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04/12/2014 | FRANCE | N°13MA01186

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 04 décembre 2014, 13MA01186


Vu la requête, enregistrée le 22 mars 2013, présentée pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est Tour Gallieni 2, 36 avenue Charles de Gaulle à Bagnolet Cedex (93175), pris en la personne de son directeur, par Mes Saumon et Roquelle-Meyer, de la SCP Vatier et associés ; l'ONIAM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002836 du 22 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier, sur requête de Mme B...A..., l'a condamné à lui verser la somme d

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Vu la requête, enregistrée le 22 mars 2013, présentée pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est Tour Gallieni 2, 36 avenue Charles de Gaulle à Bagnolet Cedex (93175), pris en la personne de son directeur, par Mes Saumon et Roquelle-Meyer, de la SCP Vatier et associés ; l'ONIAM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002836 du 22 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier, sur requête de Mme B...A..., l'a condamné à lui verser la somme de 261 811,60 euros en réparation de l'accident médical dont elle a été victime et de désigner un expert, avec pour mission de se prononcer sur " le lien de causalité direct et certain à l'origine du dommage " et de se faire communiquer le dossier médical pour examen contradictoire ;

2°) subsidiairement d'annuler le jugement et d'ordonner sa mise hors de cause ;

3°) subsidiairement de ramener les indemnisations allouées à de plus justes proportions ;

................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2014 :

- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

1. Considérant que Mme A...qui souffrait d'un syndrome dystonique et dyskinétique généralisé consécutif à une hydrocéphalie post anoxique a subi, à l'automne 2004, à l'âge de 19 ans, au centre hospitalier universitaire de Montpellier, une intervention de chirurgie cérébrale profonde visant à remédier à cette dystonie par la stimulation électrique du " globus pallidus " ; qu'après la mise en place, le 22 septembre 2004, d'électrodes de stimulation, une nouvelle intervention, le 28 septembre 2004 a consisté en la mise en place d'un générateur de stimulation sous cutané ; qu'à cette occasion il a été procédé à l'enlèvement d'une dérivation ventriculo-péritonéale posée alors qu'elle avait trois mois et qui n'était, de l'avis du corps médical, plus opérationnelle ; que les suites opératoires, mauvaises, ont été caractérisées par des céphalées, des vomissements, une somnolence et une recrudescence des crises d'épilepsie partielle ; que deux nouvelles interventions ont été réalisées, en vue, le 21 octobre 2004, de la pose d'une nouvelle sonde de dérivation ventriculo-péritonéale réglable puis, le 1er novembre 2004, de la révision de cette dérivation ; que l'état de Mme A...ne s'est amélioré que très progressivement ; que, surtout, elle s'est plainte dès le 6 octobre d'une chute de son acuité visuelle ; qu'elle n'a jamais retrouvé la vue et est désormais atteinte de cécité, cette situation ayant entraîné une régression psychomotrice majeure ; qu'après avoir obtenu la désignation d'un expert devant le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier et obtenu que les opérations d'expertise soient étendues à l'ONIAM, elle a, au vu du rapport rédigé par l'expert, introduit une requête pour obtenir de cet établissement une indemnisation des préjudices liés à sa cécité ; que, par jugement du 22 janvier 2013, dont l'ONIAM relève appel, le tribunal a partiellement fait droit à sa requête et a mis à la charge de l'ONIAM une somme de 261 811,60 euros ; que Mme A...présente des conclusions incidentes tendant à obtenir une réparation plus complète de ses préjudices ;

Sur les conclusions principales de l'ONIAM tendant à la réalisation d'une nouvelle expertise :

2. Considérant qu'il incombe au juge, saisi d'une demande d'expertise dans le cadre d'une action en responsabilité du fait des conséquences dommageables d'un acte médical, de statuer au vu des pièces du dossier, notamment au vu des rapports d'expertises déjà présentes au dossier lorsqu'elles existent, et au regard des motifs de droit et de fait qui justifient, selon la demande, la mesure sollicitée, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation ; qu'il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile ;

3. Considérant qu'en l'espèce, pour demander qu'une nouvelle expertise soit réalisée, l'ONIAM fait principalement valoir que, bien qu'ayant été convoqué à un accedit par l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, il n'a pas eu accès au dossier médical de Mme A...et n'a pas été mis en mesure de critiquer utilement les conclusions de l'expert ;

