Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2012, présentée pour Mme B...C..., demeurant..., par Me A... ;
Mme C... demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 1200119 du 18 octobre 2012 du tribunal administratif de Bastia par lequel, après avoir, par son article 1er, solidairement condamné la commune d'Ajaccio ainsi que les sociétés Raffalli et Sogreah à lui verser la somme de 10 976,81 euros et, par son article 2, mis à leur charge solidaire la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la condamnation solidaire de la commune d'Ajaccio ainsi que des sociétés Raffalli et Sogreah à lui payer la somme de 35 936,91 euros en réparation des préjudices subis suite au dégât des eaux dont son appartement a été affecté ;
2°) de les condamner solidairement à lui verser une somme de 36 480 euros, à parfaire moyennant le versement d'une somme mensuelle de 480 euros, les condamnations portant intérêts à compter du 4 février 2012 ;
3°) subsidiairement de condamner l'entreprise Raffalli à hauteur de 25 % et la société Sogreah à hauteur de 75 %, en proportion de leur responsabilité respective ;
4°) de mettre à leur charge solidaire une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.......................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2014 :
- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;
1. Considérant que, par jugement du 18 octobre 2012, le tribunal administratif de Bastia a solidairement condamné la commune d'Ajaccio, la société Raffalli et la société Sogreah à verser à Mme C...la somme de 10 976,81 euros en réparation des conséquences dommageables d'infiltrations affectant un appartement situé au 3 rue San Lazaro, à Ajaccio ; que MmeC..., estimant cette indemnisation insuffisante relève appel de ce jugement ; que tant la SAS RC que la commune d'Ajaccio ont présenté des conclusions incidentes tendant à la remise en cause des condamnations prononcées ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune d'Ajaccio :
2. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, la requête de Mme C...expose suffisamment les raisons qui la conduisent à demander la réformation du jugement ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences du code de justice administrative ; que la fin de non-recevoir opposée sur ce point par la commune doit être écartée ;
Sur la recevabilité des conclusions de première instance :
3. Considérant que, pour justifier de sa qualité de propriétaire de l'appartement sinistré, Mme C...a versé aux débats un acte notarié établi le 19 juillet 2007 ; que cet acte indique que son fils lui a fait donation d'un appartement correspondant au lot numéro 2 des " parties divises et indivises d'un immeuble sis à Ajaccio (20000), 3 rue Michel Bozzi, figurant au cadastre de ladite commune sous les références : section BW, numéro 226 " ; qu'il résulte de l'instruction que les références cadastrales portées sur cet acte ne correspondent pas à la rue Michel Bozzi mais à la rue San Lazaro ; que Mme C... a également produit une attestation émanant du notaire ayant établi cet acte et qui précise, en reprenant les mêmes références cadastrales, que cette donation a porté sur un immeuble situé au 3 rue San Lazaro " anciennement 3 rue Michel Bozzi " ; qu'elle démontre également que les mentions portées sur le relevé de propriété cadastral correspondant à cette parcelle, qui indiquent le " 3 rue Michel Bozzi ", ne correspondent pas au plan cadastral qui situe l'immeuble en cause au 3 rue San Lazaro ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que, malgré l'ambiguïté résultant des mentions de l'acte notarié du 19 juillet 2007, Mme C... justifie suffisamment qu'elle est propriétaire d'un appartement situé au 3 rue San Lazaro à Ajaccio ; que les parties intimées ne sont, par suite, pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme C... ;
Sur la responsabilité :
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport rédigé par l'expert désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Bastia que les infiltrations en cause sont consécutives à l'obturation de l'exutoire d'un drain qui récupérait les eaux provenant d'une propriété en amont ; que cette absence d'exutoire a donné lieu à un apport d'eau de 4 320 litres par jour qui se sont répandus dans la sous-couche de la chaussée et sont réapparus dans l'appartement de MmeC... ; que cette obturation est survenue à l'occasion de l'opération de travaux publics d'aménagement du quartier " octroi tribunal ", exécutée pour le compte de la commune d'Ajaccio par l'entreprise Raffalli aux droits de laquelle vient la SAS RC et sous maîtrise d'oeuvre de la société Sogreah ;
5. Considérant qu'en cas de dommage accidentel causé à des tiers par un ouvrage public, la victime peut en demander réparation, même en l'absence de faute, aussi bien au maître de l'ouvrage, au maître de l'ouvrage délégué, à l'entrepreneur qu'au maître d'oeuvre ; qu'elle est en droit de rechercher la responsabilité solidaire de ces différents intervenants ; qu'il en résulte que la commune d'Ajaccio qui, en tant que maître d'ouvrage, doit répondre solidairement des conséquences dommageables des travaux dès lors que sa responsabilité solidaire a été recherchée, ne peut se prévaloir utilement des mentions du rapport d'expertise relatives à la répartition des responsabilités entre l'entrepreneur et le maître d'oeuvre ; que la commune, qui n'a pas présenté de conclusions d'appel en garantie, ne saurait utilement invoquer le fait du tiers ou d'autres responsables ; que, pour les mêmes motifs, la SAS RC, qui n'a pas davantage présenté de conclusions en garantie et doit répondre solidairement de l'ensemble des dommages, ne peut utilement se prévaloir de la répartition des responsabilités proposée par l'expert ou des manquements supposés de la commune d'Ajaccio ;
6. Considérant enfin que, contrairement à ce que soutient la commune d'Ajaccio, l'atteinte à la propriété immobilière de Mme C...présente, par sa nature-même, le caractère d'anormalité requis pour lui ouvrir droit à réparation en vertu du régime de responsabilité sans faute dont bénéficient les victimes d'un dommage de travaux publics ; qu'en l'espèce, le lien de causalité entre l'opération de travaux publics en cause et les désordres étant établi, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les parties intimées devaient répondre, même sans faute, des préjudices subis par MmeC..., qui a par rapport à ces travaux, la qualité de tiers ;
