Vu la requête, enregistrée le 29 novembre 2011, présentée pour le département de l'Aude, dont le siège est situé Allée Raymond Courrière à Carcassone Cedex 9 (11855), pris en la personne de son président en exercice, par MeA... ;
Le département de l'Aude demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001444 du 23 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté n° 2009-11-2449 du 1er décembre 2009 par lequel le préfet de l'Aude a classé en catégorie C les digues en rive gauche de l'Aude sur le territoire de la commune de Coursan et a prescrit les mesures nécessaires à leur mise en conformité avec les dispositions du code de l'environnement, en tant que cet arrêté concerne les tronçons n° 10, 11, 12 et 13 dont il serait le propriétaire, et, d'autre part, de la décision du préfet de l'Aude en date du 17 mars 2010 rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces deux décisions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que celle de 35 euros au titre des dépens ;
Il soutient que :
- l'arrêté préfectoral est entaché d'un vice de procédure dès lors que le département est désigné comme un pétitionnaire alors qu'il n'a jamais présenté une quelconque demande d'autorisation ;
- la digue constitue une protection contre les inondations et appartient ainsi au domaine public fluvial et non au domaine public routier départemental ;
- aucun transfert de propriété n'a été effectué à son profit ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que les tronçons de digue, qu'il n'a pas édifié, servaient de soubassement à la route départementale au soutien et à la protection de laquelle ils sont nécessaires et qu'il en était par suite propriétaire ;
- la digue appartient à l'Etat, qui l'a construite, ou aux communes de Cuxac-d'Aude et de Coursan, qui en assurent l'entretien ;
- le tronçon n° 13 ne relève pas de la domanialité publique compte tenu de la présence de maisons d'habitations privées sur la digue entre le fleuve et la route ;
- la digue fait l'objet d'une superposition d'affectations, au sens de l'article L. 2123-7 du code général de la propriété des personnes publiques, mais il ne peut être devenu propriétaire par prescription acquisitive, laquelle est incompatible avec les règles de la domanialité publique ;
- le préfet a opéré à tort une confusion des ouvrages alors que la digue n'appartient pas au domaine public routier tel que défini par les articles L. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques et R. 111-1 du code de la voirie routière ;
- la reconnaissance verbale de la propriété de la digue qui aurait été faite lors d'une réunion de travail n'emporte pas titre de propriété ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les observations en réponse à la communication de la requête, enregistrées le 13 avril 2012, présentées pour la commune de Coursan, représentée par son maire en exercice, par la SCP d'avocats Pech de Laclause, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge du département de l'Aude au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La commune fait valoir que :
- c'est à juste titre que le tribunal a retenu, d'une part, la notion d'accessoire pour intégrer la digue au domaine routier départemental et, d'autre part, qu'une digue n'appartient pas au domaine public fluvial ;
- le fait qu'elle a réalisé des travaux d'entretien de la digue en vertu de ses pouvoirs de police administrative n'a aucune incidence sur la propriété de l'ouvrage ;
Vu le courrier du 14 janvier 2013 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close par l'émission d'une ordonnance de clôture ou d'un avis d'audience, sans information préalable ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 mars 2013, présenté par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut au rejet de la requête ;
La ministre fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 avril 2013, présenté pour le département de l'Aude, qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens, que la requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code de la voirie routière ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 2007-1735 du 11 décembre 2007 relatif à la sécurité des ouvrages hydrauliques et au comité technique permanent des barrages et des ouvrages hydrauliques et modifiant le code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2013 :
- le rapport de M. Chanon, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;
- et les observations de MeB..., substituant la SCP d'avocats Pech de Laclause, pour la commune de Coursan ;
1. Considérant que, par arrêté n° 2009-11-2449 du 1er décembre 2009, le préfet de l'Aude, après en avoir désigné les propriétaires, a classé en catégorie C les digues en rive gauche de l'Aude sur le territoire de la commune de Coursan et a prescrit les mesures nécessaires à leur mise en conformité avec les dispositions des articles R. 214-115 à R. 214-117, R. 214-122 à R. 214-125, R. 214-140 à R. 214-144 et R. 214-147 du code de l'environnement ; que le département de l'Aude a introduit un recours contentieux à l'encontre de cet arrêté ainsi que de la décision du préfet de l'Aude en date du 17 mars 2010 rejetant son recours gracieux, en contestant être le propriétaire des tronçons n° 10, 11, 12, 13, 18 et 19 ; que, par jugement du 23 septembre 2011, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté préfectoral pour ce qui concerne les tronçons n° 18 et 19 et rejeté le surplus de la demande ; que le département de l'Aude relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions relatives au tronçons n°10 à 13 ;
