Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Madame C...A...née D...a demandé au tribunal administratif de Marseille l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 13 juin 2013, par lequel celui-ci a rejeté sa demande d'admission au séjour en qualité de visiteur, l'a invitée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours à compter de sa notification et l'a informée qu'elle serait susceptible, à défaut d'avoir satisfait à cette invitation à l'expiration du même délai, de faire l'objet d'un arrêté préfectoral de réadmission ; d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement ; de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 1307708 du 6 février 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de MmeA....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 juin 2014, MmeA..., représentée par Me Gonand, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 juin 2013 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros à verser à Me Gonand, avocat, qui s'engage, dans cette hypothèse, à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 313-4-1 et L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qui concerne le respect par Mme A...des conditions de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " visiteur " ;
- il est entaché d'erreur de droit et d'un vice de procédure au regard des dispositions du 8ème alinéa de l'article L. 313-4-1 ;
- contrairement à ce qu'on estimé les premiers juges, ce vice de procédure a privé l'intéressée d'une garantie et a été susceptible d'exercer une influence en l'espèce sur la décision en litige ;
- l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, consacré notamment par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il ne révèle pas un examen particulier de la situation de l'intéressée au regard des stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'erreur d'appréciation au regard des mêmes stipulations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2015, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, préfet des Bouches-du-Rhône, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la demande de sursis à exécution formé à l'encontre du jugement attaqué et le référé tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté attaqué, devant la Cour, ont été rejetés ;
- il n'appartient pas au défendeur de " produire des observations à l'égard d'un jugement de première instance ou d'une ordonnance de la Cour " ;
- l'arrêté attaqué ne comporte pas d'obligation de quitter le territoire français ;
- Mme A...invoque les mêmes moyens que devant les premiers juges ;
- il y a lieu de se référer aux écritures en défense du préfet devant eux ;
- ces moyens sont infondés.
Par ordonnance du 17 septembre 2015, la clôture d'instruction à effet immédiat a été prononcée.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 avril 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2012-1429 du 19 décembre 2012 portant relèvement du salaire minimum de croissance ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gautron ;
- et les observations de Me B...pour MmeA....
1. Considérant que MmeA..., ressortissante marocaine, née D...le 1er janvier 1976 à Adjir, au Maroc, relève appel du jugement du 6 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 13 juin 2013 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'invitant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours à compter de sa notification et l'informant qu'elle serait susceptible, à défaut d'avoir satisfait à cette invitation à l'expiration du même délai, de faire l'objet d'un arrêté préfectoral de réadmission ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-CE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée : / 1° Une carte de séjour temporaire portant la mention "visiteur" s'il remplit les conditions définies à l'article L. 313-6 ; (...) Pour l'application du présent article, sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement. / Le caractère suffisant des ressources au regard des conditions de logement fait l'objet d'un avis du maire de la commune de résidence du demandeur. Cet avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la saisine du maire par l'autorité administrative. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-6 du même code : " La carte de séjour temporaire délivrée à l'étranger qui apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources et qui prend l'engagement de n'exercer en France aucune activité professionnelle porte la mention "visiteur". " ; qu'aux termes de son article R. 313-34-1 : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-CE dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire en application de l'article L. 313-4-1 doit présenter les pièces suivantes : (...) 2° La justification qu'il dispose de ressources propres, stables et régulières, suffisant à son entretien et, le cas échéant, à celui de son conjoint et de ses enfants mentionnés aux I et II de l'article L. 313-11-1, indépendamment des prestations familiales et des allocations mentionnées au septième alinéa de l'article L. 313-4-1 ; les ressources mensuelles du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint doivent atteindre un montant total au moins égal au salaire minimum de croissance apprécié à la date du dépôt de la demande ; lorsque le niveau des ressources du demandeur n'atteint pas cette somme, une décision favorable peut être prise s'il justifie être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit ; (...) " ;
