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16/02/2016 | FRANCE | N°14MA04807

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 16 février 2016, 14MA04807


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté en date du 22 mai 2014 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par une ordonnance n° 1407411 du 20 novembre 2014, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 décembre

2014, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 20 novem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté en date du 22 mai 2014 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par une ordonnance n° 1407411 du 20 novembre 2014, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2014, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 20 novembre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 22 mai 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le premier juge a estimé à tort sa demande tardive dès lors que la notification de l'arrêté contesté n'a pas été régulière ;

- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente ;

- en estimant que son fils n'était pas de nationalité française, le préfet a commis une erreur dans la matérialité des faits ;

- elle remplissait les conditions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour ;

- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant a été méconnu ;

- l'obligation de quitter le territoire français devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour ;

- la mesure d'éloignement a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est contraire également aux articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnait aussi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 janvier 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hôte, premier conseiller,

- et les observations de Me C..., pour Mme E....

1. Considérant que Mme E..., de nationalité sénégalaise, fait appel de l'ordonnance en date du 20 novembre 2014 par laquelle le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 22 mai 2014 ayant refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'ayant obligée à quitter le territoire français et ayant fixé le pays de destination ;

Sur la régularité de l'ordonnance du 20 novembre 2014 :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme E... n'a pas reçu notification de l'arrêté du 22 mai 2014 le 31 mai 2014, date de sa présentation à une adresse erronée, mais, pour la première fois, le 26 août 2014, date d'une nouvelle notification faite à son adresse effective ; que l'erreur d'adresse ne lui est pas imputable, ainsi qu'en atteste la circonstance que les services préfectoraux disposaient à la date du premier envoi de sa nouvelle adresse, laquelle figurait d'ailleurs sur le récépissé de sa demande de titre de séjour ; qu'aucune pièce du dossier ne permet d'établir que l'arrêté contesté aurait été régulièrement notifié à la requérante avant le 26 août 2014 ; que Mme E... a saisi le bureau d'aide juridictionnel le 12 septembre suivant, soit dans le délai de recours de trente jours prévu à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel s'est trouvé suspendu de ce fait ; que le bureau d'aide juridictionnel a rendu sa décision le 17 octobre 2014 ; qu'à cette date, la requérante avait déjà saisi le tribunal de sa demande d'annulation depuis le 14 octobre ; que, par suite, Mme E... est fondée à soutenir que le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté à tort sa demande comme étant tardive ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler cette ordonnance et d'évoquer afin de statuer sur les conclusions de Mme E... ;

Sur la légalité de l'arrêté du 22 mai 2014 :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Considérant que par arrêté du 25 avril 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture des Bouches-du-Rhône du 29 avril, le préfet des Bouches-du-Rhône a donné délégation à M. D..., adjoint au chef du bureau des mesures administratives, du contentieux et des examens spécialisés, à l'effet de signer, notamment, les refus de séjour, obligations de quitter le territoire français et décisions fixant le pays de destination ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte en cause manque en fait ;

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant du refus de séjour :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;

5. Considérant que, le 25 avril 2012, Mme E... a sollicité un titre de séjour en qualité de mère d'un enfant français ; qu'une carte de séjour temporaire lui a été délivrée valable du 2 juillet 2012 au 1er juillet 2013 ; que le 17 mai 2013, la requérante a sollicité le renouvellement de son titre de séjour ; que, par l'arrêté contesté du 22 mai 2014, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a opposé un refus au motif que son fils n'avait pas la nationalité française ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français " ; qu'il résulte des dispositions de l'article 30 du code civil que la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause, sauf s'il est titulaire d'un certificat de nationalité française ; que si, en vertu de l'article 29 du même code, les questions de nationalité sont préjudicielles devant les juridictions de l'ordre administratif, il résulte de l'article R. 771-2 du code de justice administrative que la juridiction administrative n'est tenue de surseoir à statuer et de transmettre la question à la juridiction judiciaire que si elle soulève une difficulté sérieuse ;

7. Considérant que si Mme E... soutient que son fils est français et produit à l'appui de ses allégations, la carte nationale d'identité et le passeport de l'enfant, mentionnant qu'il est né à Marseille le 3 décembre 2011 et qu'il est de nationalité française, le préfet des Bouches-du-Rhône fait valoir que le père de l'enfant a été condamné le 20 novembre 2012 par le tribunal correctionnel de Marseille, notamment, pour s'être fait délivrer frauduleusement une carte d'identité française et que cette fraude a permis à son fils de se voir reconnaître indûment la nationalité française ;

