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14/03/2014 | FRANCE | N°13MA03328

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 14 mars 2014, 13MA03328


Vu, I), sous le n° 13MA03328, la requête, enregistrée au greffe de la Cour, par courriel le 8 août 2013, et régularisée par courrier le 12 août 2013, présentée pour Mme B...C..., demeurant..., par MeA... ;

Mme C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300805 du 27 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2013 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français da

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Vu, I), sous le n° 13MA03328, la requête, enregistrée au greffe de la Cour, par courriel le 8 août 2013, et régularisée par courrier le 12 août 2013, présentée pour Mme B...C..., demeurant..., par MeA... ;

Mme C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300805 du 27 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2013 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera reconduite à l'expiration de ce délai, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, et, enfin, à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral susmentionné ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu, II), sous le n° 13MA03340, la requête, enregistrée au greffe de la Cour, le 12 août 2013, présentée pour Mme B...C..., demeurant..., par Me A... ;

Mme C...demande à la Cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution du jugement n° 1300805 du 27 juin 2013 susvisé ;

2°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour identique à celui qui a été délivré au père de ses enfants ;

3°) d'ordonner, en application de l'article R. 522-13 du code de justice administrative, que l'ordonnance sera exécutoire aussitôt rendue ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Vu les autres pièces des deux dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié en matière de séjour et d'emploi ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 février 2014, le rapport de Mme Ciréfice, premier conseiller ;

1. Considérant qu'après avoir fait l'objet, le 21 octobre 2011, d'un premier arrêté préfectoral portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Nice, par un jugement n° 1104429 du 20 janvier 2012, puis par la Cour de céans, par un arrêt du 12MA00979 du 7 mars 2014, Mme C..., née le 2 mars 1984, de nationalité marocaine, a présenté une nouvelle demande de titre de séjour ; que, par un arrêté en date du 13 février 2013, le préfet des Alpes-Maritimes a, derechef, refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera reconduite à l'expiration de ce délai ; que, dans l'instance n° 13MA03328, Mme C...demande à la Cour d'annuler le jugement du 27 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce second arrêté, et, dans l'instance n° 13MA03340, elle sollicite le sursis à l'exécution de ce jugement ;

Sur la jonction :

2. Considérant que les deux requêtes susvisées sont présentées par la même requérante et sont dirigées contre le même jugement ; que, par suite, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient MmeC..., le jugement attaqué comporte l'énoncé des dispositions juridiques applicables et l'exposé circonstancié des éléments de fait ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que Mme C...fait valoir que le jugement attaqué encourt l'annulation dès lors que c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant en relevant que M. D...ne vivait pas avec leurs enfants alors que le préfet des Alpes-Maritimes retenait la circonstance que ce dernier n'était pas en situation régulière sur le territoire français ; qu'elle fait valoir que lesdits juges ont ainsi procédé à une substitution de la " motivation de fait " du préfet et qu'il n'est pas certain que celui-ci aurait pris la même décision en retenant le même motif que celui dudit tribunal ; que, malgré le caractère peu précis de ses écritures, Mme C... doit ainsi être regardée comme soulevant le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Nice aurait irrégulièrement procédé à une substitution de motifs ;

que, toutefois, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que ledit tribunal, lequel est, en tout état de cause, souverain pour procéder à la rédaction et à la motivation de ses décisions, a examiné l'ensemble des pièces du dossier, répondu aux moyens soulevés par MmeC..., et pour ce faire, a notamment relevé, à son point 8, que M. D...était en situation irrégulière, et n'a pas, contrairement à ce que soutient cette dernière, procédé à une substitution de motifs à laquelle elle n'aurait pas été en mesure de répondre ; que, par ailleurs, si Mme C...soutient que " l'ordonnance de référé-liberté du 10 juillet 2013 " a eu une influence sur la motivation retenue par les premiers juges pour l'appréciation des relations entretenues par ses enfants avec leur père, elle n'assortit cette allégation d'aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne met pas en mesure la Cour d'apprécier en quoi, à la supposer démontrée, une telle " influence " entacherait le jugement en litige d'une quelconque illégalité ;

