La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/12/2013 | FRANCE | N°11MA04796

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 23 décembre 2013, 11MA04796


Vu la requête, enregistrée le 27 décembre 2011, présentée pour l'EURL Cas Cad, agissant par son représentant légal et dont le siège est 3 quai Albert 1er à Saint-Raphaël (83700), par Me C...;

L'EURL Cas Cad demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901494 du 27 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulon, après l'avoir déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2007 et de

s rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période...

Vu la requête, enregistrée le 27 décembre 2011, présentée pour l'EURL Cas Cad, agissant par son représentant légal et dont le siège est 3 quai Albert 1er à Saint-Raphaël (83700), par Me C...;

L'EURL Cas Cad demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901494 du 27 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulon, après l'avoir déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2007 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er avril 2006 au 31 mars 2007, a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2004, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er avril 2003 au 31 mars 2004, ainsi que des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dépens, la somme de 35 euros correspondant au montant de la contribution pour l'aide juridique ;

..............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 décembre 2013 :

- le rapport de M.A...'hôte, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

1. Considérant que l'EURL Cas Cad, qui exploite un restaurant à Saint-Raphaël sous l'enseigne " Le Voilier ", a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié des redressements en matière d'impôt sur les sociétés et de contributions à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 mars 2004 et 31 mars 2007 et en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre des mêmes périodes ; que ces suppléments d'impôts ont été assortis de l'intérêt de retard et de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré ; que l'EURL Cas Cad a demandé au tribunal administratif de Toulon la décharge ou, à titre subsidiaire, la réduction de ces impositions supplémentaires ; que, par un jugement du 27 octobre 2011, le tribunal l'a déchargée, en droits et pénalités, des suppléments d'impôts et de taxe afférents à l'exercice clos en 2007 et a rejeté le surplus de ses demandes ; que l'EURL Cas Cad défère ce jugement à la Cour en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande de décharge relative à l'exercice clos en 2004 ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables (...) " ; que, comme l'a rappelé le tribunal, si ces dispositions imposent que la vérification des documents comptables se déroule en principe dans les locaux de l'entreprise vérifiée, cette vérification n'est toutefois pas entachée d'irrégularité lorsqu'elle a été effectuée en dehors de ces locaux, au lieu où se situait la comptabilité, à la demande du représentant de l'entreprise ;

3. Considérant que, le 12 juillet 2007, l'administration a notifié à l'EURL Cas Cad un avis de vérification de comptabilité ; que cet avis informait la société requérante que la première intervention du vérificateur au siège de l'entreprise aurait lieu le 25 juillet 2007 ; que, le jour de l'entrevue, M. D..., unique associé et gérant initial de l'EURL Cas Cad, a remis au vérificateur un courrier par lequel il demandait que les opérations de contrôle se déroulent dans les locaux du cabinet de son expert-comptable ; que, prenant acte de cette demande, le vérificateur a poursuivi la vérification des documents comptables en dehors des locaux de l'entreprise ; que l'EURL Cas Cad soutient que la procédure suivie serait irrégulière dès lors que le représentant légal de la société était, depuis le 18 juillet 2007, M. B... et que la demande formulée par M. D...le 25 juillet 2007 ne pouvait dès lors valablement l'engager ;

4. Considérant que la société requérante n'établit pas, toutefois, qu'un changement de gérant est intervenu le 18 juillet 2007, comme elle le soutient, ni, en tout état de cause, qu'elle en avait informé l'administration avant le commencement des opérations de contrôle ; que, par suite, le vérificateur a pu poursuivre la vérification de comptabilité dans les locaux du cabinet de l'expert-comptable de la société, comme le lui avait demandé M. D... dont il n'avait aucune raison de douter du pouvoir de représentation, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la vérification de comptabilité s'étant déroulée à la demande de la société au cabinet de son expert-comptable, il appartient à l'EURL Cas Cad d'apporter la preuve qu'elle aurait été privée d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ; que la société requérante ne produit aucun document, ni ne fait valoir aucune circonstance de fait de nature à établir que le vérificateur se serait refusé à un tel débat ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa réaction applicable en l'espèce : " Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne (...) les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts (...) " ;

