Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...D...et Mme E...D...ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (CUMPM) à leur payer la somme de 52 837,71 euros en réparation de leurs préjudices.
Par un jugement n° 1100903 du 23 septembre 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 novembre 2013 et deux mémoires enregistrés le 11 juin 2014 et le 9 octobre 2015, les épouxD..., représentés par MeF..., demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) l'annulation de la décision de refus de les indemniser rendue par la CUMPM le 16 décembre 2010 ;
3°) la condamnation de la CUMPM à leur payer la somme de 18 000 euros en réparation de leurs préjudices ;
4°) la condamnation de la CUMPM à leur payer la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les eaux pluviales qui dévalent la rue Joinville, à forte déclivité, sont recueillies par une canalisation qui passe sous leur propriété et qui rejoint les canalisations des eaux pluviales de la CUMPM en aval de leur maison ;
- cette canalisation n'a pas été entretenue ;
- la CUMPM doit être condamnée à réparer leurs préjudices ;
- la canalisation, dont ils ignoraient l'existence, ne sert qu'à l'écoulement des eaux publiques et il s'agit bien d'un ouvrage public ;
- les causes des désordres sont parfaitement identifiées ;
- selon le plan fourni par la CUMPM, les eaux pluviales sont recueillies dans la canalisation litigieuse ;
- leur compagnie d'assurance ne les a indemnisés que de leur préjudice matériel ;
- reste à indemniser leur préjudice de jouissance par la somme de 18 000 euros.
Par deux mémoires, enregistrés le 30 avril 2014 et le 28 octobre 2015, la communauté urbaine Marseille Provence Métropole conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la condamnation des époux D...à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, la canalisation revêt un caractère privé et ne constitue pas un ouvrage public ;
- aucune canalisation publique ne traverse le fonds des demandeurs ;
- elle est donc étrangère à tout dommage susceptible d'être causé par le fonctionnement de cette canalisation et elle n'avait aucune obligation d'entretien de ce type de réseau ;
- les dispositions des articles L. 2574-4 et L. 2572-52 du code général des collectivités territoriales ne lui sont pas applicables en l'espèce ;
- elle n'avait aucune obligation légale de mettre en place un réseau de collecte des eaux pluviales au niveau de l'impasse Joinville ;
- il n'est pas démontré que la chute du mur de soutènement serait directement liée à une fuite de la canalisation enterrée ;
- le rapport d'expertise amiable a été réalisé hors la présence d'un de ses représentants et ne lui est pas opposable ;
- l'existence des préjudices n'a pas été établie de manière contradictoire ;
- le rapport de l'inspection vidéo tendant à justifier du mauvais entretien de la canalisation ne justifie pas que ce dernier serait la cause directe du dommage ;
- les époux D...ne sont plus recevables à solliciter une indemnisation au titre des préjudices matériels, sauf à percevoir une double indemnisation.
Un mémoire présenté par les époux D...a été enregistré le 18 novembre 2015, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;
- les observations de Me B...du cabinet F...pour les épouxD..., et les observations de Me A...pour la CUMPM.
1. Considérant que M. et Mme D...relèvent appel du jugement du 23 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête tendant à la condamnation de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole à réparer les préjudices qu'ils ont subis du fait de l'écroulement le 8 janvier 2010 d'un mur de soutènement de leur immeuble à usage d'habitation situé 14 rue Joinville à Marseille, qu'ils imputent à la dégradation d'une canalisation passant sous leur parcelle ;
Sur la qualification d'ouvrage public :
2. Considérant que les biens immeubles résultant d'un aménagement, qui sont directement affectés à un service public, y compris s'ils appartiennent à une personne privée, présentent le caractère d'ouvrage public ; qu'il résulte de l'instruction que la canalisation litigieuse a principalement pour objet l'évacuation des eaux pluviales qui s'écoulent de la voie publique en forte déclivité en contrebas de laquelle se situe la parcelle des époux D...; qu'elle est, ainsi, affectée au service public de collecte des eaux pluviales ; qu'il en résulte qu'alors même que cette canalisation passe sous la parcelle privative des épouxD..., que son origine est inconnue et qu'elle ne figure pas sur les plans des réseaux de la CUMPM, il s'agit, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, d'un ouvrage public à l'égard duquel les appelants ont la qualité de tiers ;
Sur la responsabilité :
3. Considérant que la mise en jeu de la responsabilité sans faute d'une collectivité publique pour dommages de travaux publics à l'égard d'un justiciable qui est tiers par rapport à un ouvrage public ou une opération de travaux publics est subordonnée à la démonstration par cet administré de l'existence d'un dommage anormal et spécial et d'un lien de causalité entre cet ouvrage ou cette opération et les dommages subis ; que les personnes mises en cause doivent alors, pour dégager leur responsabilité, établir que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure, sans que puisse utilement être invoqué le fait du tiers ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport en date du 22 juillet 2010, qui bien que non réalisé au contradictoire de la CUMPM, n'en demeure pas moins une pièce du dossier pouvant être utilement contestée, réalisé par un expert mandaté par la compagnie d'assurance des appelants qui s'est déplacé sur les lieux, qu'une fuite s'est produite sur une canalisation des eaux pluviales passant sous la villa des épouxD..., ayant entraîné un affouillement occasionnant la chute du mur de soutènement de leur habitation ; qu'une fiche d'intervention de la société Baeza Assainissement, qui a inspecté la canalisation litigieuse, fait état de fissures et fuites aux jonctions constatées ; que dans ces conditions, le lien de causalité entre l'état de la canalisation et les dommages doit être regardé comme établi ;
Sur les préjudices :
5. Considérant que les appelants ne demandent plus dans le dernier état de leurs écritures que réparation de leur préjudice de jouissance ; que celui-ci présente un caractère anormal et spécial ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est pas non plus allégué que les désordres auraient empêché les requérants de continuer d'habiter leur villa ou auraient restreint le caractère habitable de cette dernière ; qu'il sera fait une juste appréciation de leur préjudice en en fixant la réparation à la somme de 2 000 euros ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les époux D...sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le versement d'une somme au profit de la CUMPM soit mis à la charge de M. et MmeD..., qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de cette collectivité une somme de 1 500 euros, sur ce même fondement, au profit de M. et MmeD... ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1100903 du 23 septembre 2013 est annulé.
Article 2 : La communauté urbaine Marseille Provence Métropole est condamnée à payer à M. et Mme D...une somme de 2 000 euros.
Article 3 : La communauté urbaine Marseille Provence Métropole versera à M. et Mme D...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D...et Mme E...D...et à la communauté urbaine Marseille Provence Métropole.
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N° 13MA04351 2
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