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30/12/2014 | FRANCE | N°12MA04612

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 30 décembre 2014, 12MA04612


Vu la requête enregistrée par télécopie le 3 décembre 2012 et régularisée le 4 décembre suivant, présentée pour la métropole Nice - Côte-d'Azur, dont le siège social est sis 405, Promenade des Anglais à Nice (06200), représentée par son président en exercice, domicilié... ; la métropole Nice - Côte d'Azur demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903526 du 2 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice l'a condamnée à verser à M. A...B..., la somme de 75 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2009 et de

la capitalisation des intérêts à la date du 30 avril 2012, en réparation des préju...

Vu la requête enregistrée par télécopie le 3 décembre 2012 et régularisée le 4 décembre suivant, présentée pour la métropole Nice - Côte-d'Azur, dont le siège social est sis 405, Promenade des Anglais à Nice (06200), représentée par son président en exercice, domicilié... ; la métropole Nice - Côte d'Azur demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903526 du 2 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice l'a condamnée à verser à M. A...B..., la somme de 75 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2009 et de la capitalisation des intérêts à la date du 30 avril 2012, en réparation des préjudices subis en raison de la mise en service en 2007 du tronçon " Fabron-Saint-Augustin " de l'autoroute urbaine sud (AUS) de Nice ;

2°) de rejeter la demande de M. B...devant le tribunal administratif de Nice ;

3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2014 :

- le rapport de M. Firmin, rapporteur ;

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;

- et les observations de Me C...pour la métropole Nice - Côte-d'Azur ;

1. Considérant que la métropole Nice - Côte-d'Azur interjette appel du jugement n° 0903526 du 2 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice l'a condamnée à verser à M. A...B..., la somme de 75 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2009 et de la capitalisation des intérêts à la date du 30 avril 2012, en réparation des préjudices subis en raison de la mise en service en 2007 du tronçon " Fabron-Saint-Augustin " de l'autoroute urbaine sud (AUS) de Nice ; que M. A...B...conclut au rejet de la requête pour irrecevabilité et à la confirmation du jugement ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " ;

3. Considérant que la métropole Nice - Côte-d'Azur a déposé, dans le délai de recours, une requête qui ne constitue pas la seule reproduction littérale de son mémoire de première instance et énonce de manière précise les critiques adressées à la décision dont elle demande l'annulation ; qu'une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 précité du code de justice administrative ;

Sur la responsabilité :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le projet de la voie Pierre Mathis, autrefois dénommée autoroute urbaine sud (AUS), laquelle a pour objet de pénétrer dans le centre ville, desservir les quartiers traversés et écouler une partie du trafic de transit, figure au plan d'urbanisme directeur de la commune de Nice, adopté le 29 octobre 1955, publié le 8 juin 1960 et déclaré d'utilité publique par décret du 27 novembre 1962 ; qu'à son extrémité est, cette voie dessert le port et les quartiers est de la ville et permet de rejoindre d'autres voies de liaison vers l'autoroute A 8, l'est du département et l'Italie ; que, vers l'ouest, elle dessert les quartiers de Magnan, Fabron, Les Bosquets et Saint-Augustin ; que les automobilistes ont pu circuler dans les deux sens sur la chaussée sud sans interruption de Saint-Augustin au Paillon à partir du 25 février 1986, date de l'inauguration de l'échangeur Saint-Lambert ; que les prolongements de la chaussée nord sur les tronçons " Magnan - Fabron " et " Fabron - Saint-Augustin " ont respectivement été déclarés d'utilité publique les 14 octobre 1994 et 14 mars 2003 et inaugurés en 1999 et 2007 ;

5. Considérant que la section de voie routière, dont la réalisation était critiquée devant les premiers juges par M.B..., constitue un ouvrage public à l'égard duquel celui-ci a la qualité de tiers ; que la responsabilité de la métropole Nice - Côte-d'Azur n'est susceptible d'être engagée à son égard qu'à la condition que soient établis l'existence d'un préjudice anormal et spécial ainsi qu'un lien de causalité direct entre le dommage allégué et l'ouvrage public à l'existence ou au fonctionnement duquel le dommage est attribué ; que les personnes mises en cause doivent alors, pour dégager leur responsabilité, établir que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure, sans que puisse utilement être invoqué le fait du tiers ;

