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30/09/2013 | FRANCE | N°12MA02735

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 30 septembre 2013, 12MA02735


Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n°12MA02735, présentée pour M. C... B..., demeurant au..., par Me A... ;

M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202461 du 4 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 1er juin 2012, notifié à l'intéressé à la même date à 11 h 30, par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé l'Ar

ménie comme pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décisi...

Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n°12MA02735, présentée pour M. C... B..., demeurant au..., par Me A... ;

M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202461 du 4 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 1er juin 2012, notifié à l'intéressé à la même date à 11 h 30, par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé l'Arménie comme pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans les huit jours de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 septembre 2013 le rapport de Mme Carotenuto, rapporteur ;

1. Considérant que M. B..., de nationalité arménienne, relève appel du jugement du 4 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 1er juin 2012 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé l'Arménie comme pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet (...) d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre (...) 10°. L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi " ;

3. Considérant que M.B..., entré en France en 2008, fait valoir qu'il souffre de troubles psychologiques liés à un syndrome de stress post-traumatique pour lesquels il bénéficie d'un suivi et d'une prise en charge médicale en France ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux produits par le requérant et émanant de différents spécialistes, que M. B...présente " un état anxio-dépressif " nécessitant un suivi et un traitement médicamenteux réguliers et qu'il est d'ailleurs suivi régulièrement depuis novembre 2011 ; qu'à cet égard, un certificat daté du 5 juin 2012, émanant d'un médecin psychiatre, atteste que M. B..." présente une symptomatologie dépressive caractérisée en rapport avec angoisse anticipatrice d'une expulsion prochaine en Arménie. (...) il m'apparaît que le risque de passage à l'acte auto-agressif soit significatif en cas d'imminence de cette reconduite " ; qu'un certificat médical daté du 9 février 2012 témoigne de ce que l'intéressé est " effectivement porteur d'une cicatrice de laparotomie médiane sus-ombilicale, mesurant 15 cm de long et 1 cm de large, rétractile (...) La pathologie anxieuse correspond à une anxiété généralisée, à des attaques de panique, à des cauchemars thématiques centrés sur l'agression dont il a été victime en Arménie. (...) Donc l'ensemble est bien caractérisé de l'évolution péjorative d'un syndrome post-traumatique. (...) il ne peut être traité médicalement dans son pays d'origine (...) il ne peut, non plus, voyager sans risques pour lui vers son pays d'origine car il s'y sent sans cesse menacé (ici, à juste raison) " ; que, dans les circonstances de l'espèce, M. B...doit donc être regardé, compte tenu de la gravité et de l'origine de son affection, comme ne pouvant bénéficier d'un traitement approprié en Arménie ; que, dès lors, l'arrêté du 1er juin 2012 du préfet des Pyrénées-Orientales prononçant l'obligation de M. B... de quitter le territoire français sans délai et fixant l'Arménie comme pays de destination a été pris en méconnaissance des dispositions précitées ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; que selon l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ; que l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas " ;

6. Considérant qu'à la suite de l'annulation d'une décision d'obligation de quitter le territoire français, il incombe à l'autorité administrative, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'une obligation de quitter le territoire et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ; qu'il y a lieu, en l'espèce, d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de se prononcer sur la situation de M. B...dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M.B..., qui n'est pas la partie perdante, verse la somme que demande le préfet des Pyrénées-Orientales au titre de frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros que M.B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 4 juin 2012 et la décision du 1er juin 2012 du préfet des Pyrénées-Orientales sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de réexaminer la situation de M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros (mille deux cents euros) à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de l'Etat présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

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N° 12MA02735


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA02735
Date de la décision : 30/09/2013
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme FELMY
Avocat(s) : SCP VIAL - PECH DE LACLAUSE - ESCALE - KNOEPFFLER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-09-30;12ma02735 ?
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