Sur les préjudices :
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de la lecture du rapport d'expertise que le phénomène de champignonnage général des murs et des plafonds a affecté l'ensemble des pièces habitables de l'appartement et est lié aux infiltrations dont doivent répondre les parties intimées ; qu'il n'y a donc pas lieu de limiter la réparation des désordres aux seules pièces qui donnent sur la rue ; que l'expert n'a pas relevé que les conditions de ventilation de l'appartement auraient contribué aux désordres consécutifs aux infiltrations ; qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte lesdites conditions pour évaluer les préjudices subis par la propriétaire ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'évaluation des travaux de remise en état de l'appartement arrêtée par l'expert corresponde à d'autres travaux que ceux qui étaient strictement nécessaires ni que les procédés envisagés pour la remise en état ne soient les moins onéreux possible ; que, dans les circonstances de l'espèce, alors qu'il est indiqué sans être sérieusement contesté que l'appartement en cause était antérieurement occupé par le fils de MmeC..., l'amélioration de l'état de l'appartement ne justifie pas l'application d'un abattement de vétusté compte tenu de l'usage fait du bien ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont arrêté l'indemnisation de ce chef de préjudice à la somme de 10 976,81 euros ;
8. Considérant que Mme C...demande également une indemnisation au titre d'un préjudice qu'elle qualifie de " jouissance " et qu'elle chiffre par référence à un loyer mensuel, qu'elle évalue à la somme de 480 euros ;
9. Considérant toutefois que Mme C...n'a versé aux débats aucun élément démontrant qu'elle tirait un loyer de ce bien antérieurement au sinistre ; qu'elle se borne à produire une attestation établie postérieurement au jugement faisant état d'une candidate à la location ayant visité l'appartement en janvier 2008 et renoncé à le louer à la suite du dégât des eaux, sans s'expliquer sur l'important délai séparant cette visite et la décision de renoncer à cette location nécessairement postérieure aux dégâts dont les premiers constats remontent au mois de juin 2008 ; que ces seules pièces ne permettent pas de tenir comme sérieusement établie la réalité d'une perte de loyer, à supposer que les écritures de Mme C...puissent être regardées comme tendant à la réparation d'un tel chef de préjudice ;
10. Considérant par ailleurs que Mme C...ne prétend pas qu'elle vivait dans l'appartement en cause et n'a pas été affectée dans sa vie quotidienne par l'humidité liée aux infiltrations ;
11. Considérant toutefois que Mme C...fait valoir qu'elle n'a pu exercer la pleine jouissance de son bien faute, d'une part, de pouvoir y vivre en raison des désordres liés à l'opération de travaux publics, d'autre part, de pouvoir le proposer à la location en raison de ces mêmes désordres ; qu'il résulte de l'instruction et notamment des photographies qui figurent dans le rapport d'expertise que l'humidité et le champignonnage affectant l'ensemble des murs et des plafonds faisaient obstacle à ce que l'appartement puisse être proposé à la location et rendaient son occupation très problématique ; que MmeC..., qui a été, de ce fait, privée de l'exercice d'une partie des droits attachés à sa qualité de propriétaire est en droit de prétendre à une réparation à ce titre ; que si elle prétend que cette indemnisation doit courir de la date des désordres à la date de lecture du présent arrêt, elle n'établit pas avoir été dans l'impossibilité absolue de procéder aux réparations nécessaires à la date de dépôt du rapport d'expertise, à laquelle la cause des dommages avait pris fin et leur étendue était connue ; qu'il y a lieu de retenir, pour la réparation de ce préjudice, la période courant du mois de juin 2008 au mois de janvier 2011, date de dépôt du rapport d'expertise, en lui ajoutant une période d'un mois nécessaire aux travaux ; qu'il sera fait une juste appréciation de la réparation qu'il convient d'apporter aux troubles supportés par Mme C...dans l'exercice de ses droits durant cette période en lui allouant à ce titre une somme de 3 000 euros ;
Sur les intérêts :
12. Considérant que Mme C...a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 13 976,81 euros à compter de l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Bastia, soit le 4 février 2012 ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée, dans les limites exposées ci-dessus, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a limité à la somme de 10 976,81 euros la réparation de ses préjudices ; que ni la commune d'Ajaccio ni la SAS RC venant aux droits de la société Raffalli ne sont, pour leur part fondées à demander une réduction des réparations mises à leur charge ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge solidaire des parties intimées la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme C...et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de Mme C...qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que la commune d'Ajaccio, la société Raffalli aux droits de laquelle vient la SAS RC et la société Sogreah ont été condamnées à verser à Mme C...par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Bastia du 18 octobre 2012 est portée à 13 976,81 euros (treize mille neuf cent soixante-seize euros et quatre-vingt-un centimes). Cette somme portera intérêts à compter du 4 février 2012.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La commune d'Ajaccio, la SAS RC venant aux droits de la société Raffalli et la société Sogreah verseront à Mme C...une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de l'ensemble des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., à la commune d'Ajaccio, à la société Sogreah et à la société SAS RC venant aux droits de la société Raffalli.
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N° 12MA04648