7. Considérant que la première intervention du vérificateur, en vue de l'examen au fond des documents comptables, a eu lieu le 25 juillet 2007 ; qu'il n'est pas contesté que sa dernière intervention ayant le même objet a eu lieu le jour de la réunion de synthèse qui s'est déroulée le 3 octobre 2007, comme indiqué dans la proposition de rectification, et non le 31 octobre 2007, comme mentionné par erreur par le tribunal ; que, par suite, le délai de trois mois prévu à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales n'a pas été méconnu ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée " ; qu'il résulte de l'instruction que, par un courrier du 20 février 2007, l'EURL Cas Cad a contesté les rehaussements qui lui avaient été notifiés par la proposition de rectification du 18 décembre 2007, en faisant valoir, d'une part, que les déclarations faites par M. D... dans le cadre de l'instruction pénale dont il faisait l'objet ne pouvaient lui être opposées compte tenu du principe de la présomption d'innocence et qu'ayant elle-même procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires, elle avait aboutit à des bases d'imposition moins élevées que celles retenues par le vérificateur ; que, dans sa réponse du 26 février 2008, l'administration a réduit les bases d'imposition à 15 % du chiffre d'affaires déclaré et diminué en conséquence le montant des redressements envisagés, aux motifs que l'absence de décision pénale définitive ne faisait pas obstacle à ce que l'administration exerce son droit de communication après de l'autorité judiciaire et fonde les redressements sur les éléments ainsi recueillis et que les erreurs alléguées dans la reconstitution du chiffre d'affaires étaient sans incidence dès lors qu'il ressortait des procès-verbaux d'audition de M. D...que celui-ci avait reconnu avoir minoré son chiffre d'affaires d'environ 15 % ; qu'eu égard à l'argumentation soulevée par l'EURL Cas Cad, la réponse aux observations du contribuable du 26 février 2008 était suffisamment motivée, alors même que, contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal, elle n'aurait que partiellement donné satisfaction à la société requérante ;

9. Considérant, en cinquième lieu, qu'en l'absence de modification du fondement légal des redressements, l'administration a pu régulièrement modifier le motif des rehaussements dans sa réponse aux observations du contribuable du 26 février 2008, sans avoir à notifier à l'EURL Cas Cad une nouvelle proposition de rectification ;

Sur la charge de la preuve :

10. Considérant que la charge de la preuve appartient à l'administration dès lors que l'EURL Cas Cad a contesté les impositions supplémentaires mises à sa charge et que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'a pas été saisie ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le caractère probant de la comptabilité :

11. Considérant que, pour écarter la comptabilité de la société requérante, le vérificateur a relevé, d'une part, que les documents transmis par l'autorité judiciaire révélaient que M.D..., gérant de l'EURL Cas Cad, avait admis avoir minoré son chiffre d'affaires en procédant sur la caisse enregistreuse du restaurant " Le Voilier " à des manipulations à l'aide d'une clé informatique spécialement programmée à cet effet, lui permettant de réduire le montant de factures de table ou de les annuler ; que, d'autre part, il a constaté qu'une part importante des justificatifs d'achats était constituée de bandes de caisses de supermarchés, ne portant pas la mention de l'acheteur et ne permettant pas dès lors de contrôler l'affectation des achats ; qu'il a noté également que des achats de bouteilles, non répertoriés dans les stocks de fin d'année, ne se retrouvaient pas dans le détail des recettes ;

12. Considérant que l'EURL Cas Cad ne conteste pas ces faits ; qu'elle se borne à se prévaloir d'un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 6 octobre 2009 ayant constaté qu'aucun logiciel permissif n'avait été retrouvé à l'intérieur de la caisse enregistreuse du restaurant " Le Voilier " ;

13. Considérant, toutefois, que l'autorité de la chose jugée qui appartient aux décisions des juges répressifs ne s'attache qu'aux constatations de fait qui sont le soutien nécessaire du dispositif de leurs jugements statuant au fond ; que, par suite, l'arrêt du 6 octobre 2009 par lequel la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a infirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant ordonné la destruction des caisses enregistreuses saisies dans le restaurant " Le Voilier ", n'est pas revêtu de l'autorité de la chose jugée, quelles que soient les constatations sur lesquelles il est fondé ; qu'au surplus, cette décision du juge répressif n'est pas de nature à remettre en cause l'ensemble des motifs de rejet de la comptabilité de la société requérante ;