8. Considérant que Mme E... ne produit aucun certificat de nationalité française délivré au nom de son fils ; qu'il est constant qu'elle n'a pas la nationalité française ; qu'elle ne conteste pas que le père de son fils s'est prévalu de pièces d'identité obtenues frauduleusement ; que, par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le père ou la mère de l'enfant puisse sérieusement prétendre à la nationalité française ; qu'il n'est pas soutenu que l'enfant aurait pu acquérir la nationalité française selon une autre modalité que par la filiation ; qu'il suit de là que Mme E... ne démontre pas que son fils est de nationalité française, sans que l'exception de nationalité qu'elle soulève ne présente une difficulté sérieuse ; qu'ainsi, en estimant que Mme E... ne pouvait se prévaloir de la qualité de mère d'un enfant français, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur dans la matérialité des faits ; que, dès lors, il a pu légalement refuser de renouveler le titre de séjour de la requérante sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant qu'il est constant que Mme E... n'a pas la nationalité française ; qu'elle ne conteste pas que le père de son fils s'est prévalu de pièces d'identité obtenues frauduleusement ; que, par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le père ou la mère de l'enfant puisse sérieusement prétendre à la nationalité française ; qu'il n'est pas soutenu que l'enfant aurait pu acquérir la nationalité française selon une autre modalité que par la filiation ; que, d'ailleurs, la requérante ne produit aucun certificat de nationalité française délivré au nom de son fils ; qu'il suit de là que Mme E... ne démontre pas que son fils est de nationalité française, sans que l'exception de nationalité qu'elle soulève ne présente une difficulté sérieuse ; qu'ainsi, en estimant que Mme E... ne pouvait se prévaloir de la qualité de mère d'un enfant français, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur dans la matérialité des faits ; que, dès lors, il a pu légalement refuser de renouveler le titre de séjour de la requérante sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que Mme E... est entrée en France, selon ses dires, le 4 mai 2010, à l'âge de 24 ans ; que si son fils mineurs est né à Marseille, il était âgé de moins de trois ans à la date de la décision contestée ; que le père de l'enfant faisait l'objet d'une peine d'interdiction du territoire français prononcée par jugement du tribunal correctionnel de Marseille ; que la requérante ne justifie pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, ni avoir noué en France des liens personnels d'une particulière intensité ; qu'elle n'a pu exercer une activité professionnelle qu'en raison de l'obtention indue d'un titre de séjour ; que, dès lors, rien ne fait obstacle à la poursuite de sa vie privée et familiale hors de France ; que, dans ces circonstances, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement refuser de lui délivrer un titre de séjour sans porter une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'ainsi, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ; que, pour les mêmes motifs, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son refus sur la situation personnelle de l'intéressée ;

11. Considérant, en troisième lieu, que le refus de séjour contesté n'a pas pour effet de séparer Mme E... de son fils ; que ce dernier n'était âgé que de deux ans et demi à la date où le préfet a pris cette décision ; que, dans ces circonstances, les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'ont pas été méconnues ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

12. Considérant, en premier lieu, qu'eu égard à ce qui vient d'être dit, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité entachant le refus de séjour ;

13. Considérant, en second lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 10 et 11, l'obligation faite à Mme E... de quitter le territoire français n'est pas intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que les stipulations de l'article 9 de cette dernière convention créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ; qu'elles ne peuvent dès lors être utilement invoquées ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

14. Considérant que la décision fixant le pays de renvoi se borne à préciser la destination vers laquelle la requérante pourra être reconduite en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement dont elle fait l'objet, à l'issue du délai de départ volontaire dont elle bénéficie ; que cette mesure ne porte pas en elle-même atteinte à la vie privée et familiale de Mme E..., ni aux intérêts supérieurs de son enfant ; que, par suite, elle ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que, pour le même motif que celui énoncé au point 13, le moyen tiré de l'article 9 de cette dernière convention est inopérant ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 22 mai 2014 ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter également ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 20 novembre 2014 est annulée.

Article 2 : La demande de première instance et le surplus des conclusions d'appel présentés par Mme E... sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... E...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2016, où siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. B... et M. A...'hôte, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 16 février 2016.

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N° 14MA04807

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04807
Date de la décision : 16/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour - Motifs.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: M. Vincent L'HÔTE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : DECAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 07/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-02-16;14ma04807 ?
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