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24/09/2013 | FRANCE | N°10MA03347

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 24 septembre 2013, 10MA03347


Vu la requête, enregistrée le 23 août 2010, présentée pour M. et Mme D...B..., demeurant..., par Me A... ; M. et Mme B... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904537 du 15 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes, qui leur sont réclamées au titre des années 2005 et 2006 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de décider qu'il se

ra sursis à l'exécution du jugement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 00...

Vu la requête, enregistrée le 23 août 2010, présentée pour M. et Mme D...B..., demeurant..., par Me A... ; M. et Mme B... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904537 du 15 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes, qui leur sont réclamées au titre des années 2005 et 2006 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 septembre 2013,

- le rapport de Mme Haasser, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;

1. Considérant que l'EURL SGI, qui a son siège à La Réunion et a pour objet de permettre à des particuliers de bénéficier des avantages fiscaux instaurés par le code général des impôts en faveur des investissements réalisés outre-mer, a créé de nombreuses sociétés en participation (SEP) dont elle assurait la gestion ; que chaque SEP était chargée de la réalisation d'une opération et devait acheter à un fournisseur un ou plusieurs matériels qu'elle inscrivait à son actif afin de les louer ensuite à un artisan ou entrepreneur dans des conditions ouvrant droit aux avantages instaurés par l'article 199 undecies B du code général des impôts ;

que M. et MmeB..., qui ont apporté des fonds à plusieurs SEP Faucon dont ils sont devenus associés, ont bénéficié des avantages fiscaux correspondant à leur investissement dans ces SEP ; que, toutefois, suite à la vérification de comptabilité de l'EURL SGI, des SEP Clématite et des locataires, dont MmeC..., l'administration a remis en cause ces avantages fiscaux au motif que les opérations réalisées par les SEP ne remplissaient pas, en réalité, les conditions exigées par les dispositions du code général des impôts, en ce que les investissements, destinés aux entreprises C...et Kenjee TP n'étaient pas effectifs en 2005, étaient surfacturés et dépourvus de l'agrément nécessaire ; qu'ainsi, la réduction d'impôt de 35 286 euros pratiquée par les époux B...au titre de l'année 2005 a été réduite par une proposition de rectification qui leur a été adressée le 2 octobre 2008 ; qu'ils relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 juillet 2010 ayant rejeté leur demande en décharge du supplément d'impôt sur le revenu de 15 713 euros ainsi réclamé ;

Sur les conclusions à fin de sursis à statuer :

2. Considérant que si M. et Mme B...concluent à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente du jugement pénal à intervenir à la suite de la plainte déposée par l'EURL SGI pour faire reconnaître les fraudes dont elle aurait été victime, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au juge administratif de surseoir à statuer dans l'attente de cette décision, ni d'attendre la fin de l'instruction ouverte depuis 2006 ; que ces conclusions doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.... " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 2 octobre 2008 adressée aux requérants expose les motifs pour lesquels la réduction fiscale litigieuse a été remise en cause au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2005 et renvoie à un extrait des courriers qui ont été expédiés à chacune des sociétés en participation pour décrire les anomalies relevées, puis les récapitule dans un tableau ; que les requérants, qui soutiennent que les extraits de courriers adressés à ces sociétés n'auraient pas visé les constatations effectuées dans le cadre de la procédure pénale en cours et que la proposition de rectification n'est étayée d'aucune pièce justifiant les allégations de l'administration, ne sauraient contester, pour ces motifs, la motivation en la forme de la proposition de rectification, dès lors que la critique ainsi développée porte sur le bien-fondé des rectifications proposées ; qu'il en est de même de la circonstance que la société SGI ne serait pas critiquable car en possession de tous les documents requis par le dispositif ; que M. et MmeB..., qui ont été mis en mesure de formuler utilement leurs observations, ne sont pas fondés à soutenir que la motivation des rectifications qu'ils contestent serait insuffisante au regard des prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

5. Considérant que la circonstance qu'un tribunal de commerce ait, dans le cadre d'un différend d'ordre privé concernant, au demeurant, des personnes distinctes, estimé qu'une proposition de rectification était insuffisante et ne pouvait être retenue comme élément de preuve, est inopérante ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. (...) Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 ou un groupement mentionné aux articles 239 quater ou 239 quater C, dont les parts sont détenues directement, ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement. La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. " ; qu'aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II au code général des impôts : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit bail " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur du droit à déduction du montant total des investissements que peut exercer l'entreprise est constitué, soit par la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé, soit par la livraison effective de l'immobilisation dans les départements concernés ; que le droit à déduction n'est ouvert qu'à compter du moment où l'investissement peut être effectivement exploité et être productif de revenus ; qu'il revient au contribuable qui revendique un avantage fiscal d'établir en remplir les conditions ;

