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04/07/2013 | FRANCE | N°10MA03038

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 04 juillet 2013, 10MA03038


Vu la requête, enregistrée le 2 août 2010, présentée pour l'EURL Rosa, dont le siège est Parc Tertiaire Valgora à La Valette-du-Var (83160), par Me A...; l'EURL Rosa demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0603518 du 8 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée réclamés pour la période de janvier 2000 à décembre 2002 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée et des pénalités y afférentes ;

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) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du ...

Vu la requête, enregistrée le 2 août 2010, présentée pour l'EURL Rosa, dont le siège est Parc Tertiaire Valgora à La Valette-du-Var (83160), par Me A...; l'EURL Rosa demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0603518 du 8 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée réclamés pour la période de janvier 2000 à décembre 2002 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 juin 2013,

- le rapport de Mme Haasser, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;

1. Considérant que l'EURL Rosa, qui exploite un restaurant-brasserie dans une zone de bureaux sur la commune de La Valette-du-Var (Var), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité visant les années 2000 à 2002, au terme de laquelle elle a été assujettie à des suppléments de TVA procédant, d'une part, d'une reconstitution de ses recettes commerciales et, d'autre part, de la substitution du taux de droit commun au taux réduit dont elle avait fait application sur les ventes qu'elle avait déclarées comme étant à emporter ; qu'elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 8 juin 2010 ayant refusé de la décharger des droits supplémentaires et des pénalités ainsi mis à sa charge ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

S'agissant du rejet de la comptabilité :

2. Considérant que pour justifier le caractère probant de sa comptabilité, la société soutient que les tickets " Z " journaliers présentés au vérificateur constituent des relevés détaillés des opérations de caisse de nature à justifier la consistance des recettes journalières ; que le vérificateur n'a pas justifié que les prestations correspondant à certaines factures de location de matériel n'auraient pas été comptabilisées ; enfin, que le fait que 1 829 bouteilles de vin achetées (soit 13 % seulement des bouteilles revendues) n'auraient pas été soumises à recettes s'explique par les pertes, offerts, la consommation du personnel, l'utilisation en cuisine et les vols ;

3. Considérant que la société utilise une caisse enregistreuse dont les fonctionnalités sont placées sous sa responsabilité, mais n'a présenté que les tickets " Z " dont elle reporte le total sur un journal de caisse tenu quotidiennement, et non les bandes de contrôle de sa caisse, non éditées selon l'aveu du gérant, ni les rouleaux de caisse, ni les doubles des notes clients, non conservés selon le rapport à la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, bien que les serveurs utilisent des carnets à souches à trois feuillets, alors qu'en leur qualité de " pièces de recettes de nature à justifier l'exactitude des résultats " selon la définition de l'article 54 du code général des impôts, l'article L. 102 B du livre des procédures fiscales prescrit de les conserver durant six ans, l'article 286-I-3 du code exigeant de son côté qu'en cas de comptabilisation journalière globale des ventes au détail inférieures à soixante-seize euros, l'entreprise conserve malgré tout les pièces justifiant ces chiffres ;

4. Considérant que le gérant a indiqué que les tickets " Z " étaient incomplets car ils ne mentionnaient pas les détails figurant sur les notes clients (numéro de table, nombre de couverts, détail des plats, date et numéro d'opération en caisse), fait aggravé par les inévitables erreurs de manipulation, annulations de tables, globalisation des tickets restaurant pourtant individualisables, conduisant à éditer de nouvelles notes clients mais sans modification corrélative des tickets " Z " ; que le vérificateur a matérialisé ces lacunes en constatant par exemple des discordances entre le nombre de repas offerts et leur montant total sur les tickets " Z ", l'explication du gérant (il s'agirait de régularisations pour les menus à prix fixe ou de la soustraction directe des offerts sur les ventes) laissant à penser que les tickets " Z " indiquent des montants nets ne permettant pas de retracer la chronologie complète de l'opération ; que dès lors que la caisse enregistreuse permet de telles modifications ou annulations de commandes sans affecter la continuité de la numérotation et sans laisser de trace desdites opérations, il aurait fallu disposer des rouleaux de caisse ou des bandes de contrôle pour les vérifications, et l'on ne peut se fier exclusivement aux seuls tickets " Z " pour valider les montants déclarés au titre des recettes, sans que pour autant soit remise en cause la bonne foi du gérant ; qu'à défaut de bande de contrôle de la caisse, le gérant aurait dû à tout le moins conserver les notes clients journalières classées chronologiquement et numérotées en continu ;

