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07/01/2015 | FRANCE | N°14MA02669

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 07 janvier 2015, 14MA02669


Vu, enregistrée le 17 juin 2014, la requête présentée pour M. A...B..., demeurant ... par le cabinet d'avocats Preziosi et Ceccaldi ; M. B...demande à la Cour :

1°) de réformer l'ordonnance n° 1401084 du 2 juin 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille en tant d'une part, qu'il a limité la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme de 58 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir su

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Vu, enregistrée le 17 juin 2014, la requête présentée pour M. A...B..., demeurant ... par le cabinet d'avocats Preziosi et Ceccaldi ; M. B...demande à la Cour :

1°) de réformer l'ordonnance n° 1401084 du 2 juin 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille en tant d'une part, qu'il a limité la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme de 58 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi à raison d'une infection nosocomiale contractée à la suite d'une intervention chirurgicale le 24 mars 2003 à l'hôpital Sainte-Marguerite à Marseille et en tant, d'autre part, qu'il a déduit de ce montant les provisions d'un montant global de 28 500 euros qui lui ont été versées par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser une provision de 100 000 euros à valoir sur l'ensemble des postes de préjudice ;

3°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accident de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2014 :

- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;

- et les observations de Me C... du cabinet Preziosi et Ceccaldi pour M. B... ;

1. Considérant que M. B...a été victime le 14 mars 2003 d'un accident de la circulation, sa motocyclette ayant été percutée par un véhicule non identifié dont le conducteur a pris la fuite ; que cet accident a provoqué une fracture multi fragmentée de l'extrémité supérieure de l'humérus gauche avec luxation de la tête humérale, ischémie du bras gauche et paralysie neurologique périphérique du bras ; que le requérant a fait l'objet le 24 mars 2003 à l'hôpital Sainte-Marguerite à Marseille d'une opération chirurgicale consistant en la pose d'une prothèse d'épaule intermédiaire ; qu'il a présenté à la suite de cette opération une infection nosocomiale par surinfection du foyer opératoire, qui a nécessité une nouvelle opération le 11 avril 2003 pour nettoyer le foyer infectieux ; que le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) lui a alloué plusieurs provisions d'un montant total de 28 500 euros ; que, saisi à sa demande, le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille a désigné un expert pour décrire les lésions imputables à l'accident de la circulation et celles imputables aux interventions chirurgicales subies par M.B..., qui a rendu son rapport le 15 juin 2012 ; que M. B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille la condamnation de l'ONIAM à lui verser, sur le fondement de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique, une provision d'un montant de 100 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices ; que M. B... demande en appel la réformation de l'ordonnance attaquée en tant d'une part, qu'elle a limité la condamnation de l'ONIAM à lui verser une somme de 58 000 euros à titre de provision et en tant, d'autre part, qu'elle a déduit de ce montant les provisions d'un montant global de 28 500 euros qui lui ont déjà été versées par le FGAO ;

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence de demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. " ; qu'aux termes de l'article R. 541-3 du même code : " L'ordonnance rendue par le président du tribunal administratif ou par son délégué est susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel. " ;

En ce qui concerne le caractère non sérieusement contestable de l'obligation de l'ONIAM :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales. " ;

4. Considérant que l'expert, dans son rapport du 15 juin 2012, affirme que la survenue de l'infection nosocomiale contractée par M. B...à la suite de son intervention chirurgicale a aggravé les conséquences médico-légales de son accident de la circulation ; qu'il a fixé au taux de 28 % son déficit fonctionnel permanent en lien direct avec cette infection ; que, par suite, c'est à bon droit que le juge des référés a estimé que la créance dont se prévaut le requérant à l'encontre de l'ONIAM présente un degré suffisant de certitude et donc, qu'elle a le caractère d'une obligation non sérieusement contestable au sens des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, ce que l'ONIAM ne conteste d'ailleurs pas ;

En ce qui concerne le montant de la provision allouée par le premier juge :

5. Considérant que le requérant demande que le montant de 58 000 euros qui lui a été alloué par le premier juge au titre de ses seuls préjudices personnels en lien exclusif avec l'infection nosocomiale soit porté à 100 000 euros ;

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

6. Considérant, en premier lieu, que, si l'expert indique que M.B..., qui souffre d'un choc post-traumatique depuis l'infection nosocomiale dont il a été victime, aura besoin d'un suivi psychiatrique pour les 5 ans à venir en rapport avec ce processus infectieux, le requérant n'établit pas, ni même n'allègue que ces frais de santé futurs resteraient à sa charge ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que, si l'expert affirme dans son rapport, qu'avant consolidation, le requérant avait besoin de l'assistance d'une tierce personne une heure par jour et qu'après sa consolidation, la nécessité en lien exclusif avec l'infection nosocomiale d'une telle assistance 2 heures par semaine se justifiait pour faire le ménage et les courses, le requérant n'établit pas la réalité de ce préjudice, et notamment qu'il n'a pas perçues des prestations au titre de son handicap de nature à compenser ces frais d'assistance, qui ne peuvent être regardés comme une obligation non sérieusement contestable à la charge de l'ONIAM ;

