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12/11/2013 | FRANCE | N°12MA00163

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 12 novembre 2013, 12MA00163


Vu, I, enregistrée le 13 janvier 2012 sous le n° 12MA00163, la requête présentée pour Mme D...B..., demeurant..., par Me C...E... ; Mme B...demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 1001335 rendu le 15 novembre 2011 par le tribunal administratif de Nice ;

- d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Gattières en date du 5 février 2010 portant exclusion temporaire de fonctions de trois mois ;

- de condamner la commune de Gattières au versement d'une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral subis du fait de cette sanction

disciplinaire ;

- de mettre à la charge de la commune de Gattières le paiement...

Vu, I, enregistrée le 13 janvier 2012 sous le n° 12MA00163, la requête présentée pour Mme D...B..., demeurant..., par Me C...E... ; Mme B...demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 1001335 rendu le 15 novembre 2011 par le tribunal administratif de Nice ;

- d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Gattières en date du 5 février 2010 portant exclusion temporaire de fonctions de trois mois ;

- de condamner la commune de Gattières au versement d'une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral subis du fait de cette sanction disciplinaire ;

- de mettre à la charge de la commune de Gattières le paiement d'une somme de

5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu, II, enregistrée le 13 janvier 2012 sous le n° 12MA00164, la requête présentée pour Mme D...B..., demeurant..., par Me C...E... ; Mme B...demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 1004469 rendu le 15 novembre 2011 en tant qu'il a rejeté les conclusions aux fins d'annulation des décisions des 5 février 2010 et 5 juillet 2010, a refusé d'enjoindre au maire de la commune de Gattières de procéder à sa réintégration sur un poste d'ATSEM à l'école Léon Muraille et a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

- d'annuler les arrêtés du maire de Gattières en date des 5 février 2010 l'excluant temporairement de ses fonctions pour une durée de 3 mois et 5 juillet 2010 maintenant son changement d'affectation ;

- d'enjoindre au maire de la commune de Gattières de procéder à sa réintégration sur un poste d'ATSEM à l'école Léon Muraille, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

- de condamner la commune de Gattières au paiement d'une somme de 25 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral qu'elle estime avoir subis du fait des décisions des

16 février 2009, 5 février 2010 et 5 juillet 2010 ;

- de mettre à la charge de la commune de Gattières le paiement d'une somme de

5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 92-850 du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles ;

Vu le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2013,

- le rapport de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur,

- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., substituant MeA..., pour la commune

de Gattières ;

1. Considérant que Mme B...a été recrutée en 1982 par la commune de Gattières en qualité d'agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM) et titularisée dans ce cadre d'emplois en 1983 ; que, par arrêté du maire de la commune de Gattières en date du 17 octobre 2008, Mme B...a été suspendue de ses fonctions ; que le 16 février 2009, elle a été affectée sur un emploi d'agent d'entretien des bâtiments communaux ; que, par arrêté en date du 5 février 2010, le maire a prononcé à son encontre, après avis du conseil de discipline, une exclusion temporaire de fonctions de trois mois aux motifs d'un comportement brutal à l'égard d'un enfant qui aurait eu pour conséquence de lui occasionner une blessure légère et de refus d'obéissance récurrents ; que Mme B...a demandé, le 9 juin 2010, a être réaffectée sur un poste d'ATSEM ; que, toutefois, le maire a, par décision en date du 5 juillet 2010, maintenu l'affectation de l'intéressée au motif qu'il n'était pas souhaitable de lui confier des missions auprès des enfants ; que, par le jugement n° 1001335 du 15 novembre 2011, le tribunal administratif de Nice a rejeté les conclusions aux fins d'annulation dirigées contre la sanction du 5 février 2010 ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions indemnitaires présentées par Mme B...du fait de ladite sanction ; que, par le jugement n° 1004469 rendu le même jour, le tribunal administratif de Nice a annulé le changement d'affectation du 16 février 2009 mais rejeté les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 5 juillet 2010, les conclusions aux fins d'injonction de réintégration en qualité d'ATSEM et les conclusions indemnitaires présentées par l'intéressée ; que Mme B...demande à la Cour d'annuler le premier de ces deux jugements et d'annuler le second en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions ;

