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10/02/2015 | FRANCE | N°13MA00281

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 10 février 2015, 13MA00281


Vu la requête enregistrée par télécopie le 8 janvier 2013 et par courrier le

16 janvier 2013, régularisée le 25 mars 2013, présentée pour M. C...A...demeurant

... et pour le syndicat Poste Télécom CGT dont le siège social est situé 4 place Saint-François à Nice (06300), par Me B...D... ;

M. A...et le syndicat Poste Télécom CGT demandent à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 1004866 rendu le 13 novembre 2012 par le tribunal administratif de Nice ;

- de condamner la Poste à verser à M. A...les sommes de 2 183,35 euros au titre d'heures

supplémentaires effectuées du 1er décembre 2005 au 31 décembre 2008, avec intérêts au taux légal...

Vu la requête enregistrée par télécopie le 8 janvier 2013 et par courrier le

16 janvier 2013, régularisée le 25 mars 2013, présentée pour M. C...A...demeurant

... et pour le syndicat Poste Télécom CGT dont le siège social est situé 4 place Saint-François à Nice (06300), par Me B...D... ;

M. A...et le syndicat Poste Télécom CGT demandent à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 1004866 rendu le 13 novembre 2012 par le tribunal administratif de Nice ;

- de condamner la Poste à verser à M. A...les sommes de 2 183,35 euros au titre d'heures supplémentaires effectuées du 1er décembre 2005 au 31 décembre 2008, avec intérêts au taux légal, de 300 euros correspondant aux jours de grève non payés et de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- de condamner la Poste à verser au syndicat Poste Télécom CGT une somme de 5 000 euros ;

- de mettre à la charge de la Poste le paiement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l 'État ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur,

- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public ;

1. Considérant que M.A..., agent rouleur de distribution à la Poste, exerce les fonctions de facteur au bureau de poste du Cannet ; qu'il a présenté, le

29 septembre 2010, par l'intermédiaire de son avocat, une demande tendant au paiement d'heures supplémentaires qu'il estimait avoir effectuées entre le 1er décembre 2005 et le

31 décembre 2008 ; qu'une décision implicite de rejet est née sur cette demande ; que

M. A...et le syndicat Poste Télécom CGT ont alors saisi le tribunal administratif de Nice d'un recours de plein contentieux tendant, d'une part, au paiement desdites heures supplémentaires, des congés payés et des repos compensateurs y afférents, d'autre part, au remboursement des journées de grève non rémunérées, au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé et enfin, au versement, pour chacun des requérants, de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de cette absence de paiement ; que, par un jugement en date du 13 novembre 2012, le tribunal administratif de Nice a rejeté l'intégralité des prétentions des requérants ; que ces derniers doivent être regardés comme interjetant appel dudit jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant au paiement des heures supplémentaires, des journées de grève et des dommages et intérêts ; qu'en revanche, ne sont plus en litige les demandes relatives aux congés payés, aux repos compensateurs et au travail dissimulé ;

Sur les fins de non-recevoir soulevées par la Poste :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de ses statuts, le syndicat Poste Télécom CGT a notamment pour but " la défense des droits et intérêts matériels et moraux des salariés, retraités et salariés privés d'emploi désignés à l'article 1 et l'organisation de la lutte pour la défense de leur revendication " ; qu'il justifie ainsi d'un intérêt pour présenter des conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice collectif causé à ses membres du fait du non paiement à plusieurs agents de la Poste d'heures supplémentaires qu'ils estiment avoir effectuées ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 13 desdits statuts : " Le syndicat peut agir en justice dans le cadre défini à l'article 3. Le ou la secrétaire général(e) représente le syndicat départemental dans tous les actes de la vie civile et en justice " ; que le secrétaire général dudit syndicat justifie ainsi de sa qualité pour agir en justice ;

Sur les conclusions pécuniaires et indemnitaires :

En ce qui concerne le paiement d'heures supplémentaires :

S'agissant du principe :

4. Considérant qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient, en premier lieu, à l'agent d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires qu'il estime avoir réalisés ; que, sur la base de ces éléments, l'employeur doit répondre en fournissant les informations dont il dispose de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