6. Considérant qu'il résulte du rapport de l'expertise judiciaire déposée le 7 avril 2009 au greffe du tribunal administratif de Nice que la villa de M. B...est située à proximité immédiate de l'ouvrage public constitué par la chaussée nord de l'autoroute urbaine sud de Nice et subit des pollutions olfactives et atmosphériques résultant de la circulation des véhicules empruntant cette voie ; que toutes les pièces du rez-de-chaussée de cette villa, ainsi que trois de ses chambres, deux salons et la terrasse ont une vue directe sur cet ouvrage ; que l'expert relève que le bien de M. B...est très pénalisé et subit des nuisances dont le niveau est évalué à 5 sur une échelle de 1 à 5 ; qu'il a également constaté qu'un grand mur antibruit provoque, par réverbération, une élévation de la température et supprime toute vue sur les lieux avoisinants ; que, bien que l'habitation soit située dans une zone déjà urbanisée, ces nuisances, prises dans leur ensemble, excèdent par leur importance la gêne que doivent normalement supporter, dans l'intérêt général, les riverains d'une voie publique et revêtent donc le caractère d'un préjudice anormal, lequel, subi par M. B...en sa qualité de riverain de la voie urbaine litigieuse lui est propre et présente ainsi le caractère de spécialité exigé pour ouvrir droit à réparation à l'intéressé ;

Sur le préjudice :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B...a acquis en plusieurs fois la pleine propriété d'une parcelle de terrain cadastrée section NV, sous le n° 226, d'une contenance initiale de 581 m², supportant une construction à usage d'habitation dénommée " La Régina ", située 16 avenue Robert Latouche ; que c'est ainsi que le 21 avril 1972 les parents de M. B...ont acquis par héritage cet immeuble lequel a été transmis pour moitié à M. B...par acte de donation du 27 juin 1977 ; que, par acte authentique du 23 juillet 1999, il en a ensuite acquis auprès de tiers l'autre moitié, constituée par un appartement situé au premier étage de la villa ; qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier, et qu'il n'est d'ailleurs pas soutenu, qu'alors que le projet de création de la chaussée nord de l'autoroute urbaine sud de Nice était déjà déterminé et figurait sur les documents d'urbanisme, l'acte du 27 juin 1977 aurait mentionné que la propriété serait contiguë à la chaussée litigieuse ; qu'il ne peut donc, pour cette partie de sa propriété être opposé à M. B...le fait qu'il se serait délibérément exposé à un risque dont les conséquences dommageables se seraient matérialisées ; qu'en revanche l'acte du 23 juillet 1999 mentionne, en ses pages 9 et 10, que la propriété est située dans une zone où pour les constructions, il est fait application de la réglementation sur l'isolement acoustique contre les bruits engendrés par une voie bruyante de type 1 et précise que le terrain est intéressé par le nouveau tracé prévu à 8 mètres de la rue Robert Latouche, la contre voie prévue à 11,50 mètres parallèle à la voie rapide, la largeur future de la petite voie bordant cette propriété à l'ouest se réalisant par une emprise de 1,50 mètre de profondeur le long de cette voie, ces opérations figurant sur la liste des emplacements réservés du plan d'occupation des sols de Nice ; que le même acte comporte, en annexe, une note de renseignements d'urbanisme du 14 janvier 1999 qui comporte les mêmes indications et sur laquelle M. B...a porté, le 31 mai 1999,

la mention " Je déclare avoir parfaite connaissance de l'alignement prévu " ; qu'enfin, le 30 juillet 1999, le juge de l'expropriation prononçait à l'encontre de M. B...deux ordonnances d'expropriation portant sur une partie de sa propriété en vue de la création de l'autoroute urbaine sud, voie nord ; qu'ainsi, s'agissant de cette dernière acquisition qui correspond à la moitié de la valeur du bien, M. B...avait connaissance du projet de création de la chaussée nord de l'autoroute urbaine sud ; qu'il n'a pu, toutefois, prévoir la construction d'un mur antibruit d'une hauteur de 8,50 mètres implanté au droit de sa propriété au vu des seuls renseignements d'urbanisme dont faisait état l'acte du 23 juillet 1999 ;

