timone et sur l'étendue des préjudices qu'elle a subis et, à titre subsidiaire, de condamner, solidairement, ou l'un à défaut de l'autre, l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à réparer les conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale du 4 février 2009 ; qu'elle relève appel du jugement du 26 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille :

2. Considérant que Mme F... qui a demandé au tribunal administratif la réparation des conséquences dommageables des soins qui lui ont été dispensés par l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille, est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant de chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges ; que la demande présentée par la requérante devant la Cour tendant à l'indemnisation de son préjudice " d'impréparation " demeure dans la limite du montant total demandé en première instance et se rattache à la même cause juridique et au même fait générateur que ceux qu'elle avait invoqués devant les premiers juges ; qu'il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille et tirée de ce que la demande d'indemnisation du préjudice en cause constitue une demande nouvelle en appel ne peut qu'être écartée ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le défaut d'information :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen " ;

4. Considérant que l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille, à laquelle il incombe d'établir qu'elle a satisfait à son obligation d'information, n'a produit ni en première instance ni en appel la fiche de consentement éclairé que Mme F... aurait signée, ce que conteste au demeurant l'intéressée ; que si l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif indique que la patiente a reçu une information sur les risques délivrée par le praticien de l'hôpital de la Timone, il s'est en réalité borné à retranscrire les déclarations faites par les parties lors des réunions d'expertise ; que, compte tenu du caractère évolutif de la pathologie présentée par Mme F..., la circonstance qu'une information lui avait été délivrée par des praticiens du secteur privé onze à quinze mois avant l'intervention pratiquée par l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille ne dispensait pas celle-ci de satisfaire à l'obligation mise à sa charge par les dispositions précitées de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'information donnée par des neurochirurgiens d'autres établissements de santé en novembre 2007, janvier 2008 et mars 2008 sur l'existence de risques " fonctionnels et cosmétiques " liés à l'exploration chirurgicale de la lésion, ait été relative à une intervention identique à celle réalisée par l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille, consistant en un geste alternatif d'exérèse ou de simple biopsie selon un abord crânien puis orbitaire ; qu'enfin, l'information que l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille établit avoir délivrée à Mme F... sur l'indication d'exérèse ou de biopsie n'a pas porté sur les risques propres à l'un ou l'autre geste ; qu'ainsi, l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille n'établit pas que Mme F... se soit vu délivrer une information suffisante pour permettre de recueillir son consentement éclairé ;

5. Considérant qu'un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée ; que c'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent nier l'existence d'une perte de chance ; qu'indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a pu subir du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise et de l'ensemble des documents versés au débat contradictoire et qui ne sont pas utilement contestés par les parties, que la tumeur dont était atteinte Mme F... avait entraîné une altération du champ visuel, de l'acuité visuelle et des potentiels évoqués visuels ; que si le champ visuel et les potentiels évoqués visuels s'étaient dégradés dans le courant de l'année 2008, l'acuité visuelle avait baissé puis s'était améliorée, l'examen du 29 octobre 2008 faisant état d'une acuité visuelle à l'oeil droit à 7/10 ; que si l'expert a qualifié l'indication opératoire d'indiscutable, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle était impérieusement requise et qu'il n'aurait pas existé des alternatives moins risquées, alors en outre qu'il ne résulte pas de l'instruction que la tumeur aurait inévitablement et de manière certaine grossi et entraîné une cécité ; que dans ces conditions, l'appelante a subi une perte de chance de se soustraire aux risques qui se sont réalisés, dont le taux doit être fixé, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu notamment des risques respectifs attachés à la réalisation ou non de l'intervention, à 50 % ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été indiqué au point précédent que Mme F... n'est pas susceptible d'obtenir la réparation intégrale de l'ensemble de ses préjudices sur le seul fondement de la responsabilité pour faute de l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille ; que par suite, il y a lieu pour la Cour de statuer sur les conclusions que la requérante a présentées à titre subsidiaire à l'encontre de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

En ce qui concerne la prise en charge au titre de la solidarité nationale :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.(...) II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I (...) n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret " ; qu'aux termes de l'article D. 1142-1 du même code, dans sa rédaction applicable : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. Un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale présente également le caractère de gravité mentionné à l'article L. 1142-1 lorsque la durée de l'incapacité temporaire de travail résultant de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale est au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois. A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence " ;

9. Considérant que si les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique font obstacle à ce que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage en vertu du I du même article, elles n'excluent toute indemnisation par l'office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité ; que dans l'hypothèse où un accident médical non fautif est à l'origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l'article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d'éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l'accident non fautif ; que par suite, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si l'ensemble de ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l'article L. 1142-1, et présentent notamment le caractère de gravité requis, l'indemnité due par l'office étant seulement réduite du montant de celle mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l'ampleur de la chance perdue ;