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 214-115 du code de l'environnement : " I .-Le propriétaire ou l'exploitant ou, pour un ouvrage concédé, le concessionnaire (...) d'une digue de classe A, B ou C réalise une étude de dangers (...). Il en transmet au préfet toute mise à jour. II.-Pour les ouvrages existant à la date du 1er janvier 2008, le préfet notifie aux personnes mentionnées au I l'obligation de réalisation d'une étude de dangers pour chacun des ouvrages concernés, et indique le cas échéant le délai dans lequel elle doit être réalisée (...) " ; que les articles R. 214-116 et R. 214-117 de ce code sont relatifs aux conditions de réalisation et d'actualisation de l'étude de danger ; que les articles R. 214-122 à R. 214-125 définissent les documents que doit tenir à jour tout propriétaire ou exploitant d'une digue ainsi que ses obligations de surveillance et d'entretien de l'ouvrage ; que les articles R. 214-140 à R. 215-144 et R. 214-147 précisent ces obligations ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 2111-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Font également partie du domaine public les biens des personnes publiques (...) qui, concourant à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la digue en cause a été édifiée au plus tard au XIX ème siècle dans le but de protéger les populations contre les crues de l'Aude, sans que la personne qui a procédé à cette édification ne soit connue ; que la digue comporte au niveau de son sommet, sur les tronçons en cause, la route départementale n° 1118, anciennement chemin vicinal de grande communication ; que le département de l'Aude soutient que, contrairement à ce que mentionne l'arrêté préfectoral, il n'est pas propriétaire des tronçons de digue en litige ;
5. Considérant que les tronçons n° 10 à 13 de la digue sont nécessaires au soutien de la route départementale n° 1118 ; qu'ils constituent ainsi une dépendance de cette voie qui n'appartiendrait au domaine public départemental, en vertu des principes aujourd'hui codifiés à l'article L. 2111-2 du code général de la propriété des personnes publiques, que si la digue était la propriété du département de l'Aude ; qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier que tel serait le cas, les services de l'Etat n'apportant, hors le caractère accessoire à la route départementale, aucun élément en ce sens ; que, par suite, l'arrêté préfectoral doit être regardé comme étant entaché d'illégalité en tant qu'il attribue la propriété des tronçons n° 10 à 13 au département de l'Aude ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le département de l'Aude est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en tant qu'elle concernait les tronçons n° 10 à 13 ; que, par suite, le jugement, l'arrêté préfectoral du 1er décembre 2009 et la décision du préfet de l'Aude en date du 17 mars 2010 doivent, dans cette mesure, être annulés ;
Sur les dépens :
7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du même code : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ;
8. Considérant qu'en application de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 35 euros que le département de l'Aude demande au titre de la contribution pour l'aide juridique ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
10. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, tenu aux dépens, la somme de 2 000 euros que le département de l'Aude demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens par la commune de Coursan, qui n'a pas la qualité de partie à l'instance ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 23 septembre 2011 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions du département de l'Aude relatives aux tronçons n° 10 à 13 de la digue en rive gauche de l'Aude sur le territoire de la commune de Coursan. L'arrêté du préfet de l'Aude en date du 1er décembre 2009 et la décision du préfet de l'Aude en date du 17 mars 2010 rejetant le recours gracieux du département de l'Aude sont, dans cette mesure, annulés.
Article 2 : L'Etat versera au département de l'Aude la somme de 35 (trente cinq) euros au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ainsi que celle de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Coursan tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département de l'Aude, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et à la commune de Coursan.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2013, où siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- M. Chanon, premier conseiller,
- Mme Jorda-Lecrocq, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mai 2013.
Le rapporteur,
R. CHANON Le président,
J.-L. BEDIER
Le greffier,
V. DUPOUY
La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
''
''
''
''
N° 11MA04426 2
acr