Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 août 2012 sous le n° 12MA03314, présentée par le préfet des Bouches-du-Rhône, qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1201847 du 2 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille, à la demande de M. C...A...:
- a annulé sa décision verbale du 13 décembre 2011 refusant d'enregistrer sa demande d'admission au séjour en qualité d'étranger malade ;
- a annulé ses décisions du 14 décembre 2011 refusant à ce dernier l'admission au séjour en qualité de réfugié politique, en l'obligeant à quitter le territoire national et en fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;
- lui a enjoint de lui délivrer à ce dernier un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;
- a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2°) de rejeter la requête introductive de première instance de M. C...A... ;
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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu le décret n° 2011-1950 du 23 décembre 2011 modifiant le code de justice administrative, notamment les dispositions de ses articles 1er à 11 relatives à la dispense de conclusions du rapporteur public et au déroulement de l'audience ;
Le rapporteur public ayant, sur sa proposition, été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience par le président de la formation de jugement ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2014 :
- le rapport de M. Brossier, rapporteur ;
1. Considérant que le préfet des Bouches-du-Rhône interjette appel du jugement n° 1201847 du 2 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille, à la demande de M. C... A..., tout d'abord a annulé sa décision verbale du 13 décembre 2011 refusant d'enregistrer sa demande d'admission au séjour en qualité d'étranger malade, ensuite a également annulé ses décisions du 14 décembre 2011 refusant à ce dernier l'admission au séjour en qualité de réfugié en l'obligeant à quitter le territoire national dans un délai de départ volontaire de trente jours et en fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement, enfin lui a enjoint de délivrer à ce dernier un titre de séjour ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français qui, n'étant pas déjà admis à séjourner en France sous couvert d'un des titres de séjour prévus par le présent code ou les conventions internationales, demande à séjourner en France au titre de l'asile forme cette demande dans les conditions fixées au présent chapitre. " ; qu'aux termes de l'article L. 741-2 du même code : " Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'examen de sa demande d'admission au séjour relève de l'autorité administrative compétente. " ; que l'examen d'une demande de séjour au titre de l'asile peut conduire successivement à l'intervention d'une décision du préfet sur l'admission provisoire au séjour en France pour permettre l'examen de la demande d'asile, puis d'une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, puis, le cas échéant, d'une décision de la cour nationale du droit d'asile et, enfin, d'une décision du préfet statuant sur le séjour en France, le cas échéant à un autre titre que l'asile ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a sollicité le 5 mai 2009 son admission au séjour au titre de l'asile politique, sur le fondement de l'article L. 741-1 précité, en se prévalant alors d'une nationalité chinoise ; que l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 16 décembre 2009, puis par la cour nationale du droit d'asile le 7 octobre 2011, n'ont pas reconnu à l'intéressé la qualité de réfugié, en remarquant que celui-ci " se déclare de nationalité chinoise " ; que par décision du 14 décembre 2011, le préfet des Bouches-du-Rhône, pour lequel l'intéressé était alors de nationalité chinoise en l'état du dossier qu'il instruisait, a refusé l'admission au séjour sollicitée en soulignant l'absence de violation des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il a en outre assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours ;
Sur l'étendue du litige :
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment d'une attestation suffisamment probante d'un compatriote de M.A..., que celui-ci s'est présenté aux services de la préfecture le 13 décembre 2011, pour faire état de risques graves liés à son état de santé ; que si, dans ses écritures contentieuses de première instance, M. A...a tiré de cette circonstance, à l'encontre des décisions attaquées en date du 14 décembre 2011, le moyen procédural tiré de ce que ce refus aurait dû être décidé après saisine pour avis du médecin inspecteur de santé publique, il n'a toutefois en aucun cas demandé au tribunal d'annuler pour excès de pouvoir une décision verbale refusant d'instruire une nouvelle demande d'admission au séjour en qualité cette fois, non de réfugié, mais d'étranger malade ; qu'il s'ensuit qu'en annulant une décision verbale du 13 décembre 2011 refusant d'enregistrer une demande d'admission au séjour en qualité d'étranger malade, le tribunal a statué ultra petita ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a annulé la décision verbale du 13 décembre 2011 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant d'enregistrer une demande d'admission au séjour de M. A...en qualité d'étranger malade ;
Sur la décision en date du 14 décembre 2011 refusant à M. A...l'admission au séjour en qualité de réfugié :
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que cette décision attaquée a été prise sur le fondement de l'article L. 741-1 précité ; que M. A...a invoqué par suite de façon inopérante, devant le tribunal, l'article 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif aux étrangers malades, qui n'était pas le fondement de sa demande d'admission au séjour, le préfet ayant instruit une telle demande sur le seul terrain juridique de l'asile politique et n'étant pas tenu, à cet égard, de saisir pour avis médical le médecin inspecteur de santé publique ;
7. Considérant, au surplus, qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé s'est présenté aux services de la préfecture en faisant état, de façon erronée, d'une nationalité chinoise, alors les éléments versés au débat du dossier contentieux démontrent qu'il est de nationalité mongole, et que, dans ces conditions, le préfet ne pouvait en tout état de cause apprécier, à la date du 14 décembre 2011, si l'intéressé, eu égard aux pathologies qu'il a avancées le 13 décembre 2011, pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, qui était la République populaire de Chine pour le préfet quand il s'est prononcé, compte-tenu des informations alors portées à sa connaissance ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet appelant est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé, pour violation de l'article L. 311-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sa décision du 14 décembre 2011 refusant l'admission au séjour de M.A... en qualité de réfugié ; qu'il y a lieu pour la Cour, par suite, d'annuler le jugement attaqué, en tant qu'il annulé ladite décision du 14 décembre 2011, et de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les autres moyens de M. A...dirigés contre cette décision ;