5. Considérant que M. A...a produit, d'une part, un bilan de quartier effectué en 2008 dont il résulte un dépassement d'1h43 par semaine par rapport à la durée hebdomadaire prévue au règlement intérieur soit 40h avec 3 journées de repos toutes les 3,5 semaines et, d'autre part, un décompte des heures supplémentaires qu'il estime avoir effectuées entre le 1er décembre 2005 et le 31 décembre 2008 ; qu'il a produit, en outre, une fiche de restitution de la moyenne de travail d'une tournée établie en 2005 révélant, par comparaison avec le bilan de quartier de 2008, une évolution du nombre de points de remise, du nombre de points de distribution et du volume horaire hebdomadaire ; que ces pièces étaient suffisamment précises pour permettre à la Poste, qui a, au demeurant, admis que l'intéressé avait réalisé des heures supplémentaires entre mars 2008 et avril 2009 mais en conteste le quantum et la période, de répondre à l'argumentation du requérant en fournissant tous éléments de nature à justifier le nombre d'heures effectivement réalisées par le requérant ;

6. Considérant que la Poste se borne à répondre aux allégations de M. A...par des arguments d'ordre général concernant notamment, d'une part, l'organisation de la journée de travail d'un facteur et l'absence de contrôle direct et permanent de l'employeur sur son agent pendant le temps de sa tournée alors, au demeurant, que le bilan de quartier de 2008 qui a confirmé la nécessité de faire des heures supplémentaires pour effectuer la tournée complète a été effectué sous le contrôle d'un organisateur analyste, d'autre part, la variabilité du flux alors que le bilan permet d'établir une moyenne dudit flux et, enfin, la nécessaire prise en compte du temps d'apprentissage des nouvelles recrues alors que M.A..., agent de la Poste depuis 2002, n'est pas novice ; que, par ailleurs, il ressort des écritures mêmes de la Poste que le Cannet a connu une évolution démographique de 0,2 % par an entre 1999 et 2006 ; qu'en outre, bien que le taux de 100 % ne soit pas atteint, il ressort également desdites écritures que le volume d'activité a augmenté entre 2005 et 2008 en dépit d'une diminution du volume en objets au cours du 2ème semestre 2008 ; qu'il était en effet de 96,4 % en 2004, de 96,8 % en 2005, de 98,4 % en 2006, de 98,7 % en 2007 et de 97,1 % en 2008 ; qu'il suit de là que si le bilan a démontré qu'en 2008 M. A...avait effectué des heures supplémentaires, a fortiori devait-il en être de même au titre des années précédentes au cours desquelles le volume d'activité a été plus important tandis qu'en parallèle, le nombre de facteurs, auparavant fixé à 30, a été porté à 28 ; que, par ailleurs, si la Poste fait valoir que l'intéressé n'a pas été autorisé par son chef de service à effectuer les dépassements horaires allégués, il est constant que l'intéressé n'a pas excédé les limites du secteur de la tournée qui lui était assignée ; qu'enfin, tandis que la Cour a demandé à la Poste de produire le planning des dépassements horaires de l'intéressé, la feuille de présence n'étant pas conçue pour qu'y soient indiqués lesdits dépassements horaires, la Poste, qui détient ces informations qui ont parfois été produites dans le cadre de contentieux devant le conseil des prud'hommes s'agissant des agents ayant le statut de salarié, n'a pas déféré à la mesure d'instruction de la Cour ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M.A..., bien qu'il n'ait pas fait de demande de révision de sa tournée en bonne et due forme, doit être regardé comme établissant avoir effectué, entre le 1er décembre 2005 et le 31 décembre 2008, des heures supplémentaires ;

S'agissant du quantum :

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a effectué, sur l'ensemble de la période litigieuse, comme il était fondé à le faire faute pour la Poste de produire le tableau des heures supplémentaires demandé, un calcul tenant compte de la durée de travail hebdomadaire constatée lors de la réalisation du bilan de quartier en 2008 ; que cette évaluation a été faite sur la base de 41 semaines travaillées, laquelle tient donc compte, sans que le contraire soit établi par la Poste, des congés payés et des jours fériés ; que, par ailleurs, si la Poste fait valoir que le calcul de M. A...ne tient pas compte des jours d'absence pour maladie, elle n'établit pas que le requérant aurait, au cours de cette période, été placé en congé de maladie et n'aurait pas retranché de son calcul les périodes y afférentes ; qu'elle n'établit pas non plus que le taux de majoration appliqué serait inexact ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner la Poste à verser à M.A..., au titre des heures supplémentaires effectuées entre le 1er décembre 2005 et le 31 décembre 2008, la somme de 2 183, 35 euros qu'il réclame, tous intérêts confondus ;

