La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/11/2015 | FRANCE | N°14MA03409

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 05 novembre 2015, 14MA03409


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Saint-Didier à lui payer une provision de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices et d'ordonner une expertise médicale.

Par un jugement n° 1203174 du 19 juin 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 juillet 2014 et le 28 octobre 2014, Mme E..., représentée par MeD..., demande à

la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de condamner d'or...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Saint-Didier à lui payer une provision de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices et d'ordonner une expertise médicale.

Par un jugement n° 1203174 du 19 juin 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 juillet 2014 et le 28 octobre 2014, Mme E..., représentée par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de condamner d'ores et déjà la commune de Saint-Didier à lui payer à titre de provision la somme de 10 000 euros, assortie des intérêts, à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices ;

3°) d'ordonner une expertise médicale aux fins d'évaluer ses préjudices ;

4°) de mettre à la charge de la commune les dépens et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité pour faute de la commune est engagée sur le fondement des dispositions des articles L. 2212-2 et L. 2216-2 du code général des collectivités territoriales ;

- le maire doit en effet dans l'exercice de son pouvoir de police prévenir par des précautions convenables les accidents ;

- l'absence de signalisation du danger constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;

- la responsabilité de la commune est également engagée pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public ;

- le fossé en cause, d'une longueur de 120 cm sur 60 cm, ne faisait pas l'objet d'une signalisation alors qu'il se trouve sur une voie communale susceptible de recevoir du public ;

- dans les suites de l'accident, la commune a d'ailleurs fait recouvrir le fossé d'une grille ;

- elle demande que soit ordonnée une expertise pour évaluer ses préjudices et sollicite le paiement par la commune de la somme provisionnelle de 10 000 euros compte tenu de ses dommages corporels, des frais engagés et de l'évaluation prévisible de ses séquelles ;

- elle habite à Paris et n'est venue dans le Vaucluse qu'en visite ;

- elle n'aurait pu se douter que le fossé de canalisation serait découvert sans signalisation ni protection ;

- avant de chuter, elle se promenait et son attention a été attirée par le carrefour se trouvant juste après le fossé ;

- aucune faute d'imprudence ne peut lui être reprochée.

Par un mémoire, enregistré le 26 septembre 2014, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) de condamner la commune de Saint-Didier à lui payer d'ores et déjà à titre provisionnel la somme de 12 334,63 euros, assortie des intérêts à compter du 12 février 2013 ;

2°) de condamner ladite commune à lui payer la somme de 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) de mettre à la charge de ladite commune les dépens et la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle s'en rapporte sur le mérite de l'appel interjeté par Mme E...et sur la mesure d'expertise sollicitée ;

- elle dispose, en application de l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale, d'un recours subrogatoire sur l'indemnité réparant le préjudice de la victime ;

- elle a versé des prestations dans l'intérêt de son assurée consécutivement à l'accident de cette dernière, pour un montant arrêté au 12 février 2013 de 12 334,63 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2014, la commune de Saint-Didier, représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de Mme E...;

2°) de mettre à la charge de cette dernière la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune fait valoir que :

- seule une inattention de la victime doit être retenue comme la cause exclusive de l'accident ;

- la victime connaissait les lieux ;

- Mme E...a longé l'ouvrage sur plusieurs dizaines de mètres ;

- la présence d'un tel ouvrage sur une voie en pente descendante était prévisible et visible.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,

- et les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique.

1. Considérant que Mme E...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête tendant à la condamnation de la commune de Saint-Didier à l'indemniser des préjudices qu'elle a subis en lien avec sa chute survenue le 21 juillet 2011 dans une fosse de canalisation des eaux pluviales sur le territoire de ladite commune ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu du fait d'un ouvrage public, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint ; que la collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure ;

