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18/05/2015 | FRANCE | N°13MA00860

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 18 mai 2015, 13MA00860


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 11 février 2013, sous le n° 13MA00860, présentée pour la société Alta Faubourg, représentée par son président, domicilié ... et la société Fayat Bâtiment, dont le siège est situé ZI 1ère avenue 17ème rue à Carros (06150), représenté par son président, par Me E... ;

Les sociétés Alta Faubourg et Fayat Bâtiment demandent à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 1003208 du 7 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande indemnitaire,



- de condamner la commune de La Seyne-sur-Mer à leur verser une somme de 3 208 547,21 e...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 11 février 2013, sous le n° 13MA00860, présentée pour la société Alta Faubourg, représentée par son président, domicilié ... et la société Fayat Bâtiment, dont le siège est situé ZI 1ère avenue 17ème rue à Carros (06150), représenté par son président, par Me E... ;

Les sociétés Alta Faubourg et Fayat Bâtiment demandent à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 1003208 du 7 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande indemnitaire,

- de condamner la commune de La Seyne-sur-Mer à leur verser une somme de 3 208 547,21 euros HT, assortie des intérêts de droit capitalisés à compter du 31 mars 2010 ;

- de condamner la commune de La Seyne-sur-Mer à leur verser une somme de 5000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :

- la demande est recevable dès lors que le contrat n'est jamais entré en vigueur et que les sociétés ont accompli la formalité de réclamation préalable ;

- le contrat de délégation de service public n'est pas entré en vigueur, les conditions suspensives n'ont pas été levées ;

- les membres du groupement disposent d'un droit à indemnisation en vertu de l'article 4.4 du contrat ;

Vu le mémoire enregistré au greffe de la cour le 7 mars 2014, présenté pour la commune de La Seyne-sur-Mer, par Me B...D... ; la commune de La Seyne-sur-Mer conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à la nomination d'un expert, et à la condamnation du groupement à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable ;

- la convention est bien entrée en vigueur, et cela a déjà été jugé par le tribunal dans une autre affaire ;

- les conditions suspensives ont été levées ;

- les préjudices ne sont pas justifiés ;

- le contrat a été résilié pour faute à bon droit, ce qui prive le groupement de tout droit à indemnisation, le groupement s'est comporté de manière déloyale ;

Vu le mémoire enregistré au greffe de la cour le 2 septembre 2014, présenté pour le groupement composé de la société Alta Faubourg et la société Fayat Bâtiment, qui conclut aux mêmes fins que la requête et également à la suppression de certains passages du mémoire en défense ;

Il soutient que le jugement du tribunal ne dispose pas de l'autorité de la chose jugée, et que les passages en cause sont diffamatoires ;

Vu le mémoire enregistré au greffe de la cour le 17 avril 2015, présenté pour le groupement composé de la société Alta Faubourg et la société Fayat Bâtiment, qui conclut aux mêmes fins que la requête ;

Il soutient qu'il appartient le cas échéant à la cour de rouvrir l'instruction, que les critiques de la commune sur les chiffrages ne sont pas fondées, que le cas échéant la cour ordonnera une expertise ;

Vu le jugement attaqué

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 avril 2015 :

- le rapport de M. Marcovici, rapporteur,

- les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public

- et les observations de Me A...représentant la société Alta Faubourg et la société Fayat Bâtiment et de Me C...représentant la commune de La Seyne-sur-Mer ;

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 29 avril 2015, présentée pour la société Alta Faubourg et la société Fayat Bâtiment par Me E...;

1. Considérant que, par contrat signé le 17 septembre 2007, la commune de La Seyne-sur-Mer a confié au groupement formé par les sociétés Cari, Alta Faubourg et Sodeport la réalisation et l'exploitation d'un nouveau port de plaisance ; que le contrat a été conclu pour une durée de 30 ans à compter de la levée de l'intégralité de conditions suspensives prévues à son article 4 ; que deux avenants au contrat ont été passés le 19 mai 2009 et le 22 décembre 2009 retardant la date de levée de la condition suspensive relative aux travaux de dépollution respectivement au 31 décembre 2009 puis au 31 mars 2010 ; que par courrier du 30 mars 2010 signé par le maire, la commune s'est engagée à prendre en charge l'ensemble des surcoûts liés aux frais de dépollution, au-delà de 500 000 euros, sans plafond ; que, par un courrier du 31 mars 2010, la société Cari, mandataire du groupement a considéré que la condition suspensive relative aux travaux de dépollution n'avait pas valablement été levée et que le contrat ne pouvait plus entrer en vigueur ; que, par courrier du 14 octobre 2010, la société Cari a demandé l'indemnisation de l'ensemble des frais avancés depuis la notification du contrat, soit la somme de 3 208 547,21 euros ; que par courrier du 6 avril 2010, le maire de la commune a mis en demeure la société Cari de remplir ses obligations contractuelles ; que, par courrier du 19 juillet 2010, le maire de La Seyne-sur-Mer a mis en demeure la société Cari d'exécuter ses obligations contractuelles dans un délai d'un mois ; que par un courrier du 26 octobre 2010, le maire a rejeté la demande indemnitaire ; que par délibération du 10 novembre 2010, la commune de la Seyne-sur-Mer a décidé de résilier le contrat pour faute du groupement ; que la veille de la saisine du tribunal administratif, le groupement a demandé la saisine du comité de suivi ; que le groupement relève appel du jugement du 7 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande indemnitaire ;

