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11/02/2014 | FRANCE | N°13MA00523

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 11 février 2014, 13MA00523


Vu la requête, enregistrée le 6 février 2013, présentée pour Mme E...B...et M. A...C..., demeurant..., par Me D... ; Mme B...et M. C...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200655 du 6 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bastia, saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie par le préfet de la Haute-Corse, les a condamnés au paiement d'une amende de 1 000 euros et à remettre les lieux en l'état dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 100 euros par

jour de retard, l'administration pouvant procéder d'office à la démolit...

Vu la requête, enregistrée le 6 février 2013, présentée pour Mme E...B...et M. A...C..., demeurant..., par Me D... ; Mme B...et M. C...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200655 du 6 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bastia, saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie par le préfet de la Haute-Corse, les a condamnés au paiement d'une amende de 1 000 euros et à remettre les lieux en l'état dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, l'administration pouvant procéder d'office à la démolition des enrochements litigieux aux frais des contrevenants en cas d'inexécution ;

2°) de les relaxer des poursuites de contravention de grande voirie engagées à leur encontre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision n° 2013-316 QPC du 24 mai 2013 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code pénal ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi du 16 septembre 1807, notamment son article 33 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 2014 :

- le rapport de M. Chanon, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me D...pour Mme B...et M. C...;

1. Considérant que, le 12 juillet 2012, le préfet de la Haute-Corse a dressé à l'encontre de Mme B...et M. C...un procès-verbal de contravention de grande voirie relatif à la réalisation sans autorisation administrative de travaux d'enrochement, sur une longueur totale estimée à 395 mètres linéaires, sur le domaine public maritime, en vue de la protection du domaine privé de Riva Bella sur le territoire de la commune de Linguizetta ; que, par jugement du 6 décembre 2012, le tribunal administratif de Bastia a condamné Mme B...et M. C...au paiement d'une amende de 1 000 euros ainsi qu'à remettre les lieux en l'état dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, l'administration pouvant procéder d'office à la démolition des enrochements litigieux aux frais des contrevenants en cas d'inexécution ; que Mme B...et M. C...relèvent appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, que Mme B... et M. C...soutiennent que le tribunal s'est seulement fondé sur le défaut d'autorisation sans tenir compte de leur argumentation relative à l'urgence dans laquelle les travaux d'enrochement ont été réalisés et à la gravité du préjudice subi en raison de la rupture de la digue de Diane, ouvrage public ; que, toutefois, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments invoqués devant eux, n'ont pas seulement retenu le défaut d'autorisation administrative mais ont également écarté le " cas de force majeure, seul de nature à permettre de relaxer un contrevenant des poursuites engagées à son encontre " ; qu'ainsi le jugement, qui est suffisamment motivé, n'est pas entaché d'omission à statuer sur ce point ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que si les premiers juges n'ont pas expressément répondu à la demande subsidiaire de désignation d'un expert afin de déterminer si les constructions se trouvent sur le domaine public, laquelle est visée, il ressort clairement de la motivation du jugement attaqué qu'ils se sont estimés suffisamment informés et ont entendu écarter la demande d'expertise comme sans intérêt pour la solution du litige ; que, dès lors, ils n'ont pas davantage omis de statuer sur ce point ;

4. Considérant, en troisième et dernier lieu, que la circonstance, tirée de ce que le tribunal aurait commis une erreur de droit en ne recherchant pas si une régularisation des travaux était possible, relève du fond du litige et n'est pas de nature à entraîner l'annulation du jugement pour irrégularité par le juge d'appel ;

5. Considérant qu'il s'ensuit que le jugement n'est pas entaché d'irrégularité ;

Sur la contravention de grande voirie :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de L'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles (...) " ; que, par sa décision 2013-316 QPC du 24 mai 2013, le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions n'entraînent ni une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ni une atteinte contraire à l'article 2 de la Déclaration de 1789 ; que, cependant, il a également estimé qu'elles n'étaient conformes à l'article 16 de la Déclaration de 1989 que sous réserve de la garantie des droits du propriétaire riverain de la mer ayant légalement construit, sur le fondement de l'article 33 de la loi du 16 septembre 1907, une digue à la mer incorporée au domaine public maritime naturel en raison de la progression du rivage de la mer, qui ne serait pas assurée si ce riverain était forcé de détruire cette digue à ses frais en raison de l'évolution des limites du domaine public maritime naturel ;

7. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques ainsi que de la réserve émise par le Conseil constitutionnel que les propriétaires riverains du domaine public maritime peuvent faire obstacle à des empiètements de la mer en construisant des ouvrages protecteurs, constitutifs d'une digue à la mer, dès lors que ceux-ci sont édifiés sur des terrains qui n'ont pas déjà été incorporés au domaine public maritime naturel par l'action des flots en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles, sous réserve que ces ouvrages aient été légalement érigés ;

8. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier du procès-verbal qui fait foi jusqu'à preuve contraire, dressé à par un agent assermenté, que le terrain servant d'assiette à la construction litigieuse faisait partie du domaine public maritime ; que Mme B...et M. C...ne contestent pas sérieusement cette appartenance au domaine public maritime naturel à la date du procès-verbal, et, en tout état de cause, ne produisent pas d'élément de nature à apporter la preuve contraire ; qu'est à cet égard sans influence la circonstance, à la supposer établie, que l'érosion de la côte serait accentuée par la digue de Diane, ouvrage public implanté à proximité ;

9. Considérant, il est vrai, que Mme B...et M. C...soutiennent, en deuxième lieu, qu'ils entrent dans le champ de la réserve émise par le Conseil constitutionnel dès lors que les travaux d'enrochement ont été initialement réalisés sur la parcelle C248 relevant de la propriété privée du domaine de Riva Bella avant que des modifications naturelles n'aient transformé les limites du domaine public maritime ; que, toutefois, il résulte des photographies jointes à la lettre du 11 janvier 2013 par laquelle ils ont demandé au préfet " la régularisation des travaux ", prises par eux-mêmes avant et après ces travaux et alors qu'ils n'allèguent pas que ces photographies auraient été prises lors de perturbations météorologiques exceptionnelles, que les travaux d'enrochement ont été réalisés sur des terrains déjà incorporés au domaine public maritime par l'action des flots ; que, par suite, le moyen ne peut être accueilli ;

10. Considérant, en troisième lieu, que, lorsque le juge administratif est saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie, il ne peut légalement décharger le contrevenant de l'obligation de réparer les atteintes portées au domaine public qu'au cas où le contrevenant produit des éléments de nature à établir que le dommage est imputable, de façon exclusive, à un cas de force majeure ou à un fait de l'administration assimilable à un cas de force majeure ; qu'en particulier, il n'appartient pas à la juridiction de rechercher si la régularisation d'un ouvrage privé irrégulièrement implanté sur le domaine public est possible ;

11. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des propres écritures des appelants, que l'érosion de la côte au droit du domaine de Riva Bella est continue et que des " tempêtes " se produisent presque chaque année ; que, dès lors, Mme B...et M. C... ne peuvent, en l'absence du caractère imprévisible de l'érosion, se prévaloir d'un cas de force majeure, alors même qu'il existerait des risques importants pour les personnes et les biens ;

12. Considérant, d'autre part, que, à la supposer démontrée, la carence du maire de la commune de Linguizetta et du préfet de la Haute-Corse dans l'exercice de leurs pouvoirs de police en vue de protéger le domaine de Riva Bella contre la montée des eaux, ne saurait être regardée comme un fait de l'administration assimilable à un cas de force majeure, en admettant même que la digue de Diane, déjà évoquée au point 2, constituerait un phénomène aggravant de l'érosion de la côte ;

13. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que la bonne foi de Mme B...n'a aucune incidence sur le litige ; qu'en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces versées aux débats que les " services de l'Etat du conservatoire botanique national " auraient donné un quelconque avis sur les travaux d'enrochement ou que le préfet de la Haute-Corse aurait indiqué à l'intéressée qu'il lui appartenait d'entreprendre elle-même ces travaux sur le domaine public maritime ; que Mme B...et M. C...ne peuvent utilement faire valoir que le préfet n'a pas répondu à leur demande du 11 janvier 2013, tendant à la régularisation des travaux, dès lors que cette demande est postérieure au procès-verbal de contravention de grande voirie en cause ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...et M. C...ne sont pas fondés soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif Bastia les a condamnés pour contravention de grande voirie ; que, par voie de conséquence, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... et M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...B..., à M. A...C...et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

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N° 13MA00523

FSL


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA00523
Date de la décision : 11/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

24-01-03-01 Domaine. Domaine public. Protection du domaine. Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : AARPI BEAUVILLARD BOUTEILLER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-02-11;13ma00523 ?
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