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18/06/2013 | FRANCE | N°10MA04725

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 18 juin 2013, 10MA04725


Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 30 décembre 2010 la requête présentée pour la société B...Import Export, dont le siège social est situé Villa III, le Méridien, Impasse de la Brague, à Antibes (06600), par MeA... ;

La société B...Import Export demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701381, en date du 19 octobre 2010, par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer jusqu'au jugement se prononçant sur la validité des pièces arguées de faux et à la décharge des droits suppléme

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Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 30 décembre 2010 la requête présentée pour la société B...Import Export, dont le siège social est situé Villa III, le Méridien, Impasse de la Brague, à Antibes (06600), par MeA... ;

La société B...Import Export demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701381, en date du 19 octobre 2010, par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer jusqu'au jugement se prononçant sur la validité des pièces arguées de faux et à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 30 janvier 2004 au 31 décembre 2004 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge desdites impositions ;

3°) de condamner l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à lui verser la somme de 10 000 euros ;

................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2013,

- le rapport de M. Louis, président rapporteur ;

- et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier que la société B...Import Export, qui avait été constituée le 30 janvier 2004 entre M.B..., qui exerce les fonctions de gérant, et son épouse, aux fins d'exercer une activité d'import/export et de négoce de matériel électronique, a commercialisé auprès de sociétés britanniques des téléphones portables et des composants électroniques qu'elle avait achetés à des sociétés établies en Allemagne, au Danemark, en Autriche, au Luxembourg et en Espagne ; que selon les éléments recueillis par l'administration fiscale, les marchandises, sans avoir transité par le territoire français, sont demeurées, lors des transactions, sur des plateformes logistiques anglaises ; que la société B...Import Export a déposé au titre de l'année 2004 une déclaration annuelle de chiffre d'affaires aux termes de laquelle elle aurait déclaré des montants de TVA collectée correspondant aux ventes, tout en constatant, parallèlement, un droit à déduction sur ses achats ; que la société a fait l'objet d'un contrôle de facturation dans le cadre du droit d'enquête prévu aux articles L. 80 F et suivants du livre des procédures fiscales, puis d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 30 janvier au 31 décembre 2004, à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause le régime de TVA appliqué par la société, en estimant que les achats effectués devaient être soumis au régime particulier prévu, en substance, au II de l'article 258 C du code général des impôts, lequel ne permettait pas, selon l'administration, l'exercice du droit à déduction ; que le service a procédé aux rappels de taxe correspondant ; que ces rappels ont été assortis de la majoration de 80 % pour manoeuvre frauduleuse, la société B...Import Export se voyant, en outre, infliger l'amende prévue par les dispositions de l'article 1788 sexies du code général des impôts, pour défaut de production de la déclaration d'échange de biens au titre des mois de mars, avril et mai 2004 ; qu'elle relève régulièrement appel du jugement en date du 19 octobre 2010, par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge desdites sommes ;

Sur la régularité du jugement entrepris :

2. Considérant que la société B...Import Export, qui soutenait devant les premiers juges que les documents sur lesquels l'administration s'était appuyée pour asseoir les redressements litigieux et notamment les factures d'achats et de ventes étaient des faux, fait grief au jugement entrepris de n'avoir pas prononcé, en vue de lui permettre de saisir le juge judiciaire d'une demande d'inscription en faux, le sursis à statuer qu'elle avait sollicité ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 633-1 du code de justice administrative : " Dans le cas d'une demande en inscription de faux contre une pièce produite, la juridiction fixe le délai dans lequel la partie qui l'a produite sera tenue de déclarer si elle entend s'en servir. / Si la partie déclare qu'elle n'entend pas se servir de la pièce, ou ne fait pas de déclaration, la pièce est rejetée. Si la partie déclare qu'elle entend se servir de la pièce, la juridiction peut soit surseoir à statuer sur l'instance principale jusqu'après le jugement du faux rendu par le tribunal compétent, soit statuer au fond, si elle reconnaît que la décision ne dépend pas de la pièce arguée de faux. " ; que si la société requérante faisait valoir qu'elle avait été victime d'une escroquerie par l'usurpation de ses références et de son numéro de TVA intracommunautaire, les premiers juges ont estimé que la contestation de la société requérante quant à l'authenticité des factures ayant servi à asseoir le redressement n'était pas sérieuse ;