14. Considérant que l'EURL Cas Cad fait valoir également que la reconstitution du chiffre d'affaires à laquelle elle a elle-même procédé conduit à un faible écart avec le chiffre d'affaires déclaré, ce qui démontrerait la valeur probante de sa comptabilité ; que, toutefois, le caractère sincère et probant de la comptabilité ne dépend pas de l'exactitude du chiffre d'affaires déclaré mais des conditions dans lesquelles cette comptabilité a été tenue et, par suite, de sa capacité à justifier de la réalité du chiffre d'affaires déclaré ; que, dès lors, la circonstance que le chiffre d'affaires reconstitué serait à peu près équivalent au chiffre d'affaires déclaré n'est pas de nature, en tout état de cause, à ôter à la comptabilité son caractère irrégulier ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration était fondée à estimer la comptabilité de l'EURL Cas Cad entachée de graves irrégularités et, dès lors, dépourvue de valeur probante ;

En ce qui concerne la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires :

16. Considérant que, pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'EURL Cas Cad au cours des deux exercices en cause, le vérificateur a recouru à deux méthodes, celle dite des liquides et celle dite des vins ; que, pour chacune d'elle, il s'est appuyé sur les éléments comptables fournis par l'entreprise au cours de la vérification de comptabilité, en particulier les factures des fournisseurs, les tickets Z présentés et le détail des stocks ; que, pour la méthode des liquides, le vérificateur a déterminé la proportion des recettes retirées de la vente des liquides par rapport aux recettes totales de l'exercice résultant de l'échantillon de tickets Z en sa possession ; qu'il a déduit du dépouillement des factures d'achats et des stocks le montant des achats revendus, auxquels a été appliqué un coefficient de pondération correspondant à la proportion de chaque référence dans les achats totaux ; qu'il a ensuite évalué la proportion des ventes de liquides sur le chiffre d'affaires global et a appliqué le coefficient ainsi dégagé à l'ensemble des achats revendus, après avoir pratiqué, au titre des offerts, des pertes, de la consommation du personnel et de l'utilisation du vin pour la cuisine, un abattement de 15 % ; que le vérificateur a procédé de la même manière pour l'application de la méthode des vins mais en tenant compte uniquement des achats et des ventes de vins ; qu'il a retenu enfin le chiffre d'affaires résultant de cette dernière méthode, qui s'est révélée plus favorable à la société requérante ;

17. Considérant que, pour critiquer cette méthode, l'EURL Cas Cad soutient que le vérificateur aurait majoré le montant des achats pour certains types de vins et minoré la valeur de certains stocks en début d'exercice, qu'il aurait omis de tenir compte des achats effectués auprès du fournisseur Promocash et qu'il aurait retenu enfin un prix de vente des vins " Bailly " et " Bordeaux " erroné ; que, sur la base des données dont elle se prévaut, elle procède elle-même à la reconstitution de son chiffre d'affaires à partir de tableaux récapitulant les achats par type de vins et déterminant ainsi le montant des achats revendus et le coefficient pondéré par catégorie de vins ; que, toutefois, la société requérante ne produit à l'appui de ses allégations aucun document comptable et ne justifie dès lors pas de l'exactitude des éléments de calcul sur lesquels elle se fonde, ni, par suite, de l'inexactitude de ceux retenus par le vérificateur ; qu'ainsi, c'est à bon droit et sans inverser la charge de la preuve que le tribunal a estimé que les données retenues par le vérificateur devaient dès lors être regardées comme correspondant aux conditions réelles de l'exploitation ;

18. Considérant que la circonstance qu'à la suite des observations présentées par l'EURL Cas Cad, l'administration a limité les rectifications à 15 % du chiffre d'affaires déclaré, s'appuyant pour ce faire sur les déclarations de M. D...telles qu'elles ressortaient des documents transmis par l'autorité judicaire, n'est pas de nature à affecter le bien-fondé des impositions litigieuses, dès lors que l'administration a retenu des bases d'imposition inférieures à celles qu'elle avait valablement déterminées par une méthode qui n'était ni radicalement viciée, ni excessivement sommaire et qui se fondait sur les conditions réelles de l'exploitation ;

Sur l'application des pénalités :

19. Considérant qu'eu égard à ce qui vient d'être dit, l'EURL Cas Cad n'est pas fondée à demander la décharge de la pénalité de 40 % qui lui a été infligée, par voie de conséquence de la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge ;

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Cas Cad n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter également ses conclusions présentées au titre des frais d'instance et des dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'EURL Cas Cad est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Cas Cad et au ministre de l'économie et des finances.

''

''

''

''

2

N° 11MA04796

bb


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award