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25/11/2013 | FRANCE | N°11MA02624

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 25 novembre 2013, 11MA02624


Vu, I, sous le n° 11MA02624, la requête enregistrée le 11 juillet 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour la Société d'aménagement du Cheiron, dont le siège social est 355 route de Draguignan au Tignet (06530), prise en la personne de son représentant légal domicilié ...;

La Société d'aménagement du Cheiron demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0302749 du 6 mai 2011 du tribunal administratif de Nice en ce qu'il n'a condamné le syndicat mixte des stations de Gréolières et de l'Audibergue à lui verser qu'une s

omme de 88 120,50 euros à titre d'indemnisation de son manque à gagner ;

2°) d'...

Vu, I, sous le n° 11MA02624, la requête enregistrée le 11 juillet 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour la Société d'aménagement du Cheiron, dont le siège social est 355 route de Draguignan au Tignet (06530), prise en la personne de son représentant légal domicilié ...;

La Société d'aménagement du Cheiron demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0302749 du 6 mai 2011 du tribunal administratif de Nice en ce qu'il n'a condamné le syndicat mixte des stations de Gréolières et de l'Audibergue à lui verser qu'une somme de 88 120,50 euros à titre d'indemnisation de son manque à gagner ;

2°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a refusé la prise en compte de 274 655 euros de charges directes et semi-directes et de 417 777 euros de charges financières dans l'indemnisation de son manque à gagner ;

3°) de condamner solidairement la commune de Gréolières et le syndicat mixte des stations de Gréolières et de l'Audibergue à lui verser la somme de 2 989 851 euros au titre de l'indemnisation de son manque à gagner résultant de la résiliation, le 8 novembre 2002, de la convention de concession du 30 mai 1986 ;

4°) de dire que ladite somme portera intérêts au taux légal à compter du 26 février 2003 ;

5°) de condamner solidairement la commune de Gréolières et le syndicat mixte des stations de Gréolières et de l'Audibergue à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu, II, sous le n° 13MA02738, la requête enregistrée le 10 juillet 2013 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour le syndicat mixte des stations de Gréolières et de l'Audibergue, agissant par son président en exercice, domicilié..., par Me C...de la SELAS LLC et associés ;

Le syndicat mixte demande à la Cour d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement n° 0302749 du 6 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice l'a condamné à payer à la Société d'aménagement du Cheiron la somme de 88 120,50 euros ;

Le syndicat mixte soutient que :

- sa demande est recevable ;

- le versement des sommes au paiement desquelles il a été condamné lui fait courir le risque d'une perte de ces sommes et présente donc des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens qu'il soulève en appel présentent un caractère sérieux ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 11 octobre 2013, présenté pour la Société d'aménagement du Cheiron, dont le siège est situé Maison du Cheiron à Gréolières (06620) et le siège administratif 355 route de Draguignan au Tignet (06530), prise en la personne de son représentant légal, M. B...E..., domicilié... ;

La Société d'aménagement du Cheiron conclut au rejet de la requête du syndicat mixte ;

La Société d'aménagement du Cheiron soutient que :

- elle est en mesure de restituer les fonds versés en exécution du jugement du tribunal administratif de Nice ;

- les moyens d'appel présentés par le syndicat ne sont pas sérieux ;

- si la juridiction devait envisager de prononcer le sursis à exécution du jugement du 6 mai 2011, elle ne pourrait y faire droit que partiellement ;

Vu le mémoire enregistré le 29 octobre 2013, présenté pour le syndicat mixte des stations de Gréolières et de l'Audibergue, qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;

Le syndicat soutient en outre que la Société d'aménagement du Cheiron organise son insolvabilité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2013 :

- le rapport de M. Thiele, rapporteur,

- les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,

- les observations de Me A...pour la Société d'aménagement du Cheiron ;

- et les observations de Me D...pour le syndicat mixte des stations de Gréolières et de l'Audibergue et la commune de Gréolières ;