2. Considérant que les requêtes enregistrées au greffe de la Cour sous les n° 12MA00163 et 12MA00164 concernent un même fonctionnaire et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;

Sur l'exclusion temporaire de fonctions de trois mois :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Gattières :

3. Considérant qu'aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut être opposée à un requérant ayant introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n'avait présenté aucune demande en ce sens devant l'administration lorsqu'il a formé, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, et ce, quelles que soient les conclusions du mémoire en défense de l'administration ; que lorsque ce mémoire en défense conclut à titre principal, à l'irrecevabilité faute de décision préalable et, à titre subsidiaire seulement, au rejet au fond, ces conclusions font seulement obstacle à ce que le contentieux soit lié par ce mémoire lui-même ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si, à la date du 6 avril 2010 à laquelle Mme B...a saisi le tribunal administratif de Nice, cette dernière ne justifiait d'aucune décision expresse ou tacite lui refusant l'indemnité qu'elle sollicitait, elle a, le 13 août 2010, demandé à la commune de Gattières de lui allouer une indemnité en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait, d'une part, de la sanction du 5 février 2010 et, d'autre part, de son changement et maintien d'affectation sur un poste d'agent d'entretien ; que le 13 septembre 2010, soit avant que le juge de première instance ne statue, un refus explicite a été opposé à cette demande ; qu'aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut donc être opposée aux conclusions de la demande de première instance ;

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :

5. Considérant, en premier lieu, qu'il est reproché à Mme B...d'avoir eu un comportement brutal envers une élève de trois ans inscrite en petite section, lequel aurait causé à cette dernière un érythème fessier et vaginal ; que, cependant, ni les propos imprécis rapportés par l'enfant ni la lettre adressée au proviseur par les parents, qui ont, au demeurant, préféré rester dans l'anonymat ne permettant ainsi pas à Mme B...de se défendre utilement, ni le certificat médical produit ne permettent d'établir que la requérante aurait causé ledit érythème en essuyant les fesses de l'enfant ou eu un comportement brutal envers celle-ci ; que lesdits faits ne pouvaient donc être retenus à l'appui d'une sanction disciplinaire ainsi que l'ont, à juste titre, retenu les premiers juges ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que si ont été reprochés à Mme B...le fait qu'elle aurait préparé pour l'institutrice des calendriers ne comportant que six jours et le fait qu'elle aurait mal collé des feuilles dans les cahiers des enfants, ces faits, à les supposer établis, ne constituent pas une faute disciplinaire ; qu'ils n'étaient donc pas de nature à justifier une sanction ;

7. Considérant, en troisième lieu, que sont également reprochés à Mme B...des refus d'obéissance récurrents dans l'organisation de la sieste, l'intéressée refusant d'assurer seule la surveillance de ladite sieste ; qu'il est constant que Mme B...a, quelles que soient les mentions indiquées dans le règlement intérieur qu'elle a signé, refusé de se conformer aux ordres du proviseur de l'établissement qui n'étaient pas manifestement illégaux et ainsi commis une faute ;

8. Considérant qu'il ne résulte cependant pas de l'instruction que le maire aurait pris la même sanction s'il ne s'était fondé que sur les refus d'obéissance fautifs précités ; qu'en effet, il ressort du procès-verbal du conseil de discipline qui s'est tenu le 3 mars 2009, qu'avant la plainte des parents de l'enfant qui aurait été brutalisé le 9 octobre 2008, le maire avait rencontré Mme B... pour lui proposer une médiation et un aménagement de ses missions ; que l'incident du 9 octobre 2008 a donc été déterminant dans le choix, d'une part, de l'engagement d'une procédure disciplinaire et d'autre part, de l'intensité de la sanction retenue ;

9. Considérant qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision du 5 février 2010 ;

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

10. Considérant, en premier lieu, que Mme B...sollicite une indemnisation au titre des trois mois de salaires non réglés pendant la période d'exclusion temporaire de fonctions ; qu'il y a lieu de condamner la commune de Gattières à verser à ce titre à l'intéressée la somme de 3 983, 76 euros ;