8. Considérant que la perte de valeur vénale de la totalité du bien, évaluée par l'expert à un montant de 60 000 euros, est établie à partir d'un prix moyen au mètre carré tel qu'il aurait pu être en l'absence de la chaussée nord de l'autoroute, reconstitué par l'expert à partir des ventes effectuées et de la comparaison de l'évolution du prix du marché immobilier à proximité immédiate de l'autoroute urbaine, d'une part, et de l'évolution globale et particulière des prix en milieu urbain de la commune de Nice, d'autre part ; que la double circonstance que la métropole Nice - Côte-d'Azur aurait mis en oeuvre des mesures de nature à réduire les nuisances sonores et que le bien aurait présenté un aspect vétuste ne saurait remettre en cause l'appréciation de l'expert de la perte de valeur vénale évaluée à partir de la méthode sus indiquée alors que celui-ci indique en outre, page 11 de son rapport, que " la contribution apportée par la seule voie nord n'a en fait que très peu modifié l'ambiance sonore préexistante : l'élévation de niveau sonore est quasi négligeable pour les façades exposées des riverains situés au sud de l'AUS et reste comprise entre + 0,5 et + 1 dB (A) pour pratiquement l'ensemble des bâtiments riverains côté nord " et page 188 dudit rapport que la perte de valeur vénale des immeubles concernés a été calculée compte tenu, notamment, des troubles visuels, sonores et olfactifs susceptibles d'avoir été engendrés par la proximité de l'ouvrage routier en cause et de la situation qui prévalait antérieurement aux travaux, ainsi qu'à la mise en service de ce tronçon routier ; que la métropole Nice - Côte-d'Azur ne conteste pas utilement l'évaluation de l'expert ; que si M.B..., lequel ne conteste pas la perte de valeur vénale de son bien telle que définie par l'expert, fait valoir qu'il subit également un préjudice de jouissance résultant de la perte de vue et d'ensoleillement et de nuisances sonores, il résulte des termes mêmes du rapport d'expertise que la perte de valeur vénale des immeubles concernés a été calculée compte tenu, notamment, des troubles visuels, sonores et olfactifs susceptibles d'avoir été engendrés par la proximité de l'ouvrage routier en cause et de la situation qui prévalait antérieurement aux travaux, ainsi qu'à la mise en service de ce tronçon routier ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 7 ci-dessus que M. B...à droit à la réparation intégrale de la perte de valeur vénale subie pour la moitié de son bien immobilier et d'une fraction de la perte de valeur vénale subie pour l'autre moitié compte tenu de sa connaissance partielle du risque qu'il encourait en l'acquérant ; qu'il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant au tiers de cette deuxième moitié du bien ; qu'il en résulte une indemnisation à hauteur de 50 % et 16,5 % de la perte de valeur vénale totale, arrondie au deux tiers de cette perte de valeur vénale, laquelle a été évaluée à 60 000 euros par l'expert ; que les travaux de climatisation préconisés par l'expert sont de nature à minorer certains facteurs de la dépréciation subie à une hauteur dont il sera fait une juste appréciation en la fixant à 10 % ; que, par application de cette formule, M. B...à le droit de se voir allouer, au titre de la perte de valeur vénale de son immeuble, la somme de 36 000 euros ; que, par application de la même formule de réfaction, M. B...a également droit à la somme de 2 666 euros au titre des travaux de climatisation/vitrage admis par l'expert ; qu'il sera fait une juste appréciation dans les troubles de toutes natures dans les conditions d'existence subis par M. B...en lui allouant à ce titre la somme de 5 000 euros, sans qu'il soit procédé à minoration dès lors que l'intéressé occupe les lieux, à tout le moins depuis 1977 et ne peut ainsi se voir opposer, en cette qualité, la connaissance de la nature exacte du projet de voie ;

10. Considérant que M. B...a donc droit à une indemnisation totale de 43 666 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2009, les intérêts échus à la date du 30 avril 2012, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts ; qu'il y a donc lieu de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a de contraire ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que M.B..., partie perdante dans la présente instance, ne peut prétendre au versement d'une quelconque somme en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions que présente sur le même fondement la métropole Nice - Côte-d'Azur ;

DECIDE :

Article 1er : La somme en principal que la métropole Nice - Côte-d'Azur est condamnée à payer à M. B...est ramenée à 43 666 euros (quarante trois mille six cent soixante six euros), avec intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2009, les intérêts échus à la date du 30 avril 2012, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts

Article 2 : Les conclusions de M. B...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le surplus des conclusions de la métropole Nice - Côte-d'Azur sont rejetés.

Article 3 : Le jugement n° 0903526 du 2 octobre 2012 du tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et à la métropole Nice - Côte-d'Azur.

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N° 12MA04612


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