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02/10/2014 | FRANCE | N°12MA00242

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 02 octobre 2014, 12MA00242


Vu, enregistrée le 18 janvier 2012, la requête présentée pour Mme A...B..., demeurant ... par la AARPI d'avocats Hollet-Hugues ; Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903179 du 10 novembre 2011 du tribunal administratif de Toulon qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer à lui verser la somme de 75 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle a subi le 4 juin 2009 dans le service psychiatrique de cet hôpital où elle était hospitalisée et à l'annulation de la décision implic

ite de rejet du centre hospitalier de sa demande indemnitaire préalable...

Vu, enregistrée le 18 janvier 2012, la requête présentée pour Mme A...B..., demeurant ... par la AARPI d'avocats Hollet-Hugues ; Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903179 du 10 novembre 2011 du tribunal administratif de Toulon qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer à lui verser la somme de 75 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle a subi le 4 juin 2009 dans le service psychiatrique de cet hôpital où elle était hospitalisée et à l'annulation de la décision implicite de rejet du centre hospitalier de sa demande indemnitaire préalable ;

2°) de faire droit à sa demande ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Toulon-La Seyne-sur-Mer à lui verser la somme totale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..............................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 septembre 2014 :

- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;

- et les observations de Mme B...;

1. Considérant que MmeB..., qui était hospitalisée à la demande d'un tiers dans le service psychiatrique du centre hospitalier de Toulon-La Seyne-sur-Mer pour un accès psychotique aigu, a été agressée sexuellement dans sa chambre individuelle, pendant son sommeil, dans la nuit du 4 juin 2009 par un autre patient occupant une chambre voisine, à l'encontre duquel une condamnation pénale a été prononcée par le tribunal de grande instance de Toulon ; que le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FIVI) a versé à MmeB..., en application d'une ordonnance d'homologation de constat d'accord rendue le 9 novembre 2010 par le président de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales du tribunal de grande instance de Toulon, une indemnité de 15 000 euros en réparation de l'ensemble des dommages résultant de son agression ; que Mme B...a également demandé au tribunal administratif de Toulon la condamnation, pour faute dans l'organisation du service, du centre hospitalier à lui verser la somme de 75 000 euros au titre du préjudice moral qu'elle a subi du fait de cette agression ; que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que le centre hospitalier n'avait commis aucune faute et ont rejeté la demande indemnitaire de Mme B...et les conclusions du Fonds d'indemnisation des victimes d'infractions, agissant à titre subrogatoire, tendant à la condamnation du centre hospitalier de Toulon-La Seyne-sur-Mer à lui verser par priorité la somme de 15 000 euros que le fonds a avancée à la requérante ; qu'en appel, Mme B...et le Fonds de garantie demandent qu'il soit fait droit à leur demande ; que le centre hospitalier conclut au rejet de leurs demandes ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Var n'a pas de créance à faire valoir dans cette affaire ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par MmeB... et par le centre hospitalier :

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions du FIVI :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. " ;

3. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le jugement attaqué du 10 novembre 2011 a été notifié au Fonds de garantie des victimes le 16 novembre 2011 ; que le Fonds a présenté ses conclusions pour la première fois dans un mémoire enregistré le 12 mars 2012, après l'expiration du délai d'appel ; que ces conclusions sont tardives et donc irrecevables ;

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions indemnitaires de MmeB... :

4. Considérant que la nature et l'étendue des réparations incombant à un établissement public ne dépendent pas de l'évaluation du dommage faite par l'autorité judiciaire dans un litige auquel il n'a pas été partie, mais doivent être déterminées par le juge administratif compte tenu des règles relatives à la responsabilité des personnes morales de droit public, et indépendamment des sommes qui ont pu être exposées par l'auteur du dommage à titre de provision, d'indemnités ou d'intérêts ; qu'il appartient toutefois au juge administratif, s'il estime qu'il y a une faute de nature à engager la responsabilité de la personne publique, de prendre, en déterminant la quotité et la forme de l'indemnité par lui allouée, les mesures nécessaires, en vue d'empêcher que sa décision n'ait pour effet de procurer à la victime ou, le cas échéant, à la personne qui lui est subrogée, par suite des indemnités qu'elle a pu ou peut obtenir devant d'autres juridictions à raison des mêmes faits, une réparation supérieure à la valeur totale du préjudice subi ;

5. Considérant que le centre hospitalier de Toulon-La Seyne-sur-Mer fait valoir que les conclusions indemnitaires de Mme B...sont irrecevables, dès lors que Mme B...a déjà été indemnisée par le FIVI pour les mêmes faits et le même préjudice, eu égard à l'accord homologué susmentionné du 9 novembre 2010 indiquant que l'indemnité de 15 000 euros est accordée à Mme B..." en réparation de tous dommages résultant des faits " ; que, toutefois, cet accord ne fait pas en soi obstacle à ce que Mme B...saisisse une autre juridiction, notamment administrative, d'une action dirigée contre un autre tiers responsable, aux fins notamment d'obtenir une indemnisation supplémentaire ou la réparation d'autres chefs de préjudice ; qu'il incombe seulement au juge administratif, en application des principes rappelés au point 4, de prendre en compte l'indemnisation de Mme B...déjà allouée par le FIVI afin d'éviter que la victime n'obtienne une réparation supérieure à celle qui lui est due ; qu'ainsi la fin de non recevoir soulevée par le centre hospitalier doit être écartée ;