3. Considérant que la réalité de la chute de Mme E...dans la fosse de canalisation des eaux pluviales est avérée, les faits ayant été notamment confirmés par la police municipale présente sur les lieux ; que le lien de causalité entre les dommages et l'ouvrage public est ainsi établi ; que la fosse litigieuse dans laquelle est tombée MmeE..., d'une dimension de 120 cm par 60 cm et d'une profondeur de 50 cm, n'était ni signalisée ni recouverte par un dispositif de sécurité, alors que, selon les photographies produites, elle recouvre presque totalement la largeur de l'espace réservé aux piétons ; qu'elle se situe en outre à proximité immédiate de l'intersection de la route perpendiculaire à celle empruntée par la victime ; que, dans ces conditions, cette excavation qui excède par son importance et sa situation les anomalies auxquelles les usagers de la route peuvent normalement s'attendre à rencontrer, est constitutive d'un défaut d'entretien normal de la voie publique de nature à engager la responsabilité de la commune ;

Sur la faute de la victime :

4. Considérant toutefois que MmeE..., qui cheminait depuis plusieurs mètres le long de ce réseau discontinu de caniveaux à ciel ouvert, doit être regardée comme n'ayant pas apporté à sa marche toute l'attention requise par la configuration des lieux ; que cette faute justifie que la moitié des conséquences du dommage demeure à sa charge ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne la créance de la caisse primaire d'assurance maladie :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du relevé non contesté des débours du 12 février 2013 que, dans les suites de la chute dont a été victime Mme E..., la caisse primaire d'assurance maladie de Paris a exposé des débours d'un montant provisoire de 12 334,63 euros, correspondant à des frais d'hospitalisation, des frais médicaux, actes de radiologie, soins infirmiers, massages, frais de transport, d'appareillage et frais pharmaceutiques ; qu'en l'état de l'instruction, il convient de condamner la commune de Saint-Didier à payer d'ores et déjà à l'organisme de sécurité sociale la somme de 6 000 euros à titre provisionnel ;

En ce qui concerne les préjudices de MmeE... :

6. Considérant que n'est joint au dossier qu'un rapport d'expertise médicale provisoire en date du 1er décembre 2011 ; que l'état de santé de Mme E...est depuis cette date consolidé ; qu'il est nécessaire, pour connaître l'étendue de ses préjudices définitifs en lien avec sa chute et afin que la Cour puisse en évaluer la réparation, d'ordonner une expertise ; qu'il convient en outre de condamner la commune de Saint-Didier à lui payer d'ores et déjà à titre provisionnel la somme de 3 000 euros, le rapport d'expertise provisoire mentionnant que la victime a subi des périodes de déficit fonctionnel temporaire total et partiel, des souffrances qui ne sauraient être évaluées à moins de 3,5 sur 7, un préjudice esthétique qui ne sera pas inférieur à 1 sur 7 et qu'elle sera certainement atteinte d'un déficit fonctionnel permanent ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1203174 du 19 juin 2014 est annulé.

Article 2 : La commune de Saint-Didier est condamnée à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme provisionnelle de 6 000 euros.

Article 3 : La commune de Saint-Didier est condamnée à payer à Mme E...la somme provisionnelle de 3 000 euros.

Article 4 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de MmeE..., procédé à une expertise médicale contradictoire avec la commune de Saint Didier et la caisse primaire d'assurance maladie de Paris en vue de :

1°) se faire communiquer les documents médicaux utiles à sa mission, procéder à l'examen médical de MmeE..., décrire son état de santé actuel et son état de santé antérieur, en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les séquelles en lien avec la chute subie le 21 juillet 2011 ;

2°) d'indiquer précisément les séquelles en relation directe et exclusive avec la chute subie, et préciser, notamment, la durée du déficit fonctionnel temporaire total ou partiel en en précisant le taux, la date de consolidation, le taux de déficit fonctionnel permanent, l'importance des souffrances endurées, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément, ainsi que tout autre élément de nature à permettre à la Cour de se prononcer sur les préjudices subis par Mme E...du fait de la chute.

Article 5: L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. En application des dispositions de l'article R. 621-9 du code de justice administrative, il déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans un délai de deux mois à compter de la prestation de serment et en notifiera une copie aux parties intéressées.

Article 6 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et à la commune de Saint-Didier.

''

''

''

''

N° 14MA03409 2

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA03409
Date de la décision : 05/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01-02 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres. Défaut d'entretien normal.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : KATO et LEFEBVRE ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-11-05;14ma03409 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award