5. Considérant, en troisième lieu, que M. C...fait valoir qu'alors qu'elle soutenait, dans ses écritures de première instance, deux moyens distincts tirés, pour le premier, de ce que sa situation de salariée de nationalité marocaine devait être examinée conformément aux stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé, et non sur le fondement des dispositions de l'article L. 310-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et, pour le second, de ce que l'arrêté préfectoral contesté avait illégalement fait application de ce dernier article, c'est à tort, et en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que les premiers juges ont procédé à une substitution de base légale et l'ont ainsi privée de ses droits à obtenir l'annulation dudit arrêté ; que, malgré, là encore, le caractère confus de ses écritures, Mme C...doit être ainsi regardée comme soulevant, d'une part, le moyen tiré d'une omission à statuer sur le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral contesté serait entaché d'une erreur de droit en tant que le préfet des Alpes-Maritimes a fait application de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non de l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé, et, d'autre part, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient irrégulièrement procédé à une substitution de base légale ; que ce premier moyen manque, toutefois, en fait dès lors qu'avant même de procéder à la substitution de base légale, les premiers juges ont précisé, dans le jugement attaqué, que " (...) ainsi que le fait valoir la requérante, (...) il ressort des stipulations (...) de l'article 9 de l'accord franco-marocain que l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle en France dont la situation est régie par l'article 3 de cet accord ; (...) par suite, l'arrêté litigieux du 13 février 2013 ne pouvait être pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (...) " ;

6. Considérant, par ailleurs, concernant le second moyen susmentionné, que l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que les dispositions de ce code s'appliquent " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. (...) " ; qu'aux termes de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. /

Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 (...) " ;

7. Considérant qu'en l'espèce, l'arrêté préfectoral contesté trouve l'un de ses fondements légaux dans les dispositions de l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé qui peuvent être substituées à celles de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient MmeC..., c'est à bon droit que, alors que cette substitution de base légale n'avait pas pour effet de la priver d'aucune garantie et que l'administration disposait du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions, et dès lors qu'il en a informé préalablement les parties, le tribunal administratif a procédé à cette substitution de base légale ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'en ayant relevé que " la nationalité tunisienne des enfants ne constitue pas par elle-même un obstacle à ce qu'ils puissent suivre leur mère " et que " la requérante ne justifie par aucun élément que l'obtention de la nationalité marocaine pour les deux enfants ne saurait pas envisageable ou serait vouée à l'échec ", le tribunal administratif de Nice n'a pas entaché le jugement litigieux d'une contradiction dans ses motifs ;

9. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que, pour contester la régularité du jugement attaqué, Mme C...ne saurait utilement soutenir que certains des motifs de ce jugement seraient en contradiction avec ceux de l'ordonnance n° 1302358 rendue, le 12 juillet 2013, par le même tribunal dans une autre espèce concernant M. D... ;

Sur la requête n° 13MA03328 :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté préfectoral du 13 février 2013 en tant qu'il porte refus de titre de séjour ;

10. Considérant, en premier lieu, que la décision préfectorale contestée vise les textes dont il fait application et mentionne les faits qui en constituent le fondement ; qu'ainsi, et alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle de Mme C...ou celle de son ex-compagnon, ladite décision répond aux exigences de motivation posées par la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui." ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...)

7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-21 dudit code : " Pour l'application du 7° de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. " ;

