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23/07/2015 | FRANCE | N°14MA01338

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 23 juillet 2015, 14MA01338


Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2014, présentée pour M. et Mme D...A..., demeurant..., par MeE... ;

M. et Mme A...demandent au juge des référés de la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1400235 en date du 13 mars 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la désignation, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'un expert ayant pour mission de décrire les moyens et les travaux permettant de remédier aux dommages résultant de l'interruption du chantier de

construction de leur maison d'habitation, d'en chiffrer le coût et d'en évalu...

Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2014, présentée pour M. et Mme D...A..., demeurant..., par MeE... ;

M. et Mme A...demandent au juge des référés de la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1400235 en date du 13 mars 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la désignation, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'un expert ayant pour mission de décrire les moyens et les travaux permettant de remédier aux dommages résultant de l'interruption du chantier de construction de leur maison d'habitation, d'en chiffrer le coût et d'en évaluer la durée ainsi que de donner son avis sur les préjudices de toute nature qu'ils ont subis ou subiront, notamment les troubles de jouissance ;

2°) d'ordonner l'expertise sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Saint-Paulet le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- que l'ordonnance attaquée est insuffisamment motivée en ce que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ne décrit pas les raisons pour lesquelles il a considéré les mesures demandées comme étant inutiles ;

- que cette ordonnance est entachée d'une erreur de droit en ce qu'ils justifient incontestablement de la possibilité d'engager une action contentieuse contre l'Etat ; que les différents éléments dont ils disposent ne seront pas suffisants pour déterminer devant les juges du fond les désordres directement imputables à la décision illégale d'interruption des travaux du 27 mai 2011, ni la durée des travaux de réfection ; que le principe d'égalité des armes, tel qu'il résulte de l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, s'oppose à ce qu'une décision de justice soit rendue sur le seul fondement d'une expertise non contradictoire établie à la demande de l'une des parties ;

- que, contrairement à ce que soutenait le préfet de l'Aude en première instance, ils sont recevables à exercer une action en responsabilité à l'encontre de l'Etat ; que l'état d'inachèvement du chantier à la date de l'arrêté illégal ne permettait pas d'affirmer que les travaux en cours de réalisation n'étaient pas conformes au permis délivré ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2014, présenté par la ministre du logement et de l'égalité des territoires, qui conclut au rejet de la requête ;

Elle fait valoir :

- que la décision du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est suffisamment motivée ;

- que les préjudices invoqués par les appelants ne trouvent pas leur origine dans l'arrêté interruptif de travaux mais dans la situation dans laquelle M. et Mme A...se sont sciemment placés en réalisant des travaux qui avaient fait l'objet d'un avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France et d'un refus de permis de construire du maire opposé le 8 mars 2011 ; qu'ils ne sont pas fondés à demander à être indemnisés ;

- qu'une expertise n'a pas pour objet de remédier à l'absence ou l'insuffisance de justificatifs du préjudice ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6§1 est inopérant ;

Vu, enregistré le 16 avril 2014, le nouveau mémoire présenté pour M. et Mme D...A..., qui concluent aux mêmes fins que leur requête susvisée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. (...) " ;

3. Considérant que M. et Mme A...entendent rechercher la responsabilité de l'Etat au titre de l'illégalité fautive d'un arrêté du maire de Saint-Paulet agissant au nom de l'Etat, ayant ordonné la cessation des travaux de construction de leur maison d'habitation ; qu'ils demandent une mesure d'expertise portant sur la détermination des travaux permettant de remédier aux dommages subis par la construction du fait de l'interruption du chantier et de leur coût, ainsi que sur les troubles de jouissance résultant pour eux de cette interruption ;

2. Considérant que, pour décider que l'expertise demandée par M. et Mme A...ne présente pas le caractère d'utilité requis par les dispositions précitées, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur le fait que les requérants avaient déjà en leur possession les éléments leur permettant d'évaluer la nature et le coût des travaux à réaliser à la suite de l'interruption des travaux ;