Sans la fin de non recevoir retenue par le tribunal :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 4.1 du contrat conclu entre la commune de La Seyne-sur-Mer et le groupement : " le contrat est conclu pour une durée de 30 ans à compter de la levée de l'intégralité des conditions suspensives " ; qu'aux termes de l'article 4.3 : " le contrat est conclu sous les conditions suspensives suivantes : (...) le montant prévisionnel des travaux visés à l'article 10.5 alinéa 1 ne dépasse pas la somme de 1 000 000 euros TTC. / Les conditions suspensives devront être levées dans un délai de 20 mois courant à compter de la notification des présentes, à défaut le présent contrat sera nul et non avenu, sous réserve de l'application de l'article 4.4 ci-dessous. / Chacune des parties est tenue en ce qui la concerne d'informer l'autre dans les plus brefs délais de la levée d'une ou plusieurs conditions suspensives par courrier recommandé avec accusé de réception " ; qu'aux termes de l'article 4.4 : " dans l'hypothèse du défaut de réalisation d'une ou de plusieurs des conditions suspensives, le concessionnaire pourra renoncer expressément au bénéfice des conditions suspensives. À défaut, le concessionnaire sera intégralement indemnisé des frais exposés à compter de la notification du contrat et justifiés par lui " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 10.5 du contrat de concession : " Si les travaux prévisionnels de dépollution sont supérieurs à un montant de 500 000 euros TTC, le concédant s'engage à verser au concessionnaire, sur justificatifs, une compensation financière. / Toutefois, si lors de la réalisation des travaux et ouvrages, l'état du sol et du sous-sol terrestre et maritime nécessitait des travaux de dépollution non prévus et dépassant le seuil de 500 000 euros TTC, les parties procéderaient sans délai à un constat contradictoire et s'engageraient à se rencontrer. Cette réunion aura pour objet de définir les dispositions nécessaires à adopter afin de rétablir l'équilibre financier de la délégation. Les conclusions de cette réunion seront réitérées par un avenant à la présente convention "

4. Considérant que si deux avenants ont reporté le délai de réalisation de la condition relative aux montants des travaux de dépollution, ces avenants n'ont pas modifié la clause suspensive ; qu'au contraire, l'article 1er de l'avenant n° 1 du 20 mai 2009 stipule clairement que " les parties acceptent de surseoir jusqu'au 31 décembre 2009 aux effets de la clause suspensive prévue à l'article 4.3 (...) " ; qu'elles n'ont ainsi pas entendu abroger l'article 4.3 dont l'application doit s'apprécier indépendamment de celle de l'article 10.5 ; qu'il est constant que les travaux de dépollution prévus excèdent le montant d'un million d'euros ; que la circonstance que la commune se soit engagée, avant l'expiration du délai à assurer le financement du surcout est sans effet sur l'application des stipulations de l'article 4.3 du contrat à l'application duquel seul le concessionnaire pouvait renoncer ; qu'il résulte de l'instruction que la date de réalisation de la condition suspensive a été repoussée par les deux avenants au contrat au 1er avril 2010 ; qu'ainsi, à cette date le contrat est devenu caduc ; qu'il a trouvé application jusqu'à cette date ; qu'en effet, si l'article 4.1 mentionne que le contrat deviendra " nul et non avenu ", cette stipulation doit être comprise comme visant la caducité du contrat à la date de non réalisation de la condition suspensive, comme l'indique le préambule de l'avenant n°1 selon lequel " le contrat a été conclu sous diverses conditions suspensives dont la réalisation doit intervenir dans le délai de 20 mois courant à compter de la notification du contrat, soit au plus tard le 24 mai 2009 (...). Le concessionnaire a informé le Concédant (...) que le montant des travaux prévisionnels nécessaires à la dépollution du sol et sous sol terrestre et maritime s'élèverait à un montant supérieur à 1 000 000 d'euros TTC. Ces éléments s'ils étaient justifiés, pourraient en application de dispositions de l'article 4.3 du contrat de concession avoir pour effet de le rendre nul et non avenu à compter du 24 mai 2009 " ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, les stipulations du contrat étaient applicables, notamment celles de l'article 55 aux termes duquel : " Toute contestation entre le concédant et le concessionnaire résultant de l'application du présent contrat ou des documents qui y sont annexés fera l'objet d'une tentative de conciliation amiable par l'intermédiaire du comité de suivi tel que prévu à l'article 54 ci-dessus. En cas d'échec de la conciliation, chacune des deux parties pourra porter le différend devant le tribunal administratif de Nice " ; que toutefois, à la suite de la réclamation préalable du groupement à hauteur de 3 208 547,21 euros HT correspondant aux dépenses du groupement jusqu'au 24 mai 2009, la commune, par un courrier du 26 octobre 2010 a rejeté cette demande en indiquant " que la position de la commune est invariable au sujet de l'entrée en vigueur de la convention " et qu'elle engageait " le processus de résiliation de la convention (...) " ; que, par délibération du 10 novembre 2010, la commune a décidé de résilier le contrat pour faute du groupement, en application de l'article 48.1.1 du contrat ; que le groupement a saisi le comité de suivi la veille de la saisine du tribunal, laquelle saisine n'a connu aucune suite ; qu'il résulte de ce qui précède que la commune a manifesté, dès le mois d'octobre 2010, son refus de toute conciliation ; qu'elle a confirmé cette intention par la délibération du 10 novembre 2010, puis par le défaut de mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article 55 ainsi que le groupement l'avait demandé ; qu'ainsi la commune n'est pas fondée à opposer les stipulations de l'article 55 dès lors que, de son fait, aucune conciliation ne pouvait aboutir ; qu'au demeurant, à supposer que le groupement ait saisi le tribunal de manière prématurée, l'échec de la conciliation ultérieurement à la saisine du comité de suivi, a régularisé la demande que le groupement a adressée au tribunal ; qu'il résulte ce qui précède que le groupement est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande en raison de son irrecevabilité faute pour le groupement d'avoir respecté les stipulations de l'article 55 du contrat ;

6. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens invoqués par le groupement et la commune tant en première instance qu'en appel ;

7. Considérant comme il vient d'être dit que le contrat est devenu caduc au 1er avril 2010 ; que le groupement n'a dès lors pas commis de faute en s'abstenant de remplir les obligations nées du contrat, à compter de cette date ; que la résiliation du contrat à raison de la faute du concessionnaire par la délibération du 10 novembre 2010 était sans effet dès lors que le contrat est devenu caduc le 1er avril précédent ; que si la commune soutient que, par le jugement du 7 décembre 2012, le tribunal administratif de Toulon en a jugé autrement, elle ne peut pas se prévaloir de l'autorité de la chose jugée, dès lors que le tribunal a statué sur la légalité de la délibération du 10 novembre 2010 qui a décidé de résilier le contrat pour faute du concessionnaire, alors que le présent arrêt statue sur les droits à indemnisation du concessionnaire et n'a donc pas le même objet que le jugement ; que le concessionnaire a droit à l'application de l'article 4.4 du contrat selon lequel il doit être intégralement indemnisé des frais exposés à compter de la notification du contrat et justifiés par lui ; que si la commune invoque la déloyauté du groupement lors de la phase d'exécution du contrat, elle n'établit pas, en tout état de cause, que le groupement se serait livré à des manoeuvres frauduleuses ou dolosives, de nature à délier la commune des obligations résultant du contrat qu'elle a conclu ;

Sur le préjudice :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 4.4 : " (...) le concessionnaire sera intégralement indemnisé des frais exposés à compter de la notification du contrat et justifiés par lui " ; qu'il résulte de ces stipulations que le groupement a droit à l'indemnisation des frais qu'il a exposés à compter de la notification du contrat et qu'il a justifiés ; que la commune soutient que les pièces présentées par le groupement ne sont pas suffisamment probantes et que l'estimation du préjudice subi est surévalué ; que les pièces du dossier ne permettent pas de déterminer les sommes dues au groupement ; qu'il y a lieu, pour la cour, d'ordonner une expertise afin de déterminer les frais exposés par le groupement à compter de la notification du contrat ;

Sur les conclusions du groupement tendant à l'application des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les juridictions administratives peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires ;

10. Considérant que les passages dont la suppression est demandée par le groupement n'excèdent pas le droit à la libre discussion et ne présentent pas un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire ; que les conclusions tendant à leur suppression doivent par suite être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1003208 du 7 décembre 2012 du tribunal administratif de Toulon est annulé.

Article 2 : Les conclusions du groupement tendant à l'application des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Il sera, avant de statuer sur le surplus des conclusions des sociétés Alta Faubourg et Fayat Bâtiment, procédé par un expert, désigné par le président de la cour, à une expertise avec mission de :

- prendre connaissance des pièces du dossier,

- se faire remettre par les parties toute pièce qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission,

- déterminer les frais exposés par le groupement à compter de la notification du contrat, justifiés par lui, et correspondant à une gestion normale dudit contrat.

Article 4 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la cour dans sa décision le désignant.

Article 5 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent jugement, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Alta Faubourg, à la société Fayat Bâtiment et à la commune de La Seyne-sur-Mer.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2015, où siégeaient :

- M. Guerrive, président,

- M. Marcovici, président-assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 mai 2015.

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N° 13MA00860


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA00860
Date de la décision : 18/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Application dans le temps - Caducité.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales - Recevabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: Mme FELMY
Avocat(s) : SELARL SYMCHOWICZ-WEISSBERG et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-05-18;13ma00860 ?
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