En ce qui concerne la rémunération des journées de grève :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que de la performance collective des services. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires " ; qu'aux termes de l'article L. 2512-1 du code du travail : " Les dispositions du présent chapitre s'appliquent : 1° Aux personnels de l'Etat, des régions, des départements et des communes comptant plus de 10 000 habitants ; 2° Aux personnels des entreprises, des organismes et des établissements publics ou privés lorsque ces entreprises, organismes et établissements sont chargés de la gestion d'un service public. " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 2512-5 du même code : " En ce qui concerne les personnels mentionnés à l'article L. 2512-1 non soumis aux dispositions de l'article 1er de la loi n° 82-889 du 19 octobre 1982, l'absence de service fait par suite de cessation concertée du travail entraîne pour chaque journée une retenue du traitement ou du salaire et de ses compléments autres que les suppléments pour charges de famille. Les retenues sont opérées en fonction des durées d'absence définies à l'article 2 de la loi précitée. " ;

10. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que la Poste était fondée à opérer sur la rémunération de M.A..., pour les cinq journées de grève effectuées par celui-ci, quel que soit le bien-fondé du motif l'ayant conduit à cesser son travail, une retenue pour absence de service fait égale à un trentième de son traitement mensuel ; que, par suite, les conclusions tendant à ce que la Poste soit condamnée à verser, à ce titre, une somme au requérant ne peuvent qu'être rejetées ;

En ce qui concerne les dommages et intérêts :

S'agissant de la demande de M.A... :

11. Considérant que M. A...a subi, du fait du refus persistant de la Poste de lui payer les heures supplémentaires effectuées et des démarches multiples qu'il a dû engager pour en obtenir le paiement, un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 500 euros ;

S'agissant de la demande du syndicat Poste Télécom CGT :

12. Considérant que le refus persistant de la Poste à verser à ses agents la rémunération qui leur était due a causé au syndicat requérant un préjudice moral résultant de l'atteinte à l'intérêt collectif de ses membres ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner la Poste à verser audit syndicat la somme de 1 euro symbolique ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté les demandes tendant au paiement des heures supplémentaires ainsi qu'à la réparation des préjudices nés du refus de paiement desdites heures ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ledit jugement dans cette mesure et de condamner la Poste à verser à M. A...la somme de 2 683, 35 euros tous intérêts confondus et la somme de 1 euro symbolique au syndicat Poste Télécom CGT ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

15. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que M. A...et le syndicat Poste Télécom CGT, qui ne sont pas les parties perdantes, soient condamnés à verser à la Poste la somme qu'elle demande ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Poste le paiement d'une somme globale de 1 000 euros qui sera versée à M. A...et au syndicat requérant en application desdites dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1004866 rendu le 13 novembre 2012 par le tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'ont été rejetées les conclusions tendant, d'une part, au paiement d'heures supplémentaires et, d'autre part, au versement de dommages et intérêts du fait du non paiement desdites heures.

Article 2 : La Poste est condamnée à verser à M. A...la somme de 2 683,35 euros

(deux mille six cent quatre-vingt trois euros et trente-cinq centimes) tous intérêts confondus.

Article 3 : La Poste est condamnée à verser au syndicat Poste Télécom CGT la somme de 1 euro (un euro) symbolique.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La Poste versera à M. A...et au syndicat Poste Télécom CGT la somme globale de 1 000 euros (mille euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les conclusions présentées par la Poste en application des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., au syndicat Poste Télécom CGT et à la Poste.

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N° 13MA002815


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA00281
Date de la décision : 10/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Traitement.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Traitement - Retenues sur traitement - Retenues pour fait de grève.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT-DOMINGUEZ
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : CABINET CICCOLINI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-02-10;13ma00281 ?
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