3. Considérant que si Mme A...soutient qu'elle remplissait, à la date de l'arrêté attaqué, les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " visiteur " prévue par les dispositions précitées du 1° de l'article L. 313-4-1, il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement des bulletins de paye de son époux, ainsi que de l'avis d'imposition qu'elle produit, que le salaire de ce dernier, qui constitue la seule ressource du foyer à prendre en compte pour l'application de ces dispositions, ensemble celles de l'article R. 313-34-1, était compris, pour les mois d'octobre 2012 à septembre 2013, entre 971,16 et 1 177,84 euros nets ; que ce salaire n'a excédé le montant de 1 121,71 euros nets mensuels correspondant au salaire minimum de croissance alors applicable, en vertu de l'article 1er du décret n° 2002-1429 du 19 décembre 2012, que pour trois des douze mois considérés ; que les revenus du couple déclarés pour l'année 2012 étaient de seulement 4 869 euros, soit une moyenne mensuelle de 405,75 euros ; qu'en tout état de cause, ces ressources n'apparaissent pas suffisantes pour l'entretien du foyer, composé de deux adultes et d'au moins trois enfants, alors même que le montant du loyer du logement que ce dernier occupe, sur le territoire de la commune de Tarascon, n'est que de 400 euros mensuels ; que dès lors, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation entachant ledit arrêté au regard de ces dispositions ne peut qu'être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; qu'alors même que le huitième alinéa de l'article L. 313-4-1 faisait en principe obligation au préfet des Bouches-du-Rhône de consulter le maire de la commune de Tarascon sur le caractère suffisant des ressources du foyer de Mme A...au regard de ses conditions de logement, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui précède, que l'absence de cette consultation aurait, dans les circonstances de l'espèce, été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise ou privé l'intéressée d'une garantie ; que par suite, les moyens tirés du vice de procédure et de l'erreur de droit entachant l'arrêté attaqué au regard de ces dispositions doivent être écartés ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, depuis son arrivée en France, le 18 janvier 2013, sous couvert d'un passeport et d'une carte de résident de longue durée délivrés par l'Espagne et valables respectivement jusqu'aux 28 février 2017 et 17 janvier 2014, Mme A... réside sur le territoire de la commune de Tarascon, en compagnie de son époux, qu'elle a épousé au Maroc le 25 novembre 1991 ainsi que de leurs trois enfants Khalissa, née le 1er juin 2000, Imad, né le 18 avril 2002 et Reda, né le 9 octobre 2013 ; que M. A...ne séjourne sur le territoire national que depuis le mois d'octobre 2012 et ne bénéficie que d'un visa de long séjour en qualité de travailleur saisonnier depuis le 10 de ce même mois ; qu'ainsi, la présence de cette cellule familiale sur le territoire français était, à la date de l'arrêté attaqué, très récente ; que par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle disposerait de ressources suffisantes pour pourvoir à son entretien, sur le territoire national, alors notamment que Mme A...n'y dispose ni d'un emploi, ni de ressources propres ; que celle-ci n'établit ni même n'allègue avoir développé des relations personnelles stables en France, au-delà de son cercle familial ; qu'enfin, comme le fait valoir le préfet des Bouches-du-Rhône, rien ne s'oppose à la reconstitution de la cellule familiale en Espagne ou dans le pays d'origine de MmeA..., alors notamment que son époux, également ressortissant marocain, n'occupe en France qu'un emploi saisonnier, tandis que les deux enfants aînés du couple n'y sont scolarisés que depuis le début de l'année 2013, le benjamin étant quant à lui trop jeune pour l'être ; que par suite, le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée portée par l'arrêté attaqué au droit au respect de sa vie privée et familiale qu'elle tient des stipulations précitées doit être écarté ;
7. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que les mêmes stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;
8. Considérant toutefois qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône, en prenant l'arrêté attaqué, lequel vise expressément les stipulations de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, n'aurait pas accordé une attention suffisante à l'intérêt supérieur des enfants de MmeA..., alors notamment que, comme il a été dit au point 6, rien ne s'oppose à la reconstitution de la cellule familiale en Espagne ou dans le pays d'origine de l'intéressée ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2013 et, par suite, à demander l'annulation de ce jugement et de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeA..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions présentées à cette fin doivent donc être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme que Me Gonand réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...néeD..., à Me Gonand et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2015 à laquelle siégeaient :
M. Moussaron, président,
M. Marcovici, président-assesseur,
M. Gautron, conseiller.
Lu en audience publique le 26 octobre 2015.
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N° 14MA02449