Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SASP Sporting Club de Bastia a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision de la commission de discipline de la Ligue de Football Professionnel (LFP) du 13 décembre 2012, par laquelle celle-ci a prononcé la suspension du stade Armand Cesari du Sporting Club de Bastia à compter du lendemain ; d'annuler la décision de la commission supérieure d'appel de la Ligue Française de Football (LFF) du 9 janvier 2013 ayant rejeté comme irrecevable l'appel qu'elle avait formé devant cette commission à l'encontre de la décision du 13 décembre 2012.
Par un jugement n° 1300148 du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision du 13 décembre 2012 et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés le 8 décembre 2014 et le 1er avril 2015, la Ligue de Football Professionnel, représentée par la SCP Barthelemy - Matuchansky - Vexliard - Poupot, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 9 octobre 2014 ;
2°) de mettre à la charge de la SASP Sporting Club de Bastia une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est au prix d'une erreur de droit que les premiers juges, pour prononcer l'annulation de la décision attaquée, ont estimé que le club a été privé d'une garantie afférente aux droits de la défense en l'absence de mise en oeuvre d'une procédure contradictoire préalable, dès lors que la mesure litigieuse, de nature purement conservatoire, ne constituait pas une sanction et par suite, n'avait pas être motivée, ce qui faisait obstacle au respect de cette garantie, alors même qu'elle a été prise en considération de ses activités et des agissements de ses dirigeants ;
- en tout état de cause, c'est au prix d'une erreur dans la qualification des faits qu'ils ont estimé qu'aucune situation d'urgence, de nature à écarter son application, n'était caractérisée en l'espèce, au regard tant du très bref délai dont disposait la commission de discipline de la LFP pour prendre ladite mesure, que des considérations " évidentes d'ordre public et de sécurité " fondant cette dernière ;
- la commission de discipline avait bien, contrairement à ce qu'affirme le jugement attaqué, invoqué une telle situation dans sa décision ;
- c'est à tort que les premiers juges, pour l'écarter, se sont fondés sur la date de la prochaine rencontre du club concerné, sans tenir compte du délai nécessaire au club concerné pour trouver un terrain de repli et au club reçu pour organiser son propre déplacement ;
- le moyen tiré de l'absence d'indépendance et d'impartialité de la commission de discipline statuant à titre provisoire, du fait de la confusion des autorités de poursuite et de jugement, est inopérant, dès lors que les organes disciplinaires des fédérations sportives ne sont pas des juridictions ;
- ce moyen et les autres moyens soulevés par ledit club ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2015, la SASP Sporting Club de Bastia, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la LFP sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la mesure litigieuse a la nature d'une sanction et devait, à ce titre, être précédée d'une procédure contradictoire, en l'absence de laquelle l'exposante a été privée de la possibilité d'exercer ses droits de la défense, en méconnaissance du principe général éponyme ;
- pour les mêmes raisons et en l'absence de situation d'urgence, la mesure querellée a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- en considérant que l'exposante n'était pas à même d'organiser des rencontres sportives au stade Armand Cesari dans des conditions satisfaisantes notamment de sécurité, la commission de discipline a entaché sa décision d'erreurs de fait et d'appréciation, compte tenu notamment de l'attitude responsable des dirigeants et supporters du club ;
- la mesure querellée est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article 9 de l'annexe 2 portant règlement disciplinaire des règlements généraux de la Fédération française de football, en l'absence d'engagement d'une procédure disciplinaire préalablement à son édiction ;
- elle méconnaît les mêmes dispositions, dès lors que celles-ci ne permettaient qu'une telle mesure soit prise qu'à l'encontre d'une personne morale et non de la structure sportive elle-même, qui est distincte de l'exposante ;
- la commission de discipline statuant à titre conservatoire présente un défaut d'impartialité, en l'absence de distinction entre autorités de poursuite et de jugement, comme du fait de la possibilité, pour cette commission, de prendre des mesures provisoires et de fond, ainsi qu'un manque d'indépendance à l'égard du président de la LFP ;
- la mesure querellée ne pouvait être prononcée qu'en présence d'une faute grave imputable à l'exposante, alors que les faits qui lui sont reprochés ont été commis à l'extérieur de l'enceinte du stade par des " pseudo-supporters ", tandis qu'elle n'est pas à l'origine de l'organisation de la diffusion de la rencontre litigieuse aux abords de ce dernier.
Par courrier du 17 novembre 2015, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, que l'affaire était susceptible d'être appelée au cours du 1er trimestre de l'année 2016 et qu'une ordonnance de clôture d'instruction à effet immédiat pourrait être prise à partir du 15 décembre 2015.
Par ordonnance du 15 décembre 2015, la clôture à effet immédiat de l'instruction a été prononcée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
- les règlements généraux de la Fédération française de football et leur annexe 2 pour la saison 2012-2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gautron,
- et les conclusions de M. Thiele, rapporteur public.
