Vu la requête, enregistrée le 11 septembre 2013, présentée pour Mme C...B..., demeurant au..., par Me A... ; Mme B... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1103117 du 10 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à condamner le centre hospitalier d'Avignon à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la dégradation de l'état de santé de sa fille et de son décès ;
2°) d'ordonner une expertise médicale qui pourra être confiée à un collège de trois experts avec mission habituelle en matière de responsabilité découlant d'une erreur de diagnostic ayant entraîné le décès de la patiente et de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'assistance publique-hôpitaux de Marseille la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2014 :
- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,
- et les observations de Me A...pour MmeB... ;
1. Considérant que Mme B...relève appel du jugement du 10 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande indemnitaire dirigée contre le centre hospitalier d'Avignon, tendant à la réparation des préjudices résultant de la dégradation de l'état de santé et du décès, survenu en 2006, de sa fille IsabelleB... ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics alors applicable aux créances détenues sur les établissements publics hospitaliers en matière de responsabilité médicale : "Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public " ; qu'aux termes de l'article 7 de cette loi : " L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond. (...)" ;
3. Considérant que seul l'ordonnateur auquel incombe le règlement d'une dette sur les crédits dont il a la gestion peut décider d'opposer ladite prescription ; que lorsque, dans le cadre d'un litige indemnitaire, l'administration oppose à la créance objet de ce litige la prescription prévue par les dispositions de la loi du 31 décembre 1968, elle ne se borne pas à invoquer un moyen de défense, mais met en oeuvre un mécanisme du processus d'exécution des dépenses publiques relevant des seules autorités financières compétentes ; qu'eu égard à l'objet de cette mesure, l'avocat de l'établissement ne peut valablement opposer, pour le compte de l'établissement, l'exception de prescription quadriennale ; qu'en première instance, le centre hospitalier d'Avignon a invoqué l'exception de prescription sous la seule signature de son avocat ; que cette exception n'a, dès lors, pas été régulièrement opposée ; que la prescription quadriennale, qui n'a pas été régulièrement opposée par l'administration devant le tribunal administratif, alors qu'elle était à même de le faire, ne peut, en vertu de l'article 7 susmentionné, être valablement invoquée en appel, d'ailleurs toujours sous la signature du seul avocat de l'hôpital ; que, dès lors, l'exception tirée de ce que la créance détenue par Mme B...serait atteinte par la prescription quadriennale ne peut qu'être écartée ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : "La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'entre elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision" ;
5. Considérant que Mme B...a produit pour la première fois en appel des éléments sur la prise en charge médicale incriminée faisant apparaître que sa fille a été hospitalisée à Avignon du 7 au 12 février 1978 puis à l'hôpital de la Timone du 4 au 15 octobre 1978 où une corticothérapie lui a été administrée, qu'elle y a fait l'objet d'un suivi jusqu'en septembre 1980 ; qu'elle a également été prise en charge à l'hôpital de la Conception du 26 novembre 1981 au 22 janvier 1982 ; qu'elle verse aux débats des éléments faisant état de bilans biologiques perturbés en juillet 1979 sur un état rhumatologique asymptomatique, un compte-rendu radiologique daté de novembre 1982 révélant les atteintes articulaires, des résultats d'analyse en 1983 et 1984 révélant une contamination par la brucellose, et les caractéristiques du tableau biologique de la brucellose chronique ; que Mme B...a également produit plusieurs courriers médicaux évoquant dès 1994 le diagnostic erroné de polyarthrite rhumatoïde et le lien entre la corticothérapie et les déformations articulaires dégénérant en état grabataire, alors qu'une antibiothérapie aurait soigné sans séquelle l'enfant ; qu'elle verse également aux débats des extraits de littérature médicale retraçant les symptômes de l'arthrite juvénile et de la brucellose, cette dernière pouvant comporter une phase septicémique silencieuse, être diagnostiquée par hémoculture et traitée par antibiothérapie en quelques mois ; que Mme B...apporte ce faisant suffisamment d'éléments aux débats pour que l'expertise qu'elle sollicite apparaisse présenter un caractère utile, la Cour n'étant pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments recueillis, qui démontrent que sa fille a été, comme elle le soutient, contaminée par la brucellose, que cette contamination n'a, dans un premier temps, pas été diagnostiquée, qu'elle a subi une corticothérapie à l'âge de 6 ans et que cette enfant a été prise en charge au centre hospitalier d'Avignon ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. " ; que la requête d'appel de Mme B...a été introduite le 11 septembre 2013, dans le délai d'appel ; que dans sa requête d'appel, Mme B... s'est, comme en première instance, bornée à se référer à ses propres préjudices, résultant des sacrifices consentis pour apporter à sa fille l'assistance qu'appelait son état, des