4. Considérant que les premiers juges ont à juste titre relevé que la société B...Import Export a été constituée en vue de réaliser les opérations d'achat-revente dont elle soutenait devant eux qu'elles auraient été effectuées à son insu par des tiers qui auraient usurpé son identité ; qu'ils ont également relevé que la société requérante avait en sa possession tous les justificatifs de ces opérations, lors du contrôle de facturation mené dans le cadre du droit d'enquête ou lors de la vérification de comptabilité et que c'est son gérant qui les a remis dans les deux cas au vérificateur ; que la seule circonstance qu'elle ait déposé, le 9 décembre 2005, une plainte pour abus de confiance, faux et usage de faux, ayant donné lieu à l'ouverture d'une instruction pénale sur commission rogatoire internationale, n'est pas suffisante à établir que ladite plainte aurait connu une suite ou qu'elle serait, après quelques huit années d'instruction, sur le point d'aboutir à une mise en examen ; que la société requérante entend, au surplus, soutenir que les factures d'achats qui lui ont été délivrées par ses fournisseurs étrangers et qui portaient mention de son numéro de T.V.A. intracommunautaire sont des faux au seul motif qu'elle ne les a pas elle-même établies ; qu'une telle contestation est dépourvue de caractère sérieux, dès lors, comme l'a relevé à juste titre le Tribunal, que le client n'est en tout état de cause pas habilité, en l'absence de mandat de facturation, à établir les factures d'achat ; que le gérant de la société a, enfin, reconnu au cours de la vérification de comptabilité avoir lui-même communiqué le numéro intracommunautaire de la société à des tiers qu'il n'a pas souhaité désigner ; que si la requérante fait valoir que les factures en litige comportent un numéro de téléphone et de fax erronés, qu'y est reporté son numéro de gestion au registre du commerce et des sociétés d'Antibes et non son numéro d'immatriculation, que les références du dirigeant qui y sont mentionnées correspondent aux références caractéristiques des pays anglo-saxons, que les documents sont rédigés en anglais, langue que ne maîtrise pas son gérant et que la signature portée sur les factures n'est ni celle du gérant ni celle de l'épouse de ce dernier, aucun de ces griefs ne saurait prospérer, dès lors qu'il est constant que c'est le gérant de la société qui a communiqué à ses clients les références du compte bancaire de la société où étaient versées les commissions relatives aux opérations intracommunautaires facturées et que c'est lui qui a ouvert ledit compte bancaire au nom de la société ; qu'à ces factures étaient, en outre, annexés les modalités de paiement mentionnant le nom du gérant de la société, des " ordres de relâche " des marchandises aux termes desquels il était demandé aux plateformes anglaises sur lesquelles transitaient les marchandises facturées, que ces dernières soient relâchées directement aux clients anglais ; qu'il ressort, au demeurant, de l'examen du procès-verbal de clôture d'enquête dressé le 29 octobre 2004 que le gérant a également admis d'emblée avoir donné son accord à ces ordres de relâche dont la société conservait une copie et dont elle n'a pas remis en cause la validité avant de faire l'objet d'un rappel d'impôt ; que dans ces conditions, et nonobstant les inexactitudes ou les incohérences relevées, la contestation de la société requérante quant à l'authenticité de ces factures ne présentait pas un caractère sérieux ; que sa demande d'inscription de faux avait donc un caractère dilatoire qui justifiait le refus de sursis à statuer que les premiers juges ont pu, sans avoir méconnu les dispositions de l'article R. 633-1 du code de justice administrative, lui opposer ;

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

5. Considérant qu'aux termes du II de l'article 258 C du code général des impôts : " Le lieu de l'acquisition est réputé se situer en France si l'acquéreur a donné au vendeur son numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France et s'il n'établit pas que l'acquisition a été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée dans l'Etat membre de destination des biens./ Toutefois, si l'acquisition est ultérieurement soumise à la taxe dans l'Etat membre où est arrivé le bien expédié ou transporté, la base d'imposition en France est diminuée du montant de celle qui a été retenue dans cet Etat. " ; que ces dispositions, qui ont réalisé la transposition des objectifs de la directive n° 91/680/CEE du Conseil, en date du 16 décembre 1991, modifiant l'article 28 ter, A, paragraphe 2 de la" sixième directive TVA " ont pour objet et pour effet, lorsqu'un assujetti qui effectue des opérations taxables en France, acquiert des biens meubles corporels dans un autre Etat membre, qu'il expédie ou transporte directement dans un troisième Etat membre, à destination de ses clients, de réputer l'opération imposable en France à la double condition que l'acquéreur ait donné à son fournisseur son numéro d'identification à la TVA en France et s'il ne peut établir que l'acquisition a été soumise à la TVA dans l'Etat membre de destination des biens ;

6. Considérant qu'il résulte de l'examen de la proposition de rectification, que le service, après avoir estimé que les opérations réalisées constituaient des opérations triangulaires, les achats étant effectués dans divers pays de l'Union européenne pour être revendus en Grande-Bretagne, sans que pour autant les marchandises ne transitent par la France, a relevé que les factures délivrées aux clients anglais ne comportaient pas certaines mentions légales obligatoires, que la société n'avait déposé en France aucun état récapitulatif de ses clients britanniques et n'avait non plus souscrit aucune déclaration d'échange de biens et en a déduit que les opérations relevaient du dispositif prévu au II de l'article 258 C du code général des impôts ; que l'administration a enfin constaté que la société avait donné à ses fournisseurs son numéro d'identification à la TVA en France et qu'elle n'établissait pas que les acquisitions avaient été soumises à la TVA en Grande-Bretagne, Etat membre de destination des biens et en a déduit que les opérations étaient imposables en France ;