5. Considérant que la société ne peut affirmer que le service ne démontre pas ses critiques de la comptabilité, car, concernant les discordances, le vérificateur en donne des exemples dans sa notification : non-concordance entre le nombre des titres restaurant sur les " Z " et celui sur le bordereau de dépôt de la centrale de règlement des titres (CRT), l'explication en étant, selon l'aveu du gérant, leur globalisation par table, ou encore discordance entre les divers repas offerts et le montant global de ceux-ci sur les " Z " journaliers, le gérant reconnaissant que les offerts sur les " Z " servent aussi aux régularisations ; que la société a été questionnée sur les incohérences et ne peut soutenir que le vérificateur aurait inventé les discordances sans les démontrer ;

6. Considérant que le vérificateur a relevé en outre que la société n'avait pas justifié que les prestations correspondant à certaines factures de location de matériel ont bien été comptabilisées, ainsi les factures du fournisseur Lunch Service pour la location de matériel pour des réceptions de 80 puis 100 personnes les 20 septembre 2000 et 27 mai 2003, le ticket " Z " de la journée ne mentionnant pas les recettes correspondantes ; que l'explication consistant à dire qu'il s'agirait d'échecs (soirée non tenue) n'est pas vérifiable ; qu'il en est de même pour la facture Lunch du 2 avril 2001 pour une manifestation à l'extérieur de 90 personnes et pour la facture Myriade du 7 juillet 2001 relative à une réception du samedi (jour de fermeture) 30 juin, les faits constatés étant en contradiction avec les explications données durant le contrôle, où le gérant admettait organiser des séminaires ou des apéritifs en soirée et reconnaissait parfois comptabiliser les ventes sur place en ventes à emporter ; que bien qu'il ne s'agisse que de quatre factures, leur nature et leur montant ne sont pas négligeables ;

7. Considérant que le vérificateur a enfin constaté, en effectuant un rapprochement entre les factures de vins présentées, les ventes de vins et les inventaires de stocks, rapprochement possible malgré les imperfections comptables, que 1 829 bouteilles de vin achetées (soit 9 %, 17 % et 16 % des bouteilles revendues) n'ont pas été soumises à recettes, cette proportion ne pouvant s'expliquer par les pertes, offerts, la consommation du personnel, l'utilisation en cuisine et les vols, qui ne sont d'ailleurs pas justifiés et revêtiraient un caractère par trop volumineux et trop systématique ;

8. Considérant que si dans son avis notifié le 4 janvier 2005, la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'a formulé aucune opinion sur la validité de la comptabilité, elle a noté que la société reconnaissait certaines omissions de recettes et a invité les parties à poursuivre le débat (ce qu'elles ont fait le 11 janvier 2005 sans trouver d'accord), étant observé que la charge de la preuve de l'irrégularité de la comptabilité revient toujours à l'administration ; qu'en l'espèce, au vu des éléments susvisés, l'administration a établi le caractère non probant de la comptabilité de l'EURL Rosa ;

S'agissant de la reconstitution des recettes, dont le bien-fondé est à justifier par l'administration :

9. Considérant que le vérificateur n'a reconstitué que les recettes de l'activité " brasserie " en prenant soin d'extourner de ses calculs les recettes " bar " ; qu'il a mis en oeuvre la méthode dite des vins, consistant dans un premier temps à reconstituer les achats revendus de vins à partir du dépouillement des factures d'achat de vins, en tenant compte des variations de stocks, de l'absence de vente de vin en pichet et en écartant le vin consommé en cuisine (s'il est identifié comme provenant du fournisseur Promocash, seul le gérant a pu lui indiquer ce fait) puis en appliquant les prix de vente par catégorie ressortant du dialogue, de la carte des menus et des éléments des tickets " Z " ; qu'il a ensuite, à partir des tickets " Z ", déterminé mois par mois les ventes de vins et les ventes brasserie, en séparant les ventes bar, puis le rapport ventes vins / ventes totales brasserie, de 9,98 % pour 2000 ; que ce rapport appliqué aux achats revendus reconstitués de vins a permis de calculer les ventes reconstituées ;

10. Considérant que ce montant a été pondéré de 3 % (5 % pour 2002), couvrant les pertes et offerts puis régularisé par la variation des stocks et la prise en compte du vin consommé au verre, de sorte que les omissions de recettes s'élèvent à 100 835 francs, 23 927 euros et 34 527 euros, soit des rappels de TVA de 19 764 francs, 4 690 euros et 6 767 euros ;