1. Considérant que, le 30 mai 1986, la Société d'aménagement du Cheiron et la commune de Gréolières ont conclu une convention portant sur la concession, pour une durée de 30 ans, de réalisation et d'exploitation d'équipements de sport d'hiver ; que, par délibération du 8 novembre 2002, le conseil municipal de Gréolières a autorisé le maire à notifier à la Société d'aménagement du Cheiron la résiliation de cette convention, ainsi que de toutes les conventions en découlant, avec effet immédiat ; que, le 11 mai 2004, a été créé le syndicat mixte des stations de Gréolières et de l'Audibergue dont l'objet est d'aménager et de gérer le domaine skiable de Gréolières et de l'Audibergue ; qu'en application de l'article 3 de ses statuts, ce syndicat a repris à sa charge les conventions et contentieux liés à l'exploitation de ces domaines ; que, par jugement n° 0300046 du 11 mai 2007, le tribunal administratif de Nice a annulé la délibération du 8 novembre 2002, au motif, d'une part, que la résiliation de la convention ne figurait pas sur l'ordre du jour de la réunion du conseil municipal, en méconnaissance de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales et, d'autre part, que la résiliation, qui constituait une sanction, était intervenue sans que la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ait été respectée ; que ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour n° 07MA02941 du 7 décembre 2009 ; que, par jugement n° 0302749 du 7 mai 2008, le tribunal administratif de Nice a condamné le syndicat mixte des stations de Gréolières et de l'Audibergue à verser à la Société d'aménagement du Cheiron la somme de 800 854,82 euros en raison du préjudice que lui a causé la résiliation, dont le tribunal a jugé qu'elle avait été prononcée aux torts de la commune ; que, par le même jugement, le tribunal a prescrit une expertise en vue de déterminer le montant du manque à gagner subi par la Société d'aménagement du Cheiron ; que, par arrêt n° 08MA03724 du 7 décembre 2009, devenu définitif, la Cour a confirmé ce jugement en portant la condamnation prononcée au montant de 1 075 962,44 euros ; que, par un autre jugement n° 0302749 du 6 mai 2011, le tribunal administratif de Nice, statuant au vu du rapport d'expertise du 6 août 2010, dont l'établissement avait été prescrit par le jugement n° 0302749, a condamné le syndicat mixte des stations de Gréolières et de l'Audibergue à verser à la société la somme de 88 120,50 euros au titre de son manque à gagner ;

2. Considérant que la Société d'aménagement du Cheiron demande la réformation de ce jugement ; que, par une requête qui présente à juger les mêmes questions et qu'il y a donc lieu de joindre à la précédente, le syndicat mixte des stations de Gréolières et de l'Audibergue demande que soit prononcé le sursis à exécution du jugement du 6 mai 2011 ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions tendant à l'indemnisation des charges supportées après la résiliation :

3. Considérant que l'arrêt n° 08MA03724 du 7 décembre 2009, devenu définitif, par lequel la Cour a confirmé le jugement n° 0302749 du 7 mai 2008 du tribunal administratif de Nice, en portant la condamnation prononcée au montant de 1 075 962,44 euros, rejette, notamment, les conclusions de la Société d'aménagement du Cheiron tendant à l'indemnisation des pertes annuelles subies par la société en considérant que " la société ne permet pas à la Cour d'apprécier la nature des pertes qu'elle aurait continué à subir du fait des charges qu'elle aurait assumées postérieurement à la résiliation " ; que l'autorité de la chose jugée qui s'attache à cet arrêt s'oppose à ce qu'il soit statué sur les conclusions de la Société d'aménagement du Cheiron tendant à l'indemnisation des charges directes et semi-directes, d'un montant de 274 665 euros, et des charges financières, d'un montant de 417 777 euros, qu'elle aurait supportées alors qu'elle n'était plus concessionnaire ;

En ce qui concerne les autres conclusions :

4. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi que le relève le tribunal administratif de Nice dans le jugement attaqué, l'expert désigné par le président de ce tribunal a, pour évaluer les charges des années 2002 à 2009, utilisé des données fournies par le syndicat mixte des stations de Gréolières et de l'Audibergue ; que ces données ne permettant pas de distinguer les charges se rattachant à l'une et l'autre stations gérées par le syndicat, l'expert a isolé les charges supportées pour l'exploitation de la station de Gréolières en appliquant une clef de répartition ; que, toutefois, un document tardivement fourni par le syndicat mixte et relatif à la seule année 2009 a montré que la clef de répartition retenue par l'expert avait abouti à majorer les charges à hauteur de 50 443 euros, conduisant, par conséquent, à une sous-évaluation du manque à gagner ; que l'expert a précisé à cet égard que " si on voulait utiliser cette donnée, il faudrait répartir la somme de 50 433 euros entre les saisons 2008/2009 et 2009/2010 " ; que le tribunal administratif de Marseille a considéré que cette précision devait le conduire à fixer le montant de la surévaluation des charges, pour chacune des saisons comprises entre 2002 et 2009, à la moitié de cette somme de 50 443 euros ; que, toutefois, il a ainsi fait une interprétation erronée des propos de l'expert, qui signifiaient que ce montant correspondait à une année civile entière, à cheval sur deux saisons de sports d'hiver ; que c'est donc la totalité de cette somme de 50 443 euros, et non sa moitié, qui pouvait être regardée comme représentative de la surévaluation des charges affectant la méthode retenue par l'expert pour chacune des sept années allant du début de la saison de sports d'hiver 2002-2003 à la fin de la saison de sports d'hiver 2008-2009 ; qu'ainsi, en retenant la correction devant être réalisée pour l'année civile 2009 comme représentative des corrections devant être réalisées pour chacune de ces sept années, le montant total de la surévaluation des charges s'établit à 252 165 euros au lieu des 126 082,50 euros retenus par le tribunal administratif ; qu'il sera fait une juste appréciation de cette surévaluation en la fixant à ce montant ; qu'il y a donc lieu de rehausser, à hauteur de la différence entre ces deux chiffres, le montant de l'excédent brut d'exploitation évalué par le tribunal administratif à 876 129,50 euros pour les saisons 2002-2003 à 2008-2009 incluses ; que ce montant doit donc être porté à 1 002 212 euros ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'en revanche, cette correction du montant des charges prises en compte pour le calcul du bénéfice net n'avait pas à être effectuée s'agissant des années 2009 à 2016, dès lors qu'il résulte de l'examen du rapport d'expertise que la méthode utilisée pour déterminer le manque à gagner sur cette période n'est pas fondée sur une évaluation des charges extrapolée des charges effectivement supportées par le syndicat mixte pendant la période antérieure à 2009 ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Marseille, le manque à gagner indemnisable correspond non à l'excédent brut d'exploitation mais au résultat net, qui s'établit sous déduction de toutes charges, et notamment des dotations aux amortissements et des charges financières afférentes ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que la Société d'aménagement du Cheiron soutient que l'évaluation des charges financières pour la dernière phase de la période d'exploitation n'a pas tenu compte du désendettement prévisible de la société pendant cette période, lequel aurait conduit à une réduction des charges financières et, par voie de conséquence, à une augmentation du bénéfice net ; que, toutefois, l'indemnisation due à la société au titre de son manque à gagner pendant la période allant de 2002 à 2016 produit des intérêts au taux légal à compter du 26 février 2003, date de présentation de sa réclamation ; que ces intérêts visent précisément à compenser le manque à gagner résultant, pour la société, de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait d'utiliser, pendant cette période, son bénéfice net pour placer celui-ci et lui faire produire des intérêts ou pour l'affecter à son désendettement et réduire ainsi les intérêts dus par elle ; que le présent arrêt met à la charge du syndicat le paiement des intérêts ; que la société n'établit pas que le montant des charges financières supportées par elle pendant la période litigieuse serait supérieur au montant des intérêts sur la fraction du bénéfice net auquel elle aurait dû renoncer pour rembourser ses dettes ; que, dès lors, elle n'établit pas la réalité du préjudice invoqué à ce titre ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en raison de la surévaluation des charges, qui, ainsi qu'il a été dit au point 4, atteint 252 165 euros et non pas 126 082,50 euros comme l'a jugé le tribunal administratif de Nice, le résultat net global correspondant au manque à gagner de la Société d'aménagement du Cheiron s'établit non pas à 88 120,50 euros, comme il l'a jugé, mais à 214 203 euros ; que la Société d'aménagement du Cheiron a donc droit à l'indemnisation de cette somme, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 26 février 2003, date de réception de la réclamation préalable de la Société d'aménagement du Cheiron ; que, par suite, la Société d'aménagement du Cheiron est seulement fondée à demander la réformation du jugement attaqué dans cette mesure ;

Sur l'appel incident :

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le résultat net calculé par l'expert a été calculé, à tort, sous déduction de charges qui n'auraient pas été effectivement supportées par la Société d'aménagement du Cheiron, et que, corrigé ainsi qu'il a été dit, ce résultat est positif ; que, dès lors, l'appel incident du syndicat mixte des stations de Gréolières et de l'Audibergue et de la commune de Gréolières doit être rejeté ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :

10. Considérant que le présent arrêt, qui statue au fond sur l'appel dirigé contre le jugement attaqué, prive d'objet les conclusions tendant à ce soit prononcé le sursis à exécution dudit jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la Société d'aménagement du Cheiron, qui n'est ni la partie tenue aux dépens, ni la partie perdante dans la présente instance ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de la commune de Gréolières et du syndicat mixte des stations de Gréolières et de l'Audibergue la somme de 2 000 euros à verser à la Société d'aménagement du Cheiron en remboursement des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;

Sur les dépens :

12. Considérant qu'en l'absence de dépens, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la Société d'aménagement du Cheiron tendant à ce que de tels frais soient mis à la charge des intimés ;

D É C I D E :

Article 1er : Le montant de la condamnation mise à la charge du syndicat mixte des stations de Gréolières et de l'Audibergue par le jugement n° 0302749 du 6 mai 2011 du tribunal administratif de Nice est porté à 214 203 euros (deux cent quatorze mille deux cent trois euros).

Article 2 : Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 26 février 2003.

Article 3 : La commune de Gréolières et le syndicat mixte des stations de Gréolières et de l'Audibergue verseront à la Société d'aménagement du Cheiron une somme de 2 000 (deux mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le jugement du 6 mai 2011 du tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il contraire au présent arrêt.

Article 5 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 13MA02738 à fin de sursis à exécution du jugement du 6 mai 2011.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties à l'instance est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la Société d'aménagement du Cheiron, au syndicat mixte des stations de Gréolières et de l'Audibergue et à la commune de Gréolières.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA02624
Date de la décision : 25/11/2013
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-04-02-03 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation. Droit à indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELE
Rapporteur public ?: Mme FELMY
Avocat(s) : CABINET CHRISTIAN BOITEL ; LLC et ASSOCIES ; CABINET CHRISTIAN BOITEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-11-25;11ma02624 ?
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