4. Considérant toutefois que la Cour dispose au dossier d'une expertise précise et fouillée, rédigée après que l'ensemble des parties aient été mises à même de s'exprimer au cours d'un accedit et après rédaction d'un pré-rapport ; que cette expertise évoque de façon détaillée les différentes hypothèses possibles pour déterminer l'origine de la cécité dont est atteinte Mme A... ; que si l'ONIAM n'a pas été rendu destinataire du volumineux dossier médical complet de MmeA..., il a néanmoins pu développer une contestation circonstanciée et nourrie de ce rapport et des conclusions de l'expert ; qu'au vu de l'ensemble des éléments du dossier et compte tenu des critiques développées par l'ONIAM, il n'apparaît pas qu'une nouvelle expertise soit utile pour la solution du litige, alors même que cet établissement n'a pas été mis à même d'examiner chacune des pièces du dossier médical de MmeA... ;

Sur les conclusions subsidiaires :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, (...) mentionné au I (...) n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène (...) ouvre droit à la réparation des préjudices du patient (...) au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte de la rédaction de ces dispositions que, pour ouvrir droit à une réparation au titre de la solidarité nationale, les préjudices subis par la victime d'un accident médical doivent être reliés de façon incontestable et démontrée par une relation de cause à effet à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins ; qu'un acte de soins ne saurait ouvrir droit à une telle réparation que s'il est la cause immédiate du dommage et non s'il est seulement son occasion ;

7. Considérant que, pour faire application des dispositions précitées en faveur de Mme A..., les premiers juges, qui ont relevé que l'étiologie de cette cécité n'avait pu être déterminée avec précision ni par l'équipe médicale ni par l'expert et que l'hypothèse d'une nouvelle hydrocéphalie devait être écartée, ont indiqué que " la survenue de cette cécité au décours de l'intervention neurochirurgicale du 28 septembre 2004 conduit, en l'absence précédemment rappelée de tout antécédent et de toute prédisposition, à retenir l'existence d'un accident médical imputable à cette intervention " ; que les premiers juges ont, ce faisant, posé une présomption de causalité entre l'intervention du 28 septembre 2004 et la cécité de Mme A..., subordonnée à l'absence de prédisposition de l'intéressée et à la concomitance dans le temps des deux événements ; que l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé remplies les conditions de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale de la cécité dont souffre Mme A...alors que l'existence d'un lien de causalité entre l'acte de soins et la cécité n'était pas effectivement démontrée ;

8. Considérant que la cause de la cécité de Mme A...demeure inexpliquée, l'ensemble des hypothèses explicatives envisagées par l'expert ne pouvant être retenue, ce dernier point n'étant pas contesté par MmeA... ; qu'en effet si l'expert qui, dans le corps de son rapport avait simplement relevé que cette cécité était " en rapport " avec les interventions réalisées, a conclu son travail en indiquant, après avoir éliminé toutes les explications successivement envisagées, que cette cécité était nécessairement imputable à l'intervention du 28 septembre, il résulte de l'emploi-même de ce terme qu'il a déduit cette imputabilité de l'impossibilité dans laquelle il se trouvait d'identifier les causes du dommage ; qu'ainsi la simple circonstance que le handicap dont souffre Mme A...soit apparu postérieurement à l'une des interventions qu'elle a subies au centre hospitalier universitaire de Montpellier ne saurait, malgré les conclusions de l'expert, permettre de regarder cette cécité comme directement imputable à l'un des actes de soins qui lui ont alors été prodigués ; qu'il en résulte que Mme A...n'est pas fondée à prétendre au bénéfice d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale sur le fondement des dispositions précitées ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à la demande de MmeA... ; que, dans les circonstances particulières de cette douloureuse affaire, il y a lieu de laisser les dépens, dont la charge a été dévolue par les premiers juges à l'ONIAM, à la charge de cet établissement ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de ces dispositions alors même que l'ONIAM est la partie tenue aux dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 janvier 2013 est annulé.

Article 2 : La demande et les conclusions d'appel de Mme A...sont rejetées.

Article 3 : Les frais d'expertise sont laissés à la charge de l'ONIAM.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et à Mme B...A....

Copie en sera adressée au centre hospitalier de Montpellier et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.

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N° 13MA01186


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA01186
Date de la décision : 04/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : VATIER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-12-04;13ma01186 ?
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