10. Considérant, d'une part, qu'il résulte du rapport de l'expertise réalisée à la demande du président de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation que l'indication opératoire était médicalement justifiée et que l'intervention a été réalisée dans des conditions répondant aux règles de l'art ; que la perte fonctionnelle de l'oeil droit constitue un accident médical qui est directement imputable à l'acte de soins du 4 février 2009 ; qu'en outre, la requérante a subi une période d'incapacité temporaire de travail de plus de six mois sur une période consécutive de douze mois en lien avec les complications de l'intervention, satisfaisant ainsi au caractère de gravité mentionné à l'article L. 1142-1 ;

11. Considérant, d'autre part, que la condition d'anormalité du dommage prévue par les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; que c'est seulement lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, que les critères de la probabilité du risque et de l'exposition particulière du patient, du fait de sa pathologie ou de sa physiologie doivent être pris en compte pour déterminer si ces conséquences peuvent néanmoins être regardées comme anormales du fait d'une faible probabilité de survenance du dommage dans les conditions où l'acte a été accompli ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'intervention non fautive a entraîné pour Mme F... une cécité complète de l'oeil droit avec paralysie oculomotrice et déformation du creux temporal droit alors que le déficit antérieur de l'acuité visuelle de cet oeil était relativement stabilisé ; qu'ainsi, les séquelles en lien avec l'intervention sont notablement plus graves que les troubles liés à son état initial ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en l'absence de traitement, la tumeur aurait inévitablement et de manière certaine entraîné une cécité ainsi qu'il a été dit au point 6, ni que son évolution se serait accompagnée d'une paralysie oculomotrice et d'une déformation du creux temporal ; que le critère tenant à l'anormalité du dommage est rempli ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les préjudices résultant des séquelles fonctionnelles et esthétiques liées à l'intervention auxquelles Mme F... a perdu une chance de pouvoir se soustraire doivent être réparés pour moitié par l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille et pour l'autre moitié par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ; que l'appelante est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les préjudices :

14. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. La mission confiée à l'expert peut viser à concilier les parties " ;

15. Considérant que l'état du dossier ne permet à la Cour ni de déterminer la date de consolidation de l'état de santé de Mme F... ni d'évaluer ses préjudices permanents ; qu'il y a lieu, avant de statuer sur la requête, d'ordonner une expertise sur ces points ; que les conclusions des parties tendant à ce que l'expert ait également pour mission de déterminer si des manquements ont été commis par l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille ou de donner au juge les éléments lui permettant d'apprécier si les conditions de prise en charge des dommages au titre de la solidarité nationale sont remplies, ne présentent pas d'utilité, l'instruction ayant permis à la Cour de se prononcer sur ces deux points au vu notamment des documents médicaux versés au dossier dont le rapport de l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation qui n'a pas été sérieusement contesté par la requérante ;

16. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme F... a subi des préjudices temporaires constitués notamment par des souffrances, évaluées à 3,5 sur 7, et un déficit fonctionnel temporaire d'une durée de plus d'une année au jour du dépôt du rapport d'expertise, dont le montant de la réparation peut d'ores et déjà être apprécié par la Cour ; qu'il y a lieu de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à payer à Mme F..., ainsi qu'elle le demande, une provision dont le montant doit être fixé à la somme de 6 500 euros pour chacun d'eux ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 mai 2014 est annulé.

Article 2 : L'assistance publique - hôpitaux de Marseille et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales sont condamnés à payer la somme de 6 500 euros chacun à titre provisionnel à Mme F....

Article 3 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de Mme F..., procédé à une expertise médicale contradictoire avec l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales avec mission pour l'expert de :

1°) se faire communiquer les documents médicaux utiles à sa mission, procéder à l'examen médical de Mme F..., décrire son état de santé actuel et son état de santé antérieur, en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les séquelles en lien avec les complications consécutives à l'intervention du 4 février 2009 ;

2°) d'indiquer précisément les séquelles en relation directe et exclusive avec l'intervention subie, et préciser, notamment, la durée du déficit fonctionnel temporaire total ou partiel en en précisant le taux, la date de consolidation, le taux de déficit fonctionnel permanent, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément, ainsi que tout autre élément de nature à permettre à la Cour de se prononcer sur les préjudices subis par Mme F....

Article 4 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la Cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties intéressées dans le délai fixé par le président de la Cour dans sa décision le désignant.

Article 5 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F...épouseA..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille, à la SHAM et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 25 février 2016, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Laso, président assesseur,

- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 mars 2016.

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