8. Considérant, en troisième lieu, que l'expert affirme qu'une prothèse de l'épaule sans survenance de l'infection n'aurait pas permis au requérant, agent administratif, de poursuivre son activité professionnelle au service du courrier laquelle nécessitait de manipuler de lourds sacs de lettres et qu'il aurait été nécessaire de le reclasser ou de réaménager son poste comme cela a été le cas au service informatique ; que le préjudice professionnel allégué tiré de ce que le requérant aurait pu travailler à plein temps au lieu d'un mi-temps, comme il l'a fait à compter du 13 octobre 2008, n'est pas suffisamment établi ; que, de la même manière, la perte de chance en termes de promotion professionnelle d'accéder à un poste d'encadrement n'est pas établie ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que le requérant a affirmé lui-même à l'expert ne pas avoir subi de perte de salaire en dehors d'un 13ème mois ; qu'il résulte du mémoire produit devant le juge des référés que la caisse a versé des indemnités journalières au requérant pour la période du 14 mars 2004 au 13 mars 2006 puis du 20 juin 2009 au 13 septembre 2009 et que M. B... perçoit depuis le 14 mars 2006 une pension annuelle d'invalidité ; que, par suite, la perte de revenus alléguée pour la période du 14 mars 2004 au 12 octobre 2008 et du 17 juin 2009 au 13 octobre 2009 n'est pas établie ;

10. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que les frais de déplacement allégués par le requérant ne sont accompagnés d'aucune précision permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé ;

11. Considérant que c'est ainsi à bon droit que le juge des référés a rejeté le versement d'une provision en réparation des préjudices patrimoniaux allégués par M. B...;

S'agissant des préjudices personnels :

12. Considérant que l'expert a fixé la date de consolidation au 21 octobre 2009, date de la dernière consultation avec le Professeur Legré, à partir de laquelle il n'y a plus eu de projet thérapeutique ; que M. B...souffre à ce jour d'une épaule totalement raide et douloureuse, associée à une raideur partielle du coude et de troubles psychologiques ;

13. Considérant que l'expert a fixé le déficit fonctionnel permanent du requérant en lien exclusif avec l'infection nosocomiale à 28 % ; qu'il a estimé son déficit fonctionnel temporaire total du 11 au 23 avril 2003, du 15 au 22 novembre 2004, du 6 au 16 mars 2006, du 16 au 30 mars 2006, du 5 au 17 mars 2008 , du 17 au 27 mars 2008 et du 25 au 29 juin 2009 ; qu'il a chiffré son déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % du 11 avril 2003 au 20 octobre 2009, en dehors des périodes d'hospitalisation susmentionnées ; que les souffrances endurées ont été fixées à 2,5/7 du seul fait de l'infection litigieuse ; que son préjudice esthétique permanent a été estimé à 3,5/7 par l'homme de l'art ; que son préjudice d'agrément est établi par l'impossibilité de pratiquer désormais les sports que le requérant affectionnait, du fait de son bras ballant ; que, dans les circonstances de l'espèce, le premier juge n'a pas fait une estimation insuffisante des préjudices personnels subis par M. B...en lui allouant à ce titre une provision de 58 000 euros ;

En ce qui concerne la déduction des provisions déjà allouées par le FGAO :

14. Considérant que le requérant soutient que c'est à tort que le premier juge a déduit les provisions d'un montant total de 28 500 euros qui lui ont déjà été versées par le fonds au titre de son accident de la circulation, dès lors que, selon lui, ces provisions ne doivent pas être prises en compte dans l'évaluation distincte par l'expert, de l'indemnisation des conséquences de l'infection nosocomiale litigieuse ;

15. Considérant que l'article L. 421-1 du code des assurances dispose en son III : " Lorsque le fonds de garantie intervient au titre des I et II, il paie les indemnités allouées aux victimes ou à leurs ayants droit qui ne peuvent être prises en charge à aucun autre titre lorsque l'accident ouvre droit à réparation. Les versements effectués au profit des victimes ou de leurs ayants droit et qui ne peuvent pas donner lieu à une action récursoire contre le responsable des dommages ne sont pas considérés comme une indemnisation à un autre titre. " ; que le fonds intervient à titre subsidiaire, lorsqu'aucune prise en charge n'est possible à aucun autre titre ; que les sommes versées par le fonds à raison d'un dommage dans lequel est impliqué un véhicule et causé par un auteur non identifié doivent être regardées comme versées sur ce fondement ;

16. Considérant que le rapport de l'expert permet de distinguer les préjudices directement et exclusivement imputables à l'accident de la circulation, à savoir un déficit fonctionnel permanent de 13 % , un déficit fonctionnel temporaire total de 3 semaines, puis 3 mois à 50 % et 9 mois à 25 % , des souffrances de 3,5 sur 7, un préjudice esthétique de 0,5/7, 4 mois de tierce personne à raison d'une heure par jour, des pertes de revenus la première année et un préjudice d'agrément du fait de la privation de la pratique de la motocyclette ; que la somme de 28 500 euros versée à la victime par le fonds correspond à la réparation de ces préjudices résultant exclusivement de l'accident initial de M.B... ; que, par suite, c'est à tort que le premier juge a déduit cette somme de la provision due au requérant au titre de l'infection nosocomiale qu'il a contractée ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés a déduit de la provision que l'ONIAM a été condamnée à lui verser la somme de 28 500 euros qui lui avait déjà été versée par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'ONIAM à verser la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que l'ONIAM a été condamné à verser à titre de provision à M. B...par l'article 1er de l'ordonnance du 2 juin 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est portée à 58 000 euros.

Article 2 : L'ONIAM versera la somme de 2 000 euros à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

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N° 14MA026695

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA02669
Date de la décision : 07/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-04-02 Procédure. Instruction. Moyens d'investigation.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : PREZIOSI et CECCALDI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-01-07;14ma02669 ?
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