1. Considérant qu'à l'occasion d'un match de la neuvième journée de ligue 1 du championnat de France de football, organisé le 21 octobre 2012 à Ajaccio par la Ligue de football professionnel, opposant Ajaccio à Bastia, des incidents se sont produits, impliquant notamment les supporters de cette dernière équipe, ce qui a amené la commission de discipline à prononcer une sanction d'un match à huis clos ferme à l'encontre du Sporting Club de Bastia ; que cette sanction a été exécutée à l'occasion du match qui a eu lieu le 12 décembre 2012, comptant pour la 17ème journée de championnat, opposant le Sporting Club de Bastia à l'Olympique de Marseille ; qu'au cours de cette rencontre, qui s'est ainsi déroulée à huis clos, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées autour du stade Armand Cesari, où se déroulait la rencontre et ont causé divers incidents avant, pendant et après le match ; que, dès le 13 décembre 2012, la commission de discipline de la Ligue de Football Professionnel a décidé de se saisir de l'affaire pour y donner des suites disciplinaires et a décidé à cette fin, de mettre le dossier à l'instruction ; qu'elle a par ailleurs prononcé à titre conservatoire la suspension du stade Armand Cesari du Sporting Club de Bastia à compter du vendredi 14 décembre 2012, jusqu'à la décision définitive à prendre par la commission ; que, saisie d'un recours de la SASP Sporting Club de Bastia à l'encontre de cette décision, la commission supérieure d'appel de la Ligue Française de Football du 9 janvier 2013 a rejeté celui-ci comme irrecevable ; que saisi par elle, le 17 décembre 2012, d'une demande de conciliation, le Comité national olympique et sportif l'a invitée à s'en tenir à la mesure prise ; que la Ligue de Football Professionnel relève appel du jugement du tribunal administratif de Bastia du 9 octobre 2014, en tant que celui-ci a annulé la décision du 13 décembre 2012 ;
2. Considérant que la décision de suspension prise par la commission de discipline ne constitue pas une sanction disciplinaire, mais une mesure conservatoire ; que, quand bien même elle aurait été prise en considération des activités de la SASP Sporting Club de Bastia, notamment des agissements de ses dirigeants et malgré les effets de cette mesure sur la situation de l'intéressée, elle n'était donc pas soumise au respect du principe général des droits de la défense ; que la SASP Sporting Club de Bastia ne saurait, par suite, utilement invoquer, en tout état de cause, la méconnaissance de ce principe en l'absence d'organisation d'une procédure contradictoire, préalablement au prononcé de la décision ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Ligue de Football Professionnel est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision de ladite commission du 13 décembre 2012, les premiers juges se sont fondés sur le motif unique tiré de la violation du principe général des droits de la défense ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SASP Sporting Club de Bastia devant le tribunal administratif ;
5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / -restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; (...) 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière (...) " ;
6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 129 des règlements généraux de la Fédération française de football : " 1. Les clubs qui reçoivent sont chargés de la police du terrain et sont responsables des désordres qui pourraient résulter avant, pendant ou après le match du fait de l'attitude du public, des joueurs et des dirigeants ou de l'insuffisance de l'organisation./ Néanmoins, les clubs visiteurs ou jouant sur terrain neutre sont responsables lorsque les désordres sont le fait de leurs joueurs, dirigeants ou supporters.(...)/ 4. Dans tous les cas cités ci-dessus, les clubs sont passibles d'une ou plusieurs des sanctions prévues au titre 4. " ; que cet article impose aux clubs de football, qu'ils soient organisateurs d'une rencontre ou visiteurs, une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité dans le déroulement des rencontres ; que le club organisateur est ainsi tenu d'assurer la police du terrain et de prendre toutes mesures permettant d'éviter les désordres pouvant résulter, tant avant et pendant qu'après le match, de l'attitude de ses dirigeants, des joueurs ou du public ; que le club visiteur est, quant à lui, responsable de l'attitude de ses dirigeants, joueurs et supporters ; qu'il est, en particulier, responsable des désordres imputables à ses supporters à l'occasion d'une rencontre ;
7. Considérant que la décision de suspension litigieuse a été prise en application des dispositions précitées de l'article 129 des règlements généraux de la Fédération française de football et de celles de l'article 2 de leur annexe 2, lequel prévoit, parmi les mesures susceptibles d'être prises, la suspension provisoire de terrain ; que les mesures conservatoires ainsi décidées constituent des mesures de police administrative qui doivent être motivées en application des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que la mesure querellée entre donc dans le champ de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, qui fait notamment obligation à l'autorité administrative, avant l'intervention d'une telle mesure, de mettre à même la personne intéressée de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée a été prise dès le lendemain de la rencontre opposant le Sporting club de Bastia et l'Olympique de Marseille, sans que les dirigeants de la SASP Sporting Club de Bastia fussent informés qu'il était envisagé de prononcer une mesure de suspension et quels étaient les griefs retenus contre le club ; qu'ainsi, ils n'ont pas été en mesure de présenter utilement leurs observations ; que contrairement à ce que soutient la Ligue de football professionnel, l'absence de mise en oeuvre d'une procédure contradictoire préalable n'était pas, dans les circonstances particulières de l'espèce, justifiée par des considérations tenant à l'urgence qu'il y aurait eu, pour la commission, à statuer immédiatement, alors que la rencontre suivante programmée au stade Armand Cesari était prévue pour le 22 décembre 2012, ce qui laissait un délai suffisant à la commission de discipline pour mettre à même la SASP Sporting Club de Bastia de faire valoir ses observations avant de suspendre le terrain, tout en lui laissant la possibilité effective, à la suite de cette suspension, de s'organiser en vue de trouver un terrain de repli et d'informer en temps utile le club reçu de la solution retenue afin qu'il puisse lui-même organiser son déplacement ; que dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 doit être accueilli ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Ligue de Football Professionnel n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision attaquée du 13 décembre 2012 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge de ses frais d'instance ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la Ligue de Football Professionnel est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la SASP Sporting Club de Bastia sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Ligue de Football Professionnel et à la SASP Sporting Club de Bastia.
Délibéré après l'audience du 8 février 2016, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- M. Ouillon, premier conseiller,
- M. Gautron, conseiller,
Lu en audience publique, le 29 février 2016.
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N° 14MA04854