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28/01/2014 | FRANCE | N°12MA01176

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 28 janvier 2014, 12MA01176


Vu la requête enregistrée par télécopie le 22 mars 2012 et par courrier le 23 mars 2012, présentée pour M.D..., élisant domicile..., par Me C...A... ;

M. D...demande à la Cour :

* d'annuler le jugement n° 1107916 rendu le 21 février 2012 par le tribunal administratif de Marseille ;

* d'annuler l'arrêté en date du 14 novembre 2011 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait renvo

yé à défaut de se conformer à ladite obligation ;

* d'enjoindre au préfet des Bouch...

Vu la requête enregistrée par télécopie le 22 mars 2012 et par courrier le 23 mars 2012, présentée pour M.D..., élisant domicile..., par Me C...A... ;

M. D...demande à la Cour :

* d'annuler le jugement n° 1107916 rendu le 21 février 2012 par le tribunal administratif de Marseille ;

* d'annuler l'arrêté en date du 14 novembre 2011 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé à défaut de se conformer à ladite obligation ;

* d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" ;

* de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 000 € qui sera versée à Me A...sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord du 9 octobre 1987 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 novembre 2013 :

- le rapport de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur,

- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour M. D... ;

Après avoir pris connaissance des notes en délibéré enregistrées les 15 novembre 2013 et 13 décembre 2013, présentée pour M.D..., par MeA... ;

1. Considérant que M.D..., de nationalité marocaine, se prévalant de la signature d'un contrat à durée indéterminée en date du 2 novembre 2010, a déposé, le 18 avril 2011, auprès des services de la préfecture des Bouches-du-Rhône, une demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail ; que, par un arrêté en date du 14 novembre 2011, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à cette demande, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel serait renvoyé l'intéressé à défaut de se conformer à ladite obligation ; que M. D...demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 21 février 2012 par lequel sa requête dirigée contre l'arrêté précité a été rejetée ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Considérant que l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que les dispositions de ce code s'appliquent " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du

9 octobre 1987 susvisé : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles " ; que l'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. / La carte porte la mention "salarié" lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois. Elle porte la mention "travailleur temporaire" lorsque l'activité est exercée pour une durée déterminée inférieure à douze mois. Si la rupture du contrat de travail du fait de l'employeur intervient dans les trois mois précédant le renouvellement de la carte portant la mention "salarié", une nouvelle carte lui est délivrée pour une durée d'un an (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

3. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; qu'il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, ces stipulations font obstacle à l'application aux ressortissants marocains des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles prévoient la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ; qu'ainsi, en faisant application à la situation de M.D..., ressortissant marocain, des dispositions de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il ne pouvait fonder sa décision que sur l'accord franco-marocain susvisé, le préfet des Bouches-du-Rhône, qui devait requalifier la demande de l'intéressé en demande de titre de séjour portant la mention " salarié ", a méconnu le champ d'application de la loi et, ainsi, commis une erreur de droit ;

4. Considérant que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ;

5. Considérant que le préfet des Bouches-du-Rhône fait valoir devant la Cour que l'application de l'article 3 de l'accord franco-marocain qu'il propose de substituer à l'article

L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettrait de donner un fondement légal à sa décision dès lors que M. D...n'a pas présenté de contrat de travail visé par les autorités compétentes ;

6. Considérant, toutefois, que les stipulations de l'article 3 dudit accord subordonnent la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " à la présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes et à la soumission de l'étranger à un contrôle médical d'usage ; qu'en revanche, les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction telle qu'issue de la loi n° 2011-672 du

16 juin 2011, impliquent que l'étranger établisse que son admission répond à des considérations humanitaires ou se justifie par des motifs exceptionnels ; que l'autorité administrative ne dispose donc pas du même pouvoir d'appréciation selon qu'elle se fonde sur les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain précité ou sur celles de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, la substitution de base légale sollicitée par le préfet des Bouches-du-Rhône ne peut être accueillie ;

7. Considérant qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du

14 novembre 2011 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Considérant que l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2011 au motif que le préfet a méconnu le champ d'application de la loi n'implique pas nécessairement que ce dernier délivre à l'intéressé le titre de séjour sollicité mais implique seulement qu'il réexamine la demande présentée par M. D...en qualité de salarié sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

9. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. / Si, à l'issue du délai de douze mois mentionné au troisième alinéa, l'avocat n'a pas demandé le versement de tout ou partie de la part contributive de l'Etat, il est réputé avoir renoncé à

celle-ci. / Un décret en Conseil d'Etat fixe, en tant que de besoin, les modalités d'application du présent article. " ;

10. Considérant que M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25 % ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 € qui sera versée à Me A...sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1107916 du tribunal administratif de Marseille en date du

21 février 2012 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 14 novembre 2011 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la demande de titre de séjour en qualité de salarié de M. D...sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à Me A...la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D..., au préfet des Bouches-du-Rhône, à Me A...et au ministre de l'intérieur.

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N° 12MA011765


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA01176
Date de la décision : 28/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT-DOMINGUEZ
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : GONAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-01-28;12ma01176 ?
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