3. Considérant, cependant, que, même si les requérants disposent déjà de certains éléments concernant les mesures à prendre pour permettre la reprise et l'achèvement du chantier, l'expertise demandée n'apparait pas pour autant inutile, dans la mesure où l'interruption des travaux, ordonnée illégalement, a été de nature à entrainer des dommages sur la construction restée inachevée et que la détermination des travaux rendus nécessaires, au-delà de ce qui était initialement prévu, en raison de l'arrêt prolongé du chantier, justifie une expertise technique réalisée contradictoirement ; que si l'administration fait valoir que la construction aurait subi des modifications qui ont été refusées, cette circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à priver d'utilité la mesure demandée, dès lors que les requérants peuvent prétendre poursuivre leur opération de construction en respectant les prescriptions du permis initial qui leur a été délivré ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande d'expertise et à demander l'annulation de cette ordonnance, sans qu'il soit besoin d'en examiner la régularité ; qu'il est également fondé à demander la désignation d'un expert ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A...et non compris dans les dépens ; que les conclusions que les requérants présentent au même titre à l'encontre la commune de Saint-Paulet ne peuvent être accueillies, dès lors que la commune n'est pas partie dans une instance relative à une décision prise par son maire agissant au nom de l'Etat ;

O R D O N N E :

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier en date du 13 mars 2014 est annulée.

Article 2 : M. C...B..., domaine du Vergel à Ginestas (11120), est désigné comme expert avec pour mission :

1°) de se faire communiquer le dossier sur la base duquel M. et Mme A...ont obtenu un permis de construire délivré au nom de l'Etat par le maire de Saint-Paulet le 13 février 2008 et le dossier du permis modificatif qui leur a été refusé par la même autorité ;

2°) de prendre connaissance de ces documents, de se rendre sur les lieux et d'entendre les parties ;

3°) de décrire l'état actuel de la construction et de déterminer à partir de cet état, les travaux restant à exécuter pour obtenir une construction conforme au permis initial, ainsi que leur durée ;

4°) de distinguer dans ces travaux, ceux qui seraient rendus nécessaires par le fait que certains des travaux entrepris n'étaient pas prévus par le permis initial mais par un permis modificatif qui a été refusé, de ceux qui résulteraient du fait que la construction est restée inachevée après l'arrêté interruptif de travaux du 27 mai 2011, annulé par le tribunal administratif de Montpellier ; d'évaluer le coût des travaux nécessaires pour achever la construction conformément au permis initial, en distinguant le coût des travaux correspondant à ce qu'impliquait la mise en oeuvre du permis du 13 février 2008, du coût de ceux dont l'exécution est rendue nécessaire du fait de l'interruption du chantier ; de dire dans quelle mesure le coût des travaux se rattachant à la seule mise en oeuvre du permis de construire a pu subir une augmentation par rapport à celui qui aurait été constaté si le chantier avait été achevé dans les délais initialement prévus ;

5°) de recueillir tous éléments de fait et toutes justifications utiles sur les divers préjudices dont les requérants entendent se prévaloir, notamment au titre de leurs troubles de jouissance et de donner son avis sur l'évaluation de ces préjudices ;

6°) d'une manière générale, de fournir tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie sur le fond, de se prononcer en toute connaissance de cause sur les conséquences de l'interruption du chantier.

L'expert disposera des pouvoirs d'investigation les plus étendus. Il pourra entendre tous sachants, se faire communiquer tous documents et renseignements, faire toutes constatations ou vérifications propres à faciliter l'accomplissement de sa mission et éclairer la juridiction compétente.

Article 3 : L'expertise aura lieu en présence de M. et Mme A...et du ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Article 4 : Préalablement à toute opération, l'expert prêtera serment dans les formes prévues à l'article R. 621-3 du code de justice administrative.

Article 5 : Après avoir prêté serment, l'expert accomplira la mission définie à l'article 2 dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable de la juridiction.

Article 6 : L'expert avertira les parties de ses opérations conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative.

Article 7 : L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires avant le 31 janvier 2016 et, dans le cas où cette date ne pourrait être respectée, informera sans délai le greffe des motifs justifiant un éventuel report. Il notifiera une copie de son rapport à chacune des parties intéressées et, sous réserve de leur accord, utilisera à cette fin, dans la mesure du possible, des moyens électroniques. L'expert justifiera auprès du greffe de la date de réception de son rapport par les parties.

Article 8 : Les frais et honoraires dus à l'expert seront taxés et liquidés par le président de la Cour qui désignera la ou les parties qui en assumeront la charge, en application de l'article R. 621-13 du code de justice administrative.

Article 9 : L'Etat versera à M. et Mme A...une somme de 1 500 euros (mille cinq cents) euros au titre des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 10 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 11 : La présente ordonnance sera notifiée à M. et MmeA..., au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité et à l'expert, M. C...B....

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Fait à Marseille, le 23 juillet 2015

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N° 14MA01338


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 14MA01338
Date de la décision : 23/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé tendant au prononcé d'une mesure d'expertise ou d'instruction.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : AARPI THALAMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-07-23;14ma01338 ?
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