7. Considérant qu'il ressort des documents douaniers produits par le service que les biens n'ont été livrés à La Réunion que le 7 février 2006, les procès-verbaux de réception fournis en dernier lieu par les requérants n'étant pas probants à cet égard, dès lors que seul le fournisseur IPC (en fait, un revendeur) a apposé sa signature sur ce document émis le 17 novembre 2005 depuis l'Ile Maurice, lieu de son siège, alors que les biens ont été expédiés de France (siège du fabricant Elumatec) directement vers les locataires de La Réunion, et que le locataire a signé ce même document sans y apposer aucune date ; que c'est, dès lors, à bon droit que l'administration s'est fondée sur ces motifs pour estimer que les investissements n'avaient pas été réalisés en 2005 et n'ouvraient pas droit à réduction d'impôt au titre de cette année ; que, dans ces conditions, les circonstances que les matériels n'auraient pas été surfacturés, contrairement à ce qu'a estimé le service, et que l'administration s'est fondée, à tort, sur l'absence d'agrément préalable, sont sans incidence sur la solution ; qu'au demeurant, si, en application du II de l'article 199 undecies du code, le seuil de 300 000 euros s'apprécie au niveau de la SEP qui a inscrit le bien à son actif, il n'est pas justifié que les programmes de la SEP au titre de l'année 2005 ne dépasseraient pas ce seuil ; qu'ainsi, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que les sommes en cause ont bien été versées par les requérants ou que ceux-ci aient été de bonne foi ou dans l'incapacité technique de vérifier la réalité de l'investissement, le service était fondé à remettre en cause la réduction d'impôt pratiquée ;

8. Considérant, enfin, que M. et Mme B...se prévalent du principe communautaire de proportionnalité selon lequel les Etats membres de l'Union européenne doivent avoir recours à des moyens qui, tout en permettant d'atteindre efficacement l'objectif poursuivi par le droit interne, portent le moins possible atteinte aux objectifs et aux principes posés par la législation communautaire en cause ; que, toutefois, ce principe ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que lorsque la situation dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit de l'Union européenne ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, étant rappelé que l'article 199 undecies B du code général des impôts n'a pas été adopté par le législateur pour la mise en oeuvre du droit de l'Union européenne et que la réduction d'impôt prévue par ce texte est régie seulement par la loi fiscale nationale, à l'application de laquelle l'administration est tenue ; qu'ainsi, les avantages en litige ne sont pas établis dans le cadre des pouvoirs que les directives communautaires confèrent aux Etats membres ; qu'enfin, aucune violation d'une liberté instaurée par le traité sur l'Union européenne n'est invoquée ;

9. Considérant que l'arrêt Netto de la Cour de justice de l'Union européenne cité par les requérants s'applique à la TVA et non à l'impôt sur le revenu, et que l'arrêt du Conseil d'Etat du 27 juillet 2005 n° 244671 traite de la liberté d'établissement et de circulation des capitaux, ou de la discrimination fondée sur la nationalité, domaines étrangers à l'investissement outre-mer ; que, par suite, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance de ce principe, ni de tout autre régissant le droit communautaire ; que, par ailleurs, la reprise de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts, qui procède du constat objectif de l'absence de son fait générateur en 2003, sans remettre en cause la bonne foi des contribuables, ne revêt pas le caractère d'une sanction et ne saurait utilement être qualifiée de disproportionnée ; que la circonstance que le service a appliqué aux quatre protagonistes une amende fondée sur l'article 1740 du code, empêchant de restituer son apport à l'investisseur M.B..., est sans influence sur la solution du litige, régie par l'application du texte de loi en vigueur en 2003, quelles que soient ses modifications ultérieures ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme B...la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D...B...et au ministre de l'économie et des finances.

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N° 10MA03347


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA03347
Date de la décision : 24/09/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. LOUIS
Rapporteur ?: Mme Anita HAASSER
Rapporteur public ?: M. GUIDAL
Avocat(s) : COSICH AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-09-24;10ma03347 ?
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