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16/10/2014 | FRANCE | N°14MA00823

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 16 octobre 2014, 14MA00823


Vu le recours, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 19 février 2014, sous le n° 14MA00823, présenté par le ministre de l'intérieur ;

Le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400726 du 4 février 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé la décision en date du 31 janvier 2014 par lequel il a refusé l'admission sur le territoire français de M. B...A...au titre de l'asile et a fixé son réacheminement vers la Guinée ;

2°) de r

ejeter la demande présentée par M. B...A...devant le tribunal administratif ;

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Vu le recours, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 19 février 2014, sous le n° 14MA00823, présenté par le ministre de l'intérieur ;

Le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400726 du 4 février 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé la décision en date du 31 janvier 2014 par lequel il a refusé l'admission sur le territoire français de M. B...A...au titre de l'asile et a fixé son réacheminement vers la Guinée ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...A...devant le tribunal administratif ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;

Vu la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New York le 10 décembre 1984 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2014 le rapport de Mme Pena, rapporteure ;

1. Considérant que par décision du 31 janvier 2014, prise au vu de l'avis rendu le même jour par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le ministre de l'intérieur a rejeté la demande d'entrée en France au titre de l'asile formée par M.A..., ressortissant guinéen né le 6 mars 1984, et a prescrit son réacheminement vers le Sénégal, pays d'où provenait l'intéressé, ou vers tout pays où il serait légalement admissible ; que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 4 février 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision au motif qu'elle était intervenue au terme d'une procédure irrégulière ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d'asile, il est informé sans délai, dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, de la procédure de demande d'asile, de ses droits et obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l'aider à présenter sa demande. La décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui procède à l'audition de l'étranger (...) Cette audition fait l'objet d'un rapport écrit qui comprend les informations relatives à l'identité de l'étranger et celle de sa famille, les lieux et pays traversés ou dans lesquels il a séjourné, sa ou ses nationalités, le cas échéant ses pays de résidence et ses demandes d'asile antérieures, ses documents d'identité et titres de voyage ainsi que les raisons justifiant la demande de protection internationale " ; qu'aux termes de l'article R. 213-3 dudit code : " L'autorité administrative compétente pour prendre la décision mentionnée à l'article R. 231-2 de refuser l'entrée en France à un étranger demandant à bénéficier du droit d'asile est le ministre chargé de l'immigration. / L'étranger est informé du caractère positif ou négatif de cette décision dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. Lorsqu'il s'agit d'une décision de refus d'entrée en France, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides transmet sous pli fermé à l'étranger une copie du rapport prévu au quatrième alinéa de l'article R. 213-2. Cette transmission est faite en même temps que la remise de la décision du ministre chargé de l'immigration ou, à défaut, dans des délais compatibles avec l'exercice effectif par l'étranger de son droit au recours " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger " ;

3. Considérant que, pour annuler la décision litigieuse, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a considéré qu'il n'était pas établi par les pièces versées au dossier que M. A...avait eu une bonne connaissance de la décision notifiée en langue française dès lors que le recours à un interprète en langue anglaise pour ce faire constituait la manifestation d'une doute de l'administration sur la faculté de compréhension de l'intéressé au cours de cette procédure et qu'il n'était pas davantage établi qu'il comprenait la langue anglaise ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que tant ses déclarations sur les motifs de sa venue en France que les renseignements apportés sur son itinéraire, son lieu de résidence, sa formation, sa profession et sa religion établissent la bonne compréhension de la langue française par l'intéressé ; qu'il résulte également du procès-verbal de notification des droits et obligations du demandeur d'asile, au demeurant signé par l'intéressé, qu'il a déclaré solliciter l'asile politique aux autorités françaises en " s'exprimant en langue française " ; qu'il a en outre présenté lui-même des observations au cours de l'audience devant le tribunal administratif ; que par suite, la double notification en langues française et anglaise de la décision attaquée ne témoigne en rien, comme cela est allégué, d'un doute de l'administration sur la compréhension du français mais relève d'une formalité inutile ; que la durée relativement brève de l'entretien de M. A...avec l'agent de l'OFPRA trouve ainsi sa justification dans les déclarations de l'intéressé très éloignées des problématiques d'asile politique ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. A... a effectivement reçu notification de la décision ministérielle attaquée dans une langue qu'il comprend ; qu'en outre, les conditions dans lesquelles intervient la notification d'un acte administratif sont sans incidence sur sa légalité ; que c'est par suite à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a retenu le moyen tiré du vice de procédure pour annuler l'arrêté litigieux ;

