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26/11/2013 | FRANCE | N°11MA00949

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 26 novembre 2013, 11MA00949


Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2011, présentée pour le Syndicat mixte des transports Sillages dont le siège est sis 57 avenue Pierre Sémard à Grasse (06131), par Me A... ; le Syndicat mixte des transports Sillages demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704621 du 17 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en remboursement de la somme de 1 306 797 euros de trop-versé de TVA au titre des années 2001 à 2003 ;

2°) de prononcer la restitution de l'imposition en cause, assortie des intérêts moratoires ;

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) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros au titre de l'article L....

Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2011, présentée pour le Syndicat mixte des transports Sillages dont le siège est sis 57 avenue Pierre Sémard à Grasse (06131), par Me A... ; le Syndicat mixte des transports Sillages demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704621 du 17 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en remboursement de la somme de 1 306 797 euros de trop-versé de TVA au titre des années 2001 à 2003 ;

2°) de prononcer la restitution de l'imposition en cause, assortie des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 6 octobre 2005 Commission c/ République française (C- 243/03) et Commission c/ Royaume d'Espagne (C- 204/03) ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 novembre 2013,

- le rapport de M. Martin, rapporteur ;

- les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;

- et les observations de Me A...pour le Syndicat mixte des transports Sillages ;

1. Considérant que le Syndicat mixte des transports Sillages avait demandé au tribunal administratif de Nice la décharge des droits de taxe à la valeur ajoutée à laquelle il avait été assujetti pour la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 et la condamnation de l'Etat à lui rembourser les cotisations de taxe sur la valeur ajoutée payées au titre de cette période, pour un montant total de 1 306 797 euros ; que, cependant, le tribunal, par jugement du 17 décembre 2010, a rejeté cette demande comme irrecevable, la réclamation exposée devant l'administration fiscale étant, selon les premiers juges, forclose en application des dispositions contenues au c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; que le Syndicat mixte des transports Sillages relève appel de ce jugement ;

Sur le droit à restitution de taxe sur la valeur ajoutée :

2. Considérant que le syndicat mixte requérant, pour demander la restitution de la TVA acquittée à hauteur de 679 012 euros pour 2001 et 627 785 euros pour 2002, entend se prévaloir de deux arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 6 octobre 2005, Commission c/ République française et Commission c/ Royaume d'Espagne ; qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable compte tenu de la date à laquelle ont été rendus les arrêts susvisés de la Cour de justice des Communautés européennes : " Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue. " ; qu'aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : (...) c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation " ;

3. Considérant que seules les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne retenant une interprétation du droit de l'Union qui révèle directement une incompatibilité avec ce droit d'une règle applicable en France sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un événement, au sens et pour l'application de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, et de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre ; qu'en principe, tel n'est pas le cas d'arrêts de la Cour de justice concernant la législation d'un autre Etat membre, sous réserve, notamment, de l'hypothèse dans laquelle une telle décision révélerait, par l'interprétation qu'elle donne d'une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français ;

4. Considérant que, par les deux arrêts susmentionnés du 6 octobre 2005 rendus dans des affaires opposant la Commission à la République française et au Royaume d'Espagne, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que des dérogations au droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée n'étaient permises que dans les cas expressément prévus par la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ; que, plus particulièrement, ces deux arrêts qui prohibent, à titre général, tout mécanisme, direct ou indirect, de limitation des droits à déduction non prévus par la sixième directive, s'agissant notamment des redevables recevant des subventions publiques, constituent des décisions de nature à révéler la non-conformité à la directive de mécanismes de taxation volontaire des subventions conformes à des instructions fiscales au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; qu'ils doivent être regardés comme constituant un événement nouveau au sens du c de l'article R. 196-1 du même livre ;

5. Considérant que l'instruction 3 CA-94 du 8 septembre 1994 prévoyait par ses points 152 et 153 l'application de la règle du prorata de déduction prévue à l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts en vigueur jusqu'au 1er janvier 2008, non seulement aux entreprises qui ne réalisaient pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction mais également aux entreprises dont la totalité du chiffre d'affaires était soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et qui, par ailleurs, percevaient des subventions placées hors du champ d'application de cette taxe ; que, selon cette doctrine, ces subventions devaient être incluses au dénominateur du prorata, ce qui limitait le droit de déduction de ces entreprises ; que, toutefois, il était admis que, s'agissant des subventions versées par une collectivité territoriale à un de ses établissements publics, il était possible, aux fins d'éviter la limitation des droits de déduction, d'opter pour l'assujettissement de ces subventions à la taxe ; qu'en l'espèce, le Syndicat mixte des transports Sillages a choisi, au titre des années en cause, ainsi que lui en donnait la faculté le point 153 de l'instruction du 8 septembre 1994, de soumettre à la TVA les subventions constituées par les virements financiers internes de son budget général à son budget annexe dédié au service des transports, en sorte d'éviter l'application du prorata de déduction prévu à l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts ; que le mécanisme ainsi mis en place tendait effectivement à la limitation, non prévue par la sixième directive susmentionnée du 17 mai 1977, des droits à déduction de taxe sur la valeur ajoutée, l'option ouverte par le point 153 de l'instruction du 8 septembre 1994 devant être regardé comme constituant une modalité d'application du mécanisme et non comme une procédure autonome ;

6. Considérant qu'à ce titre, le syndicat mixte a acquitté les montants susmentionnés de 679 012 euros et 627 785 euros de TVA ; que si l'administration relève que les documents produits, à savoir les déclarations de modèle CA 3 et les bordereaux de titre, ne permettraient pas de corroborer ces montants, elle ne précise pas autrement ce moyen alors qu'il n'est pas contesté que l'administration a fait droit à la demande de restitution du syndicat mixte au titre des années 2004 et 2005 sur la base des mêmes documents ; qu'en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que les sommes dont il est demandé la restitution ne correspondraient pas aux informations contenues dans lesdits documents ;

7. Considérant que, dans ces conditions, et eu égard à l'évènement qu'ont constitué au sens du c de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, les arrêts susmentionnés du 6 octobre 2005 de la Cour de justice des Communautés européennes, le syndicat mixte requérant était en droit, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, de demander, en application des dispositions précitées du troisième alinéa de l'article L. 190 du même livre, par sa réclamation présentée le 10 janvier 2007, la restitution des sommes indûment versées sur le fondement des dispositions du point 153 de l'instruction du 8 septembre 1994 ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Syndicat mixte des transports Sillages est fondé à demander, d'une part, l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice lui a opposé la forclusion de sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée payée au titre des années 2001 à 2003 à hauteur de la somme totale de 1 306 797 euros et, d'autre part, la restitution de ladite somme ;

Sur les intérêts moratoires demandés par le syndicat requérant :

9. Considérant qu'en l'absence de litige né et actuel relatif à un refus de paiement de tels intérêts, les conclusions de l'établissement requérant tendant au versement d'intérêts moratoires sont irrecevables et ne peuvent, pas suite, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le Syndicat mixte des transports Sillages et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0704621 du 17 décembre 2010 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : La somme de 1 306 797 (un million trois cent six mille sept cent quatre-vingt-dix-sept) euros sera restituée au Syndicat mixte des transports Sillages.

Article 3 : L'Etat versera au Syndicat mixte des transports Sillages la somme de 2 000 (deux mille) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du Syndicat mixte des transports Sillages est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat mixte des transports Sillages et au ministre de l'économie et des finances.

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