9. Considérant, en premier lieu, que, par arrêté en date du 31 août 2011, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 127 du mois d'août 2011, le préfet des Bouches-du-Rhône a donné délégation de signature à M.B..., chef de bureau, pour signer tout document relatif à la procédure de délivrance de titre de séjour ; que, dans ces conditions, M. B...était compétent pour signer la décision attaquée du 14 décembre 2011 refusant l'admission au séjour à M.A... ; que le vice de compétence soulevé doit donc être écarté ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de la lecture même de la décision attaquée, en tant qu'elle porte refus d'admission au séjour, qu'elle vise les textes sur lesquelles elle se fonde, notamment l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et comporte des motifs de fait non stéréotypés, relatif notamment à sa date d'entrée en France, à l'examen de sa demande d'asile par la cour nationale du droit d'asile, et à la circonstance que sa concubine a fait aussi l'objet d'un refus de titre de séjour ; qu'ainsi, cette décision est suffisamment motivée au regard des exigences des
articles 1er et 3 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; que le vice de forme soulevé doit donc être écarté ;
11. Considérant, en troisième lieu, et ainsi qu'il a été dit, que M. A...ne peut utilement soutenir, à l'encontre de la décision attaquée en tant qu'elle refuse l'admission au séjour au titre de l'asile, violerait l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de son état de santé ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que A...n'est fondé à demander à la Cour d'annuler la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 14 décembre 2011 lui refusant l'admission au séjour ;
Sur les décisions attaquées en date du 14 décembre 2011 obligeant M. A...à quitter le territoire national dans un délai de départ de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement :
13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 514-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; "
14. Considérant que si, ainsi qu'il a été dit, M. A...a invoqué inutilement, sur le fondement inopérant de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, son état de santé à l'encontre de la décision du 14 décembre 2011 lui refusant l'admission au séjour, toutefois, il peut invoquer utilement son état de santé à l'encontre de la décision du même jour portant obligation de quitter le territoire français, sur le fondement opérant de l'article L. 514-4-10° précité, dès lors que les éléments médicaux dont il fait état ont été portés à la connaissance du préfet le 13 décembre 2011, un jour avant la mesure d'éloignement en litige ;
15. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que ces éléments médicaux, constitués d'une attestation du 18 novembre 2011 et d'un certificat du 30 novembre 2011, portés donc à la connaissance du préfet le 13 décembre 2011, font état d'une situation d'urgence médicale telle qu'elle imposait au préfet d'étudier de façon approfondie la possibilité, ou non, d'un éloignement immédiat de l'intéressé, ce qu'il n'a pu réaliser en prenant sa décision d'éloignement dès le lendemain, le 14 décembre 2011, sans aucun avis médical susceptible de corroborer, ou non, le contenu de cette attestation du 18 novembre 2011 et de ce certificat du 30 novembre 2011 ; que la circonstance que l'intéressé avait menti sur son pays d'origine ne dispensait pas le préfet d'étudier en tout état de cause cet état de santé, compte tenu de la situation d'urgence médicale susmentionnée et de la nécessité de savoir alors si l'intéressé pouvait voyager ou non sans risque, quel qu'ait été le pays de destination choisi ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet appelant n'est pas fondé à se plaindre que le tribunal, par le jugement attaqué, a annulé ses décisions du 14 décembre 2011 portant obligation à M. A...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;
Sur l'injonction :
17. Considérant que l'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ;
18. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal a enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône, sur le fondement de l'article L. 911-1 précité, de délivrer à M. A...un titre de séjour d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale" compte tenu de son état de santé ; qu'outre que le tribunal a ainsi statué ultra petita dès lors que l'intéressé avait formulé des conclusions à fin d'injonction tendant, dans sa requête introductive de première instance du 15 mars 2012, à la délivrance d'un simple titre provisoire de séjour, puis dans son ampliatif du 11 avril 2012, au seul réexamen de sa situation, en tout état de cause et ainsi qu'il a été vu, le présent arrêt ne retient aucune annulation pour excès de pouvoir de la décision refusant l'admission au séjour de M. A...;
19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A...un titre de séjour d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu pour la Cour de statuer sur les conclusions de première instance de M. A...à fin d'injonction ;
20. Considérant que le présent arrêt, qui fait droit aux conclusions à fin d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de M.A..., ensemble la décision fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement, implique nécessairement, non pas la délivrance d'un titre de séjour, mais, sur le fondement de l'article L. 911-2 précité, le réexamen de la situation de l'intéressé, notamment sur un plan médical, avant d'imposer éventuellement une nouvelle obligation de quitter le territoire français ; qu'il y a donc lieu d'enjoindre au préfet un tel réexamen, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'infliger l'astreinte financière sollicitée dans les écritures de première instance de M. A...;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement attaqué rendu le 2 juillet 2012 par le tribunal administratif de Marseille sous le n° 1201847 est annulé en tant qu'il annule la décision verbale du 13 décembre 2011 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant d'enregistrer une demande d'admission au séjour de M. A... en qualité d'étranger malade.
Article 2 : Le jugement attaqué susvisé est annulé en tant qu'il annule la décision du 14 décembre 2011 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant à M. A...l'admission au séjour en qualité de réfugié.
Article 3: Le jugement attaqué susvisé est annulé en tant qu'il enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A...un titre de séjour.
Article 4 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : Les conclusions de M. A...tendant à l'annulation de la décision du 14 décembre 2011 du préfet des Bouches-du-Rhône lui refusant l'admission au séjour en qualité de réfugié sont rejetées.
Article 6: Le surplus des conclusions de la requête n° 12MA03314 du préfet des Bouches-du-Rhône est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au préfet des Bouches-du-Rhône, à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.
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