Sur la responsabilité :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...). " : que Mme B...soutient que le centre hospitalier a commis une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service et pour défaut de surveillance des malades ;

7. Considérant, en premier lieu, que le centre hospitalier ne peut utilement soutenir que la matérialité de l'agression de Mme B...n'est pas établie au motif que tant l'agresseur que l'agressée souffrent de troubles mentaux, alors que le jugement du tribunal correctionnel de Toulon du 7 septembre 2012, revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée s'agissant des constatations de fait, a reconnu l'agresseur coupable d'atteinte sexuelle avec violence, contrainte, menace ou surprise sur la personne de MmeB... ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la matérialité des faits était établie ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que les premiers juges ont estimé que le centre hospitalier n'avait commis ni de faute de surveillance ni de faute dans l'organisation du service spécialisé dans l'accueil des personnes souffrant de troubles psychiatriques ; que, toutefois, compte tenu de la personnalité des patients, au comportement imprévisible et potentiellement dangereux pour les autres et pour eux-mêmes et sous influence médicamenteuse, hébergés dans le quartier réservé aux personnes hospitalisées sous contrainte, soit d'office soit à la demande d'un tiers, quartier d'ailleurs séparé par une porte fermée à clef des malades hospitalisés à leur demande, le personnel de garde aurait dû redoubler de surveillance ; que les trois infirmiers de garde et l'aide-soignante, quand ils ne font pas leurs trois rondes nocturnes, affirment eux-mêmes se tenir dans la salle de soins ou dans le réfectoire central, d'où ils ne peuvent avoir "un visuel permanent sur tous les couloirs", en l'absence de caméra de surveillance dans les couloirs ; qu'ils n'ont pas entendu les cris poussés par la victime qui dormait sous l'effet de somnifères lors de l'agression et qui n'a pas pu les appeler à l'aide en l'absence, dans les cinq chambres individuelles réservées aux malades masculins et féminins hospitalisés d'office dans ce service psychiatrique, de tout dispositif d'appel du personnel chargé de la surveillance ; que la porte de sa chambre était ouverte, alors qu'après l'agression litigieuse, les portes des malades féminines ont été fermées à clef ; que la circonstance que l'agresseur a pu sortir de sa chambre, se promener dans le couloir, agresser sexuellement une patiente pendant quelques minutes et rentrer dormir dans sa chambre sans être vu ni entendu du personnel de garde révèle, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, un défaut de surveillance et d'organisation et du service du centre hospitalier, quand bien même l'agresseur ne présentait aucune dangerosité du fait de troubles ou d'antécédents connus nécessitant une vigilance particulière du personnel ; que cette faute engage la responsabilité du centre hospitalier de Toulon-La Seyne-sur-Mer ;

Sur le lien de causalité :

9. Considérant qu'une surveillance adaptée aux besoins du service aurait permis d'éviter l'intrusion de l'agresseur dans la chambre de Mme B...et a fortiori son agression sexuelle ; que le centre hospitalier ne peut pas soutenir que l'état dépressif de Mme B...préexistait avant son agression, dès lors que l'expert psychologue qui a examiné la victime dans le cadre de la procédure susmentionnée, a estimé que, si Mme B...était déjà vulnérable au moment des faits, l'agression sexuelle qu'elle a subie l'a fragilisée davantage et qu'elle se perçoit désormais en constante insécurité ; que, par suite, le lien de causalité entre son agression et l'aggravation de son état dépressif est, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, établi ; que cette faute d'organisation et de surveillance, directement à l'origine de l'agression de MmeB..., engage l'entière responsabilité du centre hospitalier ;

Sur l'évaluation du préjudice subi par la victime :

10. Considérant que Mme B...invoque son seul préjudice moral au titre du préjudice subi du fait de son agression ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 15 000 euros ; que Mme B...ayant déjà été indemnisée par le FIVI par l'allocation d'une somme de 15 000 euros, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à se plaindre de ce que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme de 75 000 euros ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que le centre hospitalier de Toulon-La Seyne-sur-Mer, qui n'est pas la partie perdante au litige, soit condamné à verser quelque somme que ce soit à Mme B...et au FIVI au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B...le versement au centre hospitalier de Toulon-La Seyne-sur-Mer d'une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1 : La requête de Mme B...et les conclusions du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Toulon-La Seyne-sur-Mer en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., au centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer, au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

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N° 12MA002422

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA00242
Date de la décision : 02/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-07-01-04-01-02 Procédure. Pouvoirs et devoirs du juge. Questions générales. Moyens. Moyens d'ordre public à soulever d'office. Existence.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS HOLLET-HUGUES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-10-02;12ma00242 ?
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