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17/03/2016 | FRANCE | N°14MA01562

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 17 mars 2016, 14MA01562


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier universitaire de Nice à lui payer la somme de 24 750 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1202001 du 7 février 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 avril 2014, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du

7 février 2014 ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Nice à lui payer la somm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier universitaire de Nice à lui payer la somme de 24 750 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1202001 du 7 février 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 avril 2014, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 7 février 2014 ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Nice à lui payer la somme de 24 750 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas bénéficié d'une information suffisante sur l'objet et les risques de l'intervention et n'a pu ainsi donner un consentement éclairé avant l'intervention ;

- l'intervention n'a pas répondu à sa demande en termes de résultats dès lors qu'elle présente une invalidité liée à son incontinence ;

- elle a subi une période de déficit fonctionnel temporaire de 45 jours justifiant que la somme de 2 250 euros lui soit allouée ;

- 10 500 euros répareront le déficit fonctionnel permanent de 7 % dont elle demeure atteinte ;

- les souffrances endurées évaluées à 2 sur une échelle allant jusqu'à 7 justifient qu'une somme de 5 000 euros lui soit accordée ;

- son préjudice esthétique de 1 sur 7 justifie une indemnisation à hauteur de 2 000 euros ;

- la réparation de son préjudice d'agrément ne saurait être inférieure à une somme de 5 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 27 mai 2014, la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Nice au paiement de la somme de 10 951,16 euros assortie des intérêts de droit et de la somme de 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Elle soutient que :

- elle est fondée à intervenir en application de l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale ;

- elle a servi des prestations à Mme A... pour un montant de 10 951,16 euros que le centre hospitalier devra lui rembourser.

Par deux mémoires enregistrés le 12 juin 2015 et le 13 janvier 2016, le centre hospitalier universitaire de Nice conclut au rejet de la requête de Mme A... ainsi que des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes.

Il fait valoir que :

- il n'a pas manqué à son obligation d'information ;

- l'échec éventuel de l'opération n'est pas fautif ;

- l'infection postopératoire a été soignée lors de l'hospitalisation du 15 au 26 janvier 2001 ;

- la complication pour dysurie avec rétention constitue un aléa thérapeutique qui a été pris en charge ;

- les troubles persistants résultent de l'état préexistant ;

- la perte de chance de se soustraire au risque de dysurie postopératoire est très faible ;

- il n'y a pas de lien de causalité entre le défaut d'information et les préjudices invoqués ;

- seuls pourraient être indemnisés les préjudices résultant des opérations de janvier et mars 2001 ;

- les conclusions de la caisse sont irrecevables faute d'avoir été présentées par ministère d'avocat et pour défaut de motivation ;

- la créance invoquée par la caisse n'est pas en lien avec l'intervention de janvier 2001.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,

- et les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique.

1. Considérant que Mme A... présentait depuis la fin des années 1990 des troubles urinaires mixtes avec une instabilité vésico urétrale et une incontinence urinaire d'effort de grade III ; qu'elle a subi le 3 janvier 2001 au sein du centre hospitalier universitaire de Nice une intervention chirurgicale de type Goebell-Stoeckel consistant en la mise en place d'une bandelette aponévrotique sous urétrale ; qu'elle est restée hospitalisée jusqu'au 8 janvier 2001 ; qu'à la suite de cette intervention, l'intéressée a présenté, d'une part, une complication de type hématome infecté du Retzius qui a fait l'objet d'un traitement antibiotique ainsi que d'une reprise chirurgicale le 16 janvier 2001, et d'autre part une dysurie avec persistance d'impériosités mictionnelles, qui a nécessité une prise en charge médico-chirurgicale s'étalant sur une période courant de l'intervention chirurgicale du 3 janvier 2001 à la date de consolidation des lésions de l'intéressée fixée par l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Nice au mois de septembre 2009 ; que Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 7 février 2014 ayant rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Nice à réparer les préjudices qu'elle a subis à la suite de l'intervention chirurgicale réalisée le 3 janvier 2001 ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant, d'une part, que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ; que le défaut d'information peut ouvrir droit à réparation alors même qu'il portait sur un risque, finalement réalisé, qui a entraîné une aggravation temporaire réparée par d'autres interventions ;

3. Considérant, d'autre part, qu'un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée ; que c'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent nier l'existence d'une perte de chance ;