7. Considérant, en premier lieu, que la requérante fait grief au jugement entrepris d'avoir considéré qu'elle participait volontairement à un circuit de fraude de type " carrousel de TVA ", en se fondant sur les seules allégations de l'administration ; qu'un tel moyen est inopérant, dès lors que l'administration n'a pas, ainsi que le soutient à tort la société requérante, fondé les redressements en litige sur le caractère fictif des livraisons et la fraude à la TVA, mais sur les règles de territorialité prévues par les dispositions précitées de l'article 258 C du code général des impôts, même si elle a relevé que l'activité de la société s'insérait dans un circuit de fraude à la TVA, révélé notamment par la circonstance que la société revendait les produits achetés à un prix inférieur à leur prix d'achat ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la société B...Import Export tiré également argument de la circonstance que son gérant exploitait, par ailleurs, une entreprise de miroiterie à Antibes, et n'avait, selon elle ni le temps, ni les contacts qui lui auraient permis de réaliser les opérations internationales que l'administration lui imputerait à tort ; qu'il ne résulte, toutefois, d'aucune pièce du dossier que les opérations menées par la société, seule redevable de l'impôt, auraient nécessité une présence à plein temps de son gérant, alors même qu'il résulte de l'instruction que la société B...Import Export exerçait pour l'essentiel une activité d'intermédiaire de commerce au titre de laquelle elle percevait des commissions ; que cette activité n'impliquait ni déplacements, ni investissement en temps incompatibles avec les autres activités de son gérant ;

9. Considérant, en troisième lieu, que la requérante soutient qu'elle n'aurait exercé aucune activité économique, au sens des dispositions de la sixième directive TVA ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la société agissait comme un intermédiaire, dès lors que le gérant, M. B...a, en l'espèce, déclaré aux agents de la direction nationale des enquêtes fiscales qui ont diligenté un droit d'enquête et à l'agent de police judiciaire, qui a reçu le 9 décembre 2005 sa plainte, que la société B...Import Export réalisait une activité d'intermédiaire de commerce et qu'elle percevait en contrepartie des commissions, les opérations d'achats et de ventes étant au demeurant retracées sur les factures détenues par la société au moment du contrôle ; que le service a également mis en évidence que la société avait encaissé sur son compte bancaire une partie des sommes payées par les clients anglais auxquels elle facturait les marchandises, le surplus des sommes facturées étant réparti entre les fournisseurs et divers intervenants, dont trois sociétés, l'une établie à Dubaï, l'autre au Pakistan et la troisième à Chypre, laquelle était d'ailleurs inconnue des services fiscaux de son pays ; que dans la mesure, au surplus, où aucun contrat ne permet d'établir que la société requérante aurait agi au nom ou pour le compte d'autrui, à l'achat ou à la vente, elle ne peut être regardée que comme l'acquéreur ou le vendeur des biens ;

10. Considérant enfin que la société invoque également la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne aux termes de laquelle il a été jugé, s'agissant du droit à déduction de la TVA pour des participants à un circuit de fraude " carrousel de TVA ", que ce droit ne peut s'apprécier qu'au vu de la situation de l'assujetti concerné lui-même et que ce droit n'est perdu par son titulaire que s'il participe en connaissance de cause à une circuit de fraude ; qu'un tel moyen est toutefois inopérant, dès lors, comme il a été dit plus haut, que les redressements en litige trouvent leur fondement légal, non dans l'exercice frauduleux du droit à déduction, mais dans les seules règles de territorialité posées au II de l'article 258 C du code général des impôts ;

Sur les pénalités :

11. Considérant que pour fonder les pénalités pour manoeuvre frauduleuse qui ont été imposées à la société requérante, l'administration a relevé que celle-ci n'avait pas respecté ses obligations déclaratives en ne déposant, d'une part, pas ses déclarations d'échange de biens, en ne remplissant pas correctement, d'autre part, ses déclarations de TVA et en entendant, de troisième part, se prévaloir du régime réel simplifié d'imposition en matière de TVA ; que ces omissions doivent être regardées comme volontaires et de nature à faire obstacle à la détection de l'organisation mise en place par les protagonistes de la fraude ; que le service a également pu, à bon droit, prendre en compte la circonstance que la société B...Import Export participait à un " carrousel de TVA " ; qu'il résulte de ce qui précède que la requérante, en se bornant à soutenir qu'elle était étrangère aux opérations litigieuses, n'est pas fondée à demander la décharge des pénalités mises à sa charge ;

12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société B...Import Export n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été assignés au titre de la période courant du 30 janvier 2004 au 31 décembre 2004 ; que doivent donc également être rejetées par voie de conséquence ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société B...Import Export est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société B...Import Export et au ministre de l'économie et des finances.

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N° 10MA04725 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA04725
Date de la décision : 18/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Territorialité.

Procédure - Instruction - Pouvoirs généraux d'instruction du juge - Inscription de faux.


Composition du Tribunal
Président : M. LOUIS
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques LOUIS
Rapporteur public ?: M. GUIDAL
Avocat(s) : CABINET BABLED - FOATA - PAGAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-06-18;10ma04725 ?
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