12. Considérant que, pour soutenir que le refus de délivrance d'un titre de séjour porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, Mme C...fait valoir qu'après être entrée en France en avril 2008 sous couvert d'un visa délivré par les autorités consulaires espagnoles au Maroc, elle a fait la rencontre de M. E...D..., de nationalité tunisienne, avec lequel elle a vécu en concubinage jusqu'au mois d'avril 2010 et que, de leur union, sont nés, sur le territoire français, Dorra Nourr Al ImenD..., le 24 juillet 2009, et Mohamed AnasD..., le 3 décembre 2010 ; qu'ainsi, l'exécution du jugement litigieux aurait pour effet de séparer ces deux enfants soit de leur père, lequel est désormais en situation régulière en France, et serait ainsi illégalement privé de l'exercice de l'autorité parentale conjointe qui lui a été reconnue par un jugement du tribunal de grande instance de Nice en date du 19 janvier 2012, soit de leur mère alors que lesdits enfants étant, à l'instar de leur père, de nationalité tunisienne, leur cellule familiale ne pourrait se reconstituer au Maroc eu égard à la législation en vigueur dans ce pays, laquelle ne reconnaît ni les unions libres hors mariage, ni les enfants nés de ces unions ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier qu'à la date d'édiction de l'arrêté préfectoral contesté, seule date à laquelle le juge de l'excès de pouvoir doit se placer pour statuer, Mme C...était célibataire, sans profession et sans ressources autres que celles que pouvait lui apporter son ex-compagnon qui, selon ses propres déclarations, pourvoyait également à l'entretien de leurs deux enfants ; que, nonobstant la production d'une promesse d'embauche en date du 28 juin 2012, Mme C...ne faisait part d'aucun élément permettant d'attester de sa bonne intégration à la société française ; qu'elle n'alléguait pas avoir d'autres liens privés et familiaux en France que ses enfants et son ex-compagnon, et ne contestait pas ne pas être dépourvue de toutes attaches de cette nature dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge d'au moins vingt-quatre ans ; que, ainsi qu'il a été déjà dit, le 21 octobre 2011, elle avait déjà fait l'objet d'un premier arrêté préfectoral portant refus de titre et obligation de quitter le territoire français dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Nice, par un jugement n° 1104429 du 20 janvier 2012, puis par la Cour de céans, par un arrêt du 12MA00979 du 7 mars 2014 ; qu'à cette même date, M. D..., qui ne s'est vu que postérieurement délivrer par le préfet des Alpes-Maritimes, en exécution de l'ordonnance n° 1302358 rendue le 12 juillet 2013 par le juge des référés du tribunal administratif de Nice, une autorisation provisoire de séjour valable du 16 juillet 2013 au 15 octobre 2013, était également en situation irrégulière sur le territoire français ; qu'en outre, si, par le jugement susmentionné du 19 janvier 2012, Mme C... et M. D... ont obtenu du juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Nice, l'exercice conjoint de l'autorité parentale et que ledit juge a fixé la résidence habituelle des enfants chez leur mère tout en accordant à M. D... un droit de visite et d'hébergement, contrairement à ce que soutient Mme C..., en prenant l'arrêté litigieux, lequel n'emporte pas, par lui-même, privation de l'exercice conjoint de l'autorité parentale coattribuée à M. D..., le préfet des Alpes-Maritimes, tout comme, d'ailleurs,

le tribunal administratif de Nice ou même la Cour de céans, ne se sont pas substitués audit juge aux affaires familiales et n'ont pas davantage méconnu, à les supposer applicables aux faits de l'espèce, les dispositions et les stipulations des articles 371-1, 373, 373-2, 378 et 379 du code civil et des stipulations des articles 14 et 16 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, les affirmations de MmeC..., mentionnées en termes généraux, selon lesquelles elle ne pourrait pas poursuivre une vie familiale normale dans son pays d'origine au motif que les articles 490 et 500 du code pénal marocain répriment d'une peine d'emprisonnement les unions libres en dehors du mariage, ne sont, pas plus que devant les premiers juges, assorties d'aucun élément de preuve quant aux conséquences effectives de cette législation sur sa situation personnelle ; que l'appelante n'établit pas davantage que ladite législation interdirait tout accueil de ses enfants sur le territoire du Royaume du Maroc ou que, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, ces enfants ne pourraient pas solliciter l'acquisition de la nationalité marocaine ; que, par suite, et alors que l'arrêté préfectoral litigieux n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer les enfants de Mme C... ou de M. D..., et qu'en tout état de cause, tant les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que les dispositions susrappelées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sauraient s'interpréter comme comportant l'obligation pour un Etat de respecter le choix fait par des couples, mariés, en concubinage ou séparés, du lieu de leur résidence, rien ne s'oppose à ce que Mme C..., ses enfants, et, le cas échéant, M. D..., poursuivent leur vie familiale au Maroc, ou dans tout autre pays de leur choix, notamment la Tunisie où il n'est pas plus démontré que précédemment que la législation en vigueur constituerait un obstacle à leur accueil, pour lequel ils établiront être légalement admissibles ; que, dans ces conditions, et si, comme l'y invite Mme C..., la Cour apprécie sa situation dans sa globalité, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Alpes-Maritimes ait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris l'arrêté contesté ; que, dès lors, ledit préfet n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ou même d'une erreur de fait ;

13. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990, et publiée par décret du 8 octobre 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