4. Considérant que le centre hospitalier ne rapporte pas la preuve dont la charge lui incombe de l'information donnée à la patiente quant à la survenue d'un risque de dysurie notamment, à la suite de l'intervention dont l'objet était limité au traitement de la seule incontinence urinaire d'effort ; que cette complication constitue un trouble invalidant ; que, si la réalisation de l'intervention du 3 janvier 2001 était nécessaire et médicalement justifiée, il ne résulte pas de l'instruction que cette intervention était impérieusement requise ; que, compte tenu de la gêne ressentie par la patiente résultant de l'incontinence urinaire d'effort, traitée par l'intervention, et de la nature et de l'ampleur des risques liés à cette même intervention, il convient de fixer à 50 % le taux de perte de chance de la victime de se soustraire au risque qui s'est réalisé ; que c'est dès lors à tort que le tribunal administratif de Nice a estimé qu'aucun défaut d'information fautif n'était imputable au centre hospitalier universitaire de Nice ;

Sur les préjudices :

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, d'une part, qu'il y a lieu de fixer à 45 jours la durée du déficit fonctionnel temporaire total en lien avec l'intervention du 3 janvier 2001 dont 21 jours au titre de la période courant de janvier à mars 2001 pour le traitement des complications consécutives à l'intervention et, d'autre part, que l'arrêt de travail de l'intéressée pendant une durée de vingt mois est en lien avec les seules fuites urinaires et l'impériosité mictionnelle, troubles préexistants à l'intervention du 3 janvier 2001 qu'elle n'avait pas pour objet de traiter ; que la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, qui réclame le remboursement de la somme de 10 951,16 euros correspondant au montant des indemnités journalières versées à Mme A... pour la période du 2 avril 2001 au 30 octobre 2002, ne justifie pas, par les pièces produites notamment en réponse à une mesure d'instruction de la Cour, que le versement de ces indemnités journalières, au titre d'une période différente de celle retenue par l'expert, est imputable à l'intervention du 3 janvier 2001 ou à ses complications ; que dans ces conditions, la demande de la caisse doit être rejetée ;

6. Considérant, en second lieu, qu'ainsi qu'il a été indiqué au point précédent, Mme A... a subi un déficit fonctionnel temporaire durant 45 jours, en lien avec les complications survenues, qu'il y a lieu de réparer par l'allocation d'une somme de 600 euros ; qu'elle a enduré des souffrances du fait des épisodes de rétention aiguë des urines, justifiant que la somme de 1 000 euros lui soit allouée ; qu'elle demeure atteinte d'un déficit fonctionnel permanent lié à la dysurie évalué par l'expert à 7 %, justifiant l'allocation d'une somme de 6 200 euros ; que son préjudice esthétique, caractérisé par une cicatrice de Pfannenstiel horizontale de 16 cm de large, évalué par l'expert à 1 sur une échelle allant jusqu'à 7, doit être réparé par la somme de 600 euros ; qu'enfin, si Mme A... invoque un préjudice d'agrément, lié à une perte des urines, ce dernier n'est pas en lien avec l'intervention du 3 janvier 2001 mais avec les troubles préexistants ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'après application du taux de perte de chance fixé au point 4, le centre hospitalier universitaire de Nice doit être condamné à payer à Mme A... une somme de 4 200 euros ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les dépens :

9. Considérant qu'il y a lieu de mettre les dépens, liquidés et taxés à la somme de 500 euros, à la charge du centre hospitalier universitaire de Nice ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nice, partie tenue aux dépens, une somme de 2 000 euros au profit de Mme A... ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 7 février 2014 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Nice est condamné à payer à Mme A... la somme de 4 200 euros.

Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Nice.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le centre hospitalier universitaire de Nice versera à Mme A... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., au centre hospitalier universitaire de Nice, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, à la commune de Nice et à la Caisse des dépôts et consignations.

Copie en sera adressée pour information au docteur Mallick, expert.

Délibéré après l'audience du 25 février 2016, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Laso, président assesseur,

- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.

Lu en audience publique le 17 mars 2016

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N° 14MA01562


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA01562
Date de la décision : 17/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-01-04 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Existence d'une faute. Manquements à une obligation d'information et défauts de consentement.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : DEPIEDS PINATEL CAZERES AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-03-17;14ma01562 ?
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