11. Considérant, en second lieu, que la sanction litigieuse, prise, en partie, au motif d'un comportement brutal envers un enfant, lequel n'est nullement établi par les pièces du dossier, a causé à l'intéressée un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 1 500 euros ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement n° 1001335 rendu le 15 novembre 2011 par le tribunal administratif de Nice doit être annulé, ensemble la décision d'exclusion temporaire de fonctions pendant trois mois en date du 5 février 2010 ; qu'il y a lieu également de condamner la commune de Gattières à verser à l'intéressée, du fait des préjudices causés par cette sanction, la somme globale de 5 483, 76 euros ;

Sur le changement d'affectation :

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :

13. Considérant qu'il résulte tant de la décision du 16 février 2009 que de celle du 5 juillet 2010 que le changement d'affectation de Mme B...a été décidé afin d'éviter tout contact avec les enfants ; que, cependant, ainsi qu'il a été dit précédemment, le comportement brutal de l'intéressée à l'égard d'un enfant n'est nullement établi ; que si, dans ses écritures en défense, la commune intimée fait également état de ce que la requérante aurait eu des relations conflictuelles avec les enseignantes de l'école maternelle dans laquelle elle exerçait ses fonctions, tel n'était pas le motif des décisions contestées ; que, par ailleurs, la commune ne demande pas expressément à la Cour de procéder à une substitution de motifs ; que, dans ces conditions, le changement d'affectation de Mme B...et son maintien sur un emploi d'agent d'entretien ne sont pas justifiés par l'intérêt du service ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés à l'appui de la requête n° 12MA00164, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1004469, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision du 5 juillet 2010 ;

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction de réintégration sur un emploi d'ATSEM au sein de l'école Léon Muraille :

15. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme B...a été admise à faire valoir ses droits à la retraite ; que ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Gattières de la réintégrer sur un emploi d'ATSEM au sein de l'école Léon Muraille sont donc devenues sans objet ;

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

16. Considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas établi ni même d'ailleurs allégué que le changement d'affectation de Mme B...aurait généré, pour celle-ci, des pertes de revenus ou, plus généralement, un quelconque préjudice pécuniaire ;

17. Considérant en second lieu, que le changement d'affectation de Mme B...pour un motif infondé, a généré, d'une part, une modification importante des tâches confiées à l'intéressée et, d'autre part, des contraintes en terme d'organisation ; que ce changement d'affectation a été à l'origine, pour la requérante, d'un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 1 500 euros ;

18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement n° 1004469 rendu le 15 novembre 2011 par le tribunal administratif de Nice doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 5 juillet 2010 ainsi que les conclusions indemnitaires présentées par MmeB... ; qu'il y a lieu de condamner la commune de Gattières à verser à l'intéressée, du fait du préjudice moral causé par son changement d'affectation la somme de 1 500 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

20. Considérant que les dispositions susmentionnées font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeB..., qui n'est pas la partie perdante, le paiement des frais exposés par la commune de Gattières et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Gattières le paiement d'une somme globale de 2 000 euros qui sera versée à Mme B...sur le même fondement ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1001335 rendu le 15 novembre 2011 par le tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : Le jugement n° 1004469 rendu le 15 novembre 2011 par le tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 5 juillet 2010 ainsi que les conclusions indemnitaires présentées par MmeB....

Article 3 : L'arrêté en date du 5 février 2010 par lequel le maire de la commune de Gattières a exclu temporairement Mme B...pour une durée de trois mois est annulé, ensemble la décision du 5 juillet 2010 par laquelle le changement d'affectation de Mme B...a été maintenu.

Article 4 : La commune de Gattières est condamnée à verser à Mme B...la somme globale de 6 983, 76 euros (six mille neuf cent quatre vingt trois euros et soixante seize centimes).

Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 6 : La commune de Gattières versera à Mme B...la somme de 2 000 euros (deux mille euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Les conclusions présentées par la commune de Gattières en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...et à la commune de Gattières.

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N° 12MA00163 - 12MA001642


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA00163
Date de la décision : 12/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation - Affectation.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT-DOMINGUEZ
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : CABINET VALENTINI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-11-12;12ma00163 ?
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