La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/11/2013 | FRANCE | N°11MA03892

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 26 novembre 2013, 11MA03892


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 18 octobre 2011 et régularisée par courrier le 19 octobre 2011, présentée par le préfet des Alpes-Maritimes ;

Le préfet des Alpes-Maritimes demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1002842, 1102229 du 19 septembre 2011 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a annulé sa décision du 16 décembre 2010 refusant de délivrer un titre de séjour à M. B...D...en assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ;

..................................................................................

........................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention ...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 18 octobre 2011 et régularisée par courrier le 19 octobre 2011, présentée par le préfet des Alpes-Maritimes ;

Le préfet des Alpes-Maritimes demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1002842, 1102229 du 19 septembre 2011 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a annulé sa décision du 16 décembre 2010 refusant de délivrer un titre de séjour à M. B...D...en assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 novembre 2013, le rapport de Mme Chenal-Peter, rapporteur ;

1. Considérant que M.D..., de nationalité tunisienne, a présenté auprès des services de la préfecture des Alpes-Maritimes une demande de titre de séjour le 2 décembre 2009, laquelle a été implicitement rejetée ; qu'il a ensuite présenté une seconde demande le 24 septembre 2010, expressément rejetée par une décision du préfet des Alpes-Maritimes du 16 décembre 2010, ladite décision étant assortie d'une obligation de quitter le territoire français ; que par jugement en date du 19 septembre 2011, le tribunal administratif de Nice a, d'une part, constaté que les conclusions dirigées contre la décision implicite rejetant la demande de titre de séjour de M. D...étaient devenues sans objet, et d'autre part, annulé l'arrêté du 16 décembre 2010 précité du préfet des Alpes-Maritimes ; que le préfet des Alpes-Maritimes relève appel de ce jugement, en tant qu'il annule ledit arrêté ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...est le père d'une enfant de nationalité française, née le 11 octobre 2009 ; que si le requérant fait valoir qu'il réside avec la mère de sa fille, Mme E...A...C..., de nationalité française, il n'établit pas la réalité de la vie commune avec cette dernière, par les seuls documents qu'il produit ; que notamment, le bail d'habitation à son nom et à celui de Mme A...C..., en date du 31 août 2009, n'a qu'une valeur probante limitée dès lors que le même contrat de bail a été produit auprès des services de la préfecture, au nom cette fois de " Mme A...C...mariée à Mr Hamid Moch " ; qu'en outre, M. D...n'établit pas l'intensité de ses liens avec sa fille, en se bornant à fournir deux factures d'achat de lait infantile, une attestation de Mme A...C...et des attestations d'un médecin généraliste indiquant qu'il emmène sa fille en consultation ; que, dès lors, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant en prenant l'arrêté litigieux en date du 16 décembre 2010 ; que par suite, le préfet des Alpes-Maritimes est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a annulé ledit arrêté ;

4. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant le tribunal administratif de Nice ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : ...7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ... "

6. Considérant que si M. D...soutient être entré en France en 2003, il ne prouve pas le caractère habituel de son séjour en France depuis cette date ; qu'en particulier, il a fait l'objet de deux arrêtés de reconduite à la frontière les 7 mars 2005 et 5 mars 2007 ; que par un jugement en date du 1er février 2008, le tribunal correctionnel de Nice l'a condamné à six mois d'emprisonnement et deux ans d'interdiction du territoire national ; que le 29 avril 2010, il a été condamné une nouvelle fois par ce même tribunal à quatre mois d'emprisonnement pour entrée et séjour irrégulier, et a fait l'objet d'une autre reconduite à la frontière le 18 mai 2010 ; que le 8 novembre 2010, il a été condamné par le tribunal correctionnel de Grasse à une peine de six mois d'emprisonnement, et a été incarcéré du 5 octobre 2010 au 13 mai 2011 ; qu'ainsi qu'il a été indiqué au point 3, M. D...n'établit ni la réalité d'une vie commune avec la mère de sa fille, ni l'intensité de ses liens avec cette dernière, âgée d'un an à la date de l'arrêté litigieux ; qu'enfin, M. D...ne démontre, ni même n'allègue, être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt ans alors même que ses parents et son frère résident régulièrement en France ; que, dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, les moyens tirés de la violation des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;

7. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux mentionnés ci-dessus, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6 ° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant (...) " ; que M. D...n'établissant pas vivre avec sa fille ni contribuer à son entretien, il ne peut être regardé comme contribuant effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille de nationalité française depuis sa naissance au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un Etat membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. / 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres : / a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ; / (...) Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. " ; qu'il résulte de l'arrêt de la cour de justice de l'Union européenne du 8 mars 2011, grande chambre, affaire C-34/09, Zambrano c/ ONEM " que l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un État membre, d'une part, refuse à un ressortissant d'un État tiers, qui assume la charge de ses enfants en bas âge, citoyens de l'Union, le séjour dans l'État membre de résidence de ces derniers et dont ils ont la nationalité et, d'autre part, refuse audit ressortissant d'un État tiers un permis de travail, dans la mesure où de telles décisions priveraient lesdits enfants de la jouissance effective de l'essentiel des droits attachés au statut de citoyen de l'Union " ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'établit pas assumer la charge de sa fille de nationalité française ; que, par conséquent, l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de première instance présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Nice doit être rejetée ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 19 septembre 2011 est annulé, en tant qu'il annule l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 16 décembre 2010, qu'il lui enjoint de délivrer à M. D...un titre de séjour et qu'il condamne l'Etat à verser à M. D...une somme de 600 (six cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : La demande de première instance de M. D...n° 112229 est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...D....

''

''

''

''

N° 11MA03892 5

fn


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA03892
Date de la décision : 26/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LOUIS
Rapporteur ?: Mme Anne-Laure CHENAL-PETER
Rapporteur public ?: M. GUIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-11-26;11ma03892 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award