tourments qui en ont résulté pour elle et au préjudice subi du fait de son décès ; que si Mme B... a, dans son dernier mémoire enregistré le 28 juillet 2014, fait référence aux préjudices subis par sa fille, il n'apparaît pas utile de confier à l'expert la mission d'évaluer le préjudice subi par la victime dès lors que Mme B...n'a pas fait référence à ce chef de préjudice dans le délai d'appel, pas plus qu'elle ne l'avait invoqué en première instance ; qu'en effet si la personne qui a demandé au tribunal administratif la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable, sous certaines conditions, à invoquer le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, elle ne peut le faire que dans le délai d'appel ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner une expertise dans les conditions et aux fins précisées ci-après ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la requête de MmeB..., procédé à une expertise médicale contradictoire avec l'Assistance publique de Marseille et le centre hospitalier d'Avignon en vue de :
1°) se faire communiquer tous documents relatifs à l'état de santé, à la prise en charge et au décès d'Isabelle B...et, notamment, tous documents relatifs au suivi médical, aux actes de soins, et aux diagnostics pratiqués sur elle lors de son hospitalisation au cours de la période incriminée située entre 1978 et 1982 au centre hospitalier d'Avignon ; convoquer et entendre les parties et tous sachants ; procéder à l'examen sur pièces du dossier médical d'Isabelle B...ou des éléments de ce dossier encore détenus par les établissements de santé et par sa mère ou son médecin traitant ;
2°) donner un avis motivé sur le point de savoir si les examens pratiqués, les diagnostics établis et les traitements, interventions et soins prodigués ont été consciencieux, attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science au moment des faits et s'ils étaient adaptés à l'état d'Isabelle B...et aux symptômes qu'elle présentait ; donner notamment un avis sur la pertinence et la possibilité d'examens complémentaires et sur les traitements administrés ; de donner son avis sur la date à laquelle Isabelle B...a contracté la brucellose et sur le point de savoir si, compte tenu des phases et symptômes de la maladie, le diagnostic pouvait en être posé à l'occasion de la prise en charge par l'établissement ;
3°) de manière générale, réunir tous les éléments devant permettre de déterminer si des fautes médicales, des fautes de soins ou des fautes dans l'organisation des services ont été commises ; rechercher si les diligences nécessaires pour l'établissement d'un diagnostic exact ont été mises en oeuvre ; rechercher si les interventions et actes médicaux pratiqués ont été exécutés conformément aux règles de l'art ; déterminer les raisons de la dégradation de l'état de santé d'IsabelleB... ; déterminer les causes de son décès et dire si son décès est en lien direct et certain avec les manquements qu'il aura pu relever ou s'il résulte de l'évolution naturelle de sa pathologie ;
4°) donner un avis sur le point de savoir si le ou les manquements éventuellement constatés dans la prise en charge réalisée par le centre hospitalier d'Avignon portaient normalement en eux la dégradation de l'état de santé d'IsabelleB... ;
5°) donner un avis sur le point de savoir si le ou les manquements éventuellement constatés dans la prise en charge réalisée par le centre hospitalier d'Avignon portaient normalement en eux le décès d'IsabelleB... ;
6°) de donner un avis sur le point de savoir si le ou les manquements éventuellement constatés dans la prise en charge réalisée par le centre hospitalier d'Avignon lui ont fait perdre une chance d'échapper à cette aggravation ; donner son avis sur l'ampleur de la chance perdue par Isabelle B...du fait des manquements éventuellement constatés dans la prise en charge réalisée par le centre hospitalier d'Avignon d'éviter cette aggravation en la quantifiant ;
7°) de donner un avis sur le point de savoir si le ou les manquements éventuellement constatés dans la prise en charge réalisée par le centre hospitalier d'Avignon ont fait perdre à Isabelle B...une chance d'échapper à son décès ; donner son avis sur l'ampleur de la chance perdue par Isabelle B...du fait des manquements éventuellement constatés dans la prise en charge réalisée par le centre hospitalier d'Avignon d'éviter le décès en la quantifiant ;
8°) d'indiquer, en la détaillant, quel type d'assistance quotidienne en lien avec les manquements constatés le cas échéant appelait l'état de santé d'Isabelle B...et durant quelle période ;
9°) d'indiquer, s'il relève plusieurs manquements, dans quelle mesure chacun d'eux a pu contribuer à la dégradation de santé d'Isabelle B...et, le cas échéant, à son décès ; de quantifier cette évaluation ;
10°) de fournir toutes précisions complémentaires utiles à la solution du litige ;
Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. En application des dispositions de l'article R. 621-9 du code de justice administrative, il déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans un délai de quatre mois à compter de la prestation de serment et en notifiera une copie aux parties intéressées.
Article 3 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., à la CPAM de Vaucluse et au centre hospitalier d'Avignon.
Copie en sera adressée à l'Assistance publique de Marseille.
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N° 13MA03735