11. Considérant que si l'EURL Rosa soutient que cette méthode revient à reconstituer un chiffre d'affaires " solides " en utilisant la marge (9,98 %) calculée sur des " liquides ", traditionnellement plus élevée que la marge sur les solides, et qu'il convient de tenir compte, outre du coefficient, du nombre de produits solides consommés pour corriger cette marge, il est rappelé que la reconstitution repose sur la méthode des liquides et non sur la marge vins mais sur la proportion moyenne des vins dans une note client, qui ne sera pas affectée par les écarts de marge solides / liquides ; qu'en outre, la méthode des solides supposerait de déterminer les prix de revient des plats servis pour en tirer une marge, ce qui n'a pas été fait, le service ayant le choix de ses méthodes sous le contrôle du juge ; qu'une méthode " mixte " associant marge sur liquides et solides ne serait pas davantage fiable ;

12. Considérant que la société ne propose pas de calculs alternatifs fondés sur ses critiques, car, en se bornant à avancer un correctif de marge non étayé par des faits concrets et à chiffrer un exemple tenant compte d'une ventilation théorique entre recettes vins au bar et recettes vins en brasserie pour en conclure que les minorations auraient été moindres si le vérificateur avait opéré une telle ventilation, elle ne conteste pas utilement la démonstration du service, dont il est rappelé qu'il a écarté le chiffre d'affaires " bar " de ses calculs et s'est fondé sur les conditions d'exploitation concrètes de l'établissement ; que pas davantage sa proposition de retenir un couvert moyen de 15,41 euros tiré de la caisse enregistreuse ne peut être retenue, en l'absence de comptabilité probante ; que ce reproche ne peut être adressé au vérificateur, qui a calculé le rapport vins/recettes tickets " Z " sans recourir aux données comptables ;

13. Considérant que par suite, l'administration a établi le bien-fondé des omissions de recettes et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée opérés ;

S'agissant des rappels de 10 562 euros, 12 110 euros et 13 527 euros de TVA sur les ventes à emporter :

14. Considérant que l'EURL Rosa soutient que la motivation du rappel de TVA sur les ventes à emporter repose sur une instruction administrative déclarée illégale ; que toutefois, la notification indique que le rappel est fondé également, et valablement, sur les dispositions des articles 278 et 278 bis du code général des impôts, aux termes desquelles, dans leur rédaction alors applicable : " Le taux normal de la TVA est fixé à 19,60 % ", et " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les produits suivants : 1° Eau et boissons non alcooliques ; 2° Produits destinés à l'alimentation humaine " ; qu'ainsi, les ventes à emporter de produits alimentaires bénéficiaient du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en revanche, les ventes de produits alimentaires, dont la réalisation s'accompagne de la mise à disposition du client de services permettant la consommation sur place, présentent, lorsque les services qui résultent de cette mise à disposition sont prépondérants par rapport à la livraison des produits, le caractère d'une prestation de services passible du taux normal de taxe sur la valeur ajoutée ;

15. Considérant que la société soutient effectuer des ventes à emporter, d'ailleurs dûment enregistrées en comptabilité au taux de 5,5 %, et que le vérificateur a par erreur soumis l'ensemble de ses recettes au taux normal au motif que le critère de distinction entre ventes à emporter et à consommer sur place, tiré du caractère jetable ou non des emballages et visé dans l'instruction référencée 3 C-1-94 du 22 décembre 1993, n'était pas respecté, alors que ladite instruction a été annulée ;

16. Considérant que seules ont été annulées par le juge les dispositions de l'instruction du 22 décembre 1993 prévoyant une répartition forfaitaire du chiffre d'affaires entre les deux formes de ventes, fondée sur la surface exploitée ; que ladite instruction prévoit par ailleurs, dans ses dispositions non annulées, que les contribuables gardent la faculté de déclarer un autre montant de ventes à emporter que celui résultant d'une répartition forfaitaire, à condition d'en justifier ; qu'il résulte de l'instruction que l'EURL Rosa n'a pu justifier du montant de ses ventes à emporter autrement que par des attestations de ses clients, établies postérieurement à la requête et de ce fait sans valeur probante ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Rosa n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à l'EURL Rosa la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'EURL Rosa est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Rosa et au ministre de l'économie et des finances.

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N° 10MA03038 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA03038
Date de la décision : 04/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : M. LOUIS
Rapporteur ?: Mme Anita HAASSER
Rapporteur public ?: M. GUIDAL
Avocat(s) : SELARL PATRICK GEORGES et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-07-04;10ma03038 ?
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