4. Considérant qu'il y a lieu de statuer par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur les moyens invoqués par M. A...devant le tribunal administratif de Marseille et devant la Cour ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui, soit n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu dans une zone d'attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international figurant sur une liste définie par voie réglementaire, dans un port ou à proximité du lieu de débarquement, ou dans un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s'il est demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée " ; qu'aux termes de l'article L. 213-9 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile peut, dans les quarante-huit heures suivant la notification de cette décision, en demander l'annulation, par requête motivée, au président du tribunal administratif " ; qu'en vertu des dispositions, citées au point 2, des articles R. 213-2 et R. 213-3 du même code, la décision visée à l'article L. 213-9 précité est prise par le ministre chargé de l'immigration, après consultation de l'OFPRA, qui procède à l'audition de l'étranger ;

6. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le ministre chargé de l'immigration peut rejeter la demande d'asile présentée par un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque ses déclarations, et les documents qu'il produit à leur appui, du fait notamment de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l'intéressé au titre de l'article 1er A. (2) de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 722-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tous les membres du personnel de l'office sont tenus au secret professionnel en ce qui concerne les renseignements qu'ils auront reçus dans l'exercice de leurs fonctions " ; que si la confidentialité des éléments détenus par l'OFPRA et relatifs à la personne sollicitant l'asile en France constitue une garantie essentielle du droit d'asile, qui implique que les demandeurs d'asile bénéficient d'une protection particulière, il ressort de la procédure prévue par l'article R. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sus mentionné que le ministre chargé de l'immigration prend nécessairement sa décision au vu des éléments recueillis par l'OFPRA après audition de l'intéressé et que l'avis de cet organisme doit donc lui être transmis ; que le ministre et ses agents, soumis au secret professionnel, à qui il appartient, en vertu de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'instruire la demande et de se prononcer sur le caractère manifestement infondé ou non de la demande d'asile de l'étranger, participent directement à l'examen de cette demande et ne sauraient donc être regardés comme enfreignant le principe de confidentialité attaché à celle-ci ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la violation de la confidentialité du compte-rendu de l'entretien de l'intéressé avec l'agent de l'OFPRA ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des déclarations de l'intéressé qu'il est venu en France pour travailler et selon ses dires, " construire, faire des écoles pour les enfants de Paris " ; qu'il ne fait état d'aucun risque de mauvais traitement ou persécution de quelque nature que ce soit en cas de retour dans son pays d'origine ou au Sénégal, pays dont il provenait ; que M. A...n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'en rejetant sa demande, le ministre aurait excédé la compétence que lui confèrent les dispositions précitées de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant, en troisième lieu, que pour ces mêmes motifs, la décision ministérielle contestée, en ce qu'elle prescrit son réacheminement vers le Sénégal ou tout pays où il serait légalement admissible, ne méconnaît ni les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève, ni celles de l'article 3 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ni enfin celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui a fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile peut, dans les quarante-huit heures suivant la notification de cette décision, en demander l'annulation, par requête motivée, au président du tribunal administratif. / Le président, ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative, statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine. / Aucun autre recours ne peut être introduit contre la décision de refus d'entrée au titre de l'asile. (...) / La décision de refus d'entrée au titre de l'asile ne peut être exécutée avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que ce dernier ou le magistrat désigné à cette fin n'ait statué. (...) Le jugement du président du tribunal administratif ou du magistrat désigné par lui est susceptible d'appel dans un délai de quinze jours devant le président de la cour administrative d'appel territorialement compétente ou un magistrat désigné par ce dernier. Cet appel n'est pas suspensif. / Si le refus d'entrée au titre de l'asile est annulé, il est immédiatement mis fin au maintien en zone d'attente de l'étranger, qui est autorisé à entrer en France muni d'un visa de régularisation de huit jours. Dans ce délai, l'autorité administrative compétente lui délivre, à sa demande, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de déposer sa demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. / La décision de refus d'entrée au titre de l'asile qui n'a pas été contestée dans le délai prévu au premier alinéa ou qui n'a pas fait l'objet d'une annulation dans les conditions prévues au présent article peut être exécutée d'office par l'administration " ; que dès lors que ces dispositions instaurent un recours juridictionnel suspensif contre la décision portant refus d'entrée sur le territoire au titre de l'asile, et prévoient au surplus qu'en cas d'annulation l'intéressé est autorisé à entrer en France et doit se voir délivrer une autorisation provisoire de séjour, M.A..., qui a d'ailleurs bénéficié de ces dispositions, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté, en ce qu'il prescrit son réacheminement vers le Sénégal, pays dont il provenait, ou le cas échéant vers tout pays où il serait légalement admissible, serait illégal au regard des stipulations combinées des articles 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatives au droit à un recours effectif ;

11. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que le moyen tiré de l'atteinte portée au droit à une vie privée et familiale de M. A...en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est inopérant à l'appui de conclusions dirigées contre une décision rejetant sa demande d'admission sur le territoire français au titre de l'asile ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé sa décision du 31 janvier 2014 ; que dès lors, ce jugement doit être annulé et la demande de première instance rejetée ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille en date du 4 février 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

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n°14MA008232


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA00823
Date de la décision : 16/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Eleonore PENA
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : CLAISSE et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-10-16;14ma00823 ?
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