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03/03/2016 | FRANCE | N°14MA04372

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 03 mars 2016, 14MA04372


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2013 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'admission au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1401552 du 14 mai 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 octobre 2014, M.D..., représenté par MeC..., demande à

la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 mai 2014 ;

2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2013 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'admission au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1401552 du 14 mai 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 octobre 2014, M.D..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 mai 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 9 octobre 2013 ;

3°) d'enjoindre à titre principal au préfet de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant droit au travail dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui enjoindre à titre subsidiaire de réexaminer sa situation au regard de l'article 3 de l'accord franco-marocain ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet qui a motivé son refus de lui délivrer un titre de séjour " salarié " sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain par le fait qu'il n'était titulaire ni d'un contrat de travail visé conformément à l'article L. 5221-2 du code du travail ni d'un visa long séjour ;

- le préfet a commis une erreur de droit en lui opposant l'absence de contrat de travail visé et de visa de long séjour alors qu'il lui appartenait de statuer lui-même sur la demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié accompagnée d'une demande d'autorisation de travail dûment complétée et signée par son futur employeur ;

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente, dès lors que Mme A...qui est rattachée au ministère de l'intérieur et non au ministère de l'emploi, n'était pas compétente pour statuer sur la demande d'autorisation de travail ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- l'arrêté est entaché à tout le moins d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2014, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure.

1. Considérant que M.D..., de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 14 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 octobre 2013 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'en première instance, M. D...a soulevé le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet qui lui a opposé, pour rejeter sa demande de titre de séjour " salarié ", le fait de n'être titulaire ni d'un contrat de travail visé conformément à l'article L. 5221-2 du code du travail ni d'un visa long séjour ; que les premiers juges, qui ont visé ce moyen qui n'était pas inopérant, ont cependant omis d'y répondre ; que le jugement doit être annulé et qu'il y a lieu pour la Cour de se prononcer sur la demande de M. D... par la voie de l'évocation ;

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral :

3. Considérant, en premier lieu, que Mme E...A...qui a signé la décision de refus de séjour attaquée, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 8 juillet 2013, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 122 le 9 juillet 2013, à l'effet notamment de signer les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée manque en fait ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au jour de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ... 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

5. Considérant que M. D..., né en 1982, soutient être entré irrégulièrement sur le territoire français en 2009 et s'y maintenir depuis lors ; que le requérant est divorcé et sans enfant ; qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et son frère ; que son mariage avec une ressortissante marocaine en situation régulière en France est postérieur à la décision attaquée, et donc sans incidence sur sa légalité ; que, quand bien même il résiderait en France depuis 2009, il n'établit pas, par les pièces produites, avoir transféré dans ce pays le centre de ses intérêts privés et familiaux, malgré son engagement associatif et l'existence d'une promesse d'embauche ; que dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision préfectorale porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, au regard des buts poursuivis par l'administration et méconnaîtrait ainsi les dispositions de l'article L. 313-11, 7° et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour les mêmes raisons, l'arrêté n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

6. Considérant, en troisième et dernier lieu, s'agissant de la demande de M. D...que le préfet a également examinée au regard des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain, que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et les autoriser à travailler en France comme les conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappellent respectivement leurs articles L. 111-2 et L. 5221-1, sous réserve des conventions internationales ; qu'en ce qui concerne les ressortissants marocains, l'article 3 de l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable portant la mention "salarié" éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles.(...) " ; que l'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ... " ; que l'application des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain ne fait pas obstacle à l'application des dispositions du code du travail relatives aux conditions d'analyse des demandes d'autorisation de travail qui ne font pas l'objet de stipulations spécifiques dans l'accord ; que le bénéfice de l'article 3 de l'accord franco-marocain demeure conditionné à la présentation d'un contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; que les dispositions des articles R. 5221-3 6°, R. 5221-11, R. 5221-15 et R. 5221-17 du code du travail prévoient que la demande d'autorisation de travail présentée par un étranger qui est déjà présent sur le territoire national doit être adressée au préfet par l'employeur et que le préfet saisi d'une telle demande, présentée sous la forme des imprimés Cerfa, ne peut refuser l'admission au séjour de l'intéressé au motif que ce dernier ne produit pas d'autorisation de travail ou de contrat de travail visé par l'autorité compétente, dès lors qu'il appartient au préfet de faire instruire la demande d'autorisation de travail par ses services ; que, toutefois, la seule production d'une promesse d'embauche, non accompagnée d'une demande d'autorisation de recrutement d'un salarié étranger émanant d'un employeur, ne peut pas être assimilée à une telle demande ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...n'a produit qu'une promesse d'embauche datée du 7 mars 2013 par une entreprise de maçonnerie générale sans produire une demande d'autorisation de travail présentée sous la forme d'un imprimé Cerfa signée par le gérant de la société susceptible de l'employer ; que, par suite, le préfet a pu légalement estimer, sans commettre d'erreur de droit, que le requérant ne remplissait pas les conditions de l'article 3 de l'accord franco-marocain pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité de salarié ; que MmeA..., fonctionnaire du ministère de l'intérieur, a donc pu valablement signer l'arrêté litigieux ; qu'enfin, aucune disposition n'imposait au préfet de faire compléter sa demande par l'intéressé ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus des conclusions de sa requête doivent être rejetés ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser une quelconque somme à M.D..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 mai 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D..., au ministre de l'intérieur et à MeC....

Délibéré après l'audience du 4 février 2016, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Laso, président-assesseur,

- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.

Lu en audience publique, le 3 mars 2016.

La rapporteure,

K. DURAN-GOTTSCHALKLe président,

T. VANHULLEBUS

La greffière,

M. F...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière

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N° 14MA04372


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04372
Date de la décision : 03/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : GONAND

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-03-03;14ma04372 ?
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