14. Considérant qu'à la date d'édiction de l'arrêté préfectoral contesté, Mme C...et son ex-compagnon étaient tous deux en situation irrégulière sur le territoire français ; que, ainsi qu'il a été déjà dit, l'arrêté préfectoral contesté n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer les enfants de leur mère ou de leur père, et rien ne s'oppose, notamment pas " l'attestation " rédigée le 17 novembre 2011 par laquelle, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, M. D... interdit seulement la sortie de ses enfants du territoire français, pour le Maroc, " sans son autorisation ", à ce que Mme C...puisse les emmener avec elle, et le cas échéant, avec son ex-compagnon, vers le pays de leur choix et à ce que les jeunes Dorra Nourr Al Imen et Mohamed AnasD..., respectivement âgés, à la date d'édiction dudit arrêté, de trois ans et

six mois, et de deux ans et deux mois, y poursuive pour la première, ou y commence pour le second, une scolarité normale et qu'ils y soient intégrés ; que, dans ces conditions, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de ces enfants et n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

15. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;

16. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, d'une part, dès lors que l'article 3 précité de l'accord franco-marocain prévoit les conditions dans lesquelles il est délivré aux ressortissants marocains un titre de séjour en qualité de salarié, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain, au sens de l'article 9 de cet accord ; que, d'autre part, et comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, les éléments relatifs à la vie personnelle et familiale de Mme C... exposés ci-dessus ne peuvent être regardés comme présentant le caractère de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires au sens de ces dispositions qui justifieraient une admission à séjourner sur le territoire français au titre de la vie privée et familiale ; que le moyen tiré de la méconnaissance desdites dispositions ne peut, par suite, qu'être écarté ;

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté préfectoral du 13 février 2013 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français :

17. Considérant qu'aucun moyen dirigé contre le refus de délivrance du titre de séjour en litige n'étant fondé, Mme C...n'est pas fondée à exciper, au soutien de sa demande d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de ce refus ;

18. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire qui n'ont ni pour objet, ni pour effet de contraindre l'intéressé à retourner dans son pays d'origine ;

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté préfectoral du 13 février 2013 en tant qu'il fixe le pays de destination de la mesure d'éloignement :

19. Considérant qu'alors que M. D... était en situation irrégulière sur le territoire français sans pour autant avoir fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter ledit territoire, la mise à exécution de l'arrêté préfectoral contesté et la reconduite d'office de Mme C... à destination du Maroc ou de tout autre pays pour lequel elle établirait être légalement admissible auraient nécessairement pour conséquence la séparation, même provisoire, des jeunes Dorra Nourr Al Imen et Mohamed Anas D...de leur père, ressortissant tunisien ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, l'arrêté du 13 février 2013 en tant qu'il fixe le pays de destination de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme C...méconnaît l'intérêt supérieur desdits enfants et doit, à ce titre, être annulé ;

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral contesté en tant qu'il fixe le pays de destination de la mesure d'éloignement prise à son encontre ;

Sur la requête n° 13MA03340 :

21. Considérant que la Cour statuant au fond, par le présent arrêt, sur la requête n° 13MA03328, les conclusions de la requête de Mme C...enregistrée sous le n° 13MA03340 et tendant au sursis à l'exécution du jugement attaqué deviennent sans objet ; que, par suite, il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

22. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par la même décision juridictionnelle " ;

23. Considérant que l'exécution du présent arrêt, qui prononce l'annulation de la décision fixant le pays de destination de Mme C...implique seulement que le préfet des Alpes-Maritimes procède à un nouvel examen de la situation de l'intéressée sur ce point ; qu'il y a lieu, dès lors, d'enjoindre audit préfet de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme C... quant à la détermination du pays de destination dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant cet examen ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

25. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C...et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 27 juin 2013 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il rejette la demande de Mme C...tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2013 du préfet des Alpes-Maritimes en tant qu'il fixe le pays de destination de la mesure d'éloignement prise à son encontre, ensemble cette décision, sont annulés.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 13MA03340 de Mme C....

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme C...quant à la détermination du pays de destination dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : Le surplus des conclusions des deux requêtes est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à Mme C...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

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No 13MA03328 - 13MA03340

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA03328
Date de la décision : 14/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Procédure - Voies de recours - Appel - Conclusions recevables en appel - Conclusions à fin de sursis.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Virginie CIREFICE
Rapporteur public ?: Mme MARZOUG
Avocat(s) : AJIL ; AJIL ; AJIL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-03-14;13ma03328 ?
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