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21/12/2015 | FRANCE | N°14MA04212

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 21 décembre 2015, 14MA04212


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 4 mars 2014 par lequel ce dernier a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1404218 du 18 septembre 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 octobre 2014, M.B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admini

stratif de Marseille du 18 septembre 2014 ;

2°) d'annuler la décision du 4 mars 2014 par laquelle le p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 4 mars 2014 par lequel ce dernier a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1404218 du 18 septembre 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 octobre 2014, M.B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 septembre 2014 ;

2°) d'annuler la décision du 4 mars 2014 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre à titre principal au préfet de lui délivrer un certificat de résidence d'un an, mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire de lui enjoindre de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en tant qu'il a omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

- les premiers juges n'ont pas non plus répondu au moyen tiré de l'absence de possibilité de traitement effectif en Algérie ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de fait et une erreur sur la qualification juridique des faits en considérant que les certificats médicaux du docteur Brongniart ne permettaient pas de remettre en cause l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé selon lequel le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- de telles conséquences existent bel et bien en cas de défaut de prise en charge ;

- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ni la teneur de son dossier aient été portés à la connaissance du directeur général de l'agence régionale de santé, en méconnaissance de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 ;

- ce défaut de transmission l'a privé d'une garantie de procédure et cette méconnaissance est de nature à influer sur la décision prise par le préfet ;

- le préfet disposait des éléments justifiant qu'il saisisse le directeur général de l'agence régionale de santé, conformément à l'article L. 313-11 11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ce vice de procédure a exercé une influence sur la décision prise par le préfet ;

- il n'est pas mentionné dans l'avis du médecin de l'agence régionale de santé qu'il peut voyager sans risque à destination de l'Algérie ;

- contrairement à ce qu'a indiqué le médecin de l'agence régionale de santé, le voyage vers l'Algérie comporte des risques pour son état de santé ;

- l'appréciation portée par le préfet sur la gravité de son état de santé et sur les conséquences d'une absence de traitement est entachée d'une erreur de fait ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît le 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, dès lors que le défaut de prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- en outre, il n'aura pas accès au dispositif de sécurité sociale en Algérie et sa famille ne dispose d'aucune ressource en Algérie ;

- il devra donc bénéficier du dispositif d'accès aux soins en faveur des plus démunis non assurés sociaux et se retrouvera sans soin pendant au moins deux mois, le temps que la carte correspondante lui soit accordée ;

- il résulte de ces éléments que le traitement qui lui est indispensable n'est effectivement pas disponible en Algérie ;

- enfin, il ressort d'articles de la presse algérienne que le traitement des affections psychiatriques en Algérie est manifestement insuffisant et que l'offre de soins ne correspond pas aux besoins.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 janvier 2015 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure.

1. Considérant que M.B..., de nationalité algérienne, interjette appel du jugement du 18 septembre 2014 du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 mars 2014 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, devant le tribunal administratif de Marseille, M. B... a soutenu que l'arrêté préfectoral attaqué était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; que si le tribunal a visé ce moyen qui n'était pas inopérant, il n'y a cependant pas répondu ; que, par suite, le jugement attaqué en date du 4 mars 2014 qui est entaché d'une omission de réponse à un moyen doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée au tribunal administratif de Marseille ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays " ; qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui se prévaut de ces stipulations de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...souffre de troubles schizophréniques de type désorganisés avec décompensation sur un mode dépressif intervenue au début de l'année 2013 ; que par deux avis en date des 17 novembre 2009 et 19 novembre 2010, le médecin-inspecteur de santé publique a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessitait des soins, que le défaut de prise en charge comportait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié n'était pas disponible en Algérie et a estimé qu'une poursuite des soins était nécessaire pour une durée de douze mois ; que le médecin de l'agence régionale de santé a rendu un avis en date du 21 mai 2013 suite à l'hospitalisation de M. B... alors que ce dernier était placé en rétention, reprenant les mêmes considérations que les avis précédents et prescrivant des soins pour six mois ; que ce même médecin de l'agence régionale de santé a émis un autre avis le 19 septembre 2013, dans le cadre de la procédure de délivrance des certificats de résidence pour les étrangers malades, estimant que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale mais que le défaut de prise en charge ne pouvait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

6. Considérant qu'il ressort des rapports médicaux rédigés notamment les 13 mars 2013 et 13 août 2013 par le docteur Brongniart, médecin agréé, que le défaut de prise en charge médicale peut entraîner pour M. B...un risque de décompensation psychotique ou suicidaire ; qu'ainsi, ces rapports remettent sérieusement en cause le dernier avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé le 19 septembre 2013, qui a estimé que le défaut de prise en charge médicale ne pouvait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, alors qu'au demeurant, aucun élément du dossier n'explique la modification du sens de l'avis de ce même médecin à quatre mois d'intervalle ; qu'il ressort par ailleurs des pièces produites par le préfet en première instance que concernant les troubles schizophréniques, il existe en Algérie une inadéquation entre l'offre et la demande de soins et une possible rupture de stock susceptible de durer ; que le requérant produit divers articles de presse corroborant ces faits ; que dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B...est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et à demander son annulation ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet " ;

8. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique seulement que le préfet des Bouches-du-Rhône réexamine la situation de M.B... ; que, dès lors, il y a lieu pour la Cour de prescrire au préfet de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser au conseil de M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C...renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 septembre 2014 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 4 mars 2014 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me C...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me C...renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. B...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur et à Me C....

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

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N° 14MA04212


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04212
Date de la décision : 21/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : PEROLLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-12-21;14ma04212 ?
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