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23/04/2013 | FRANCE | N°11MA02870

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 23 avril 2013, 11MA02870


Vu le recours, enregistré le 25 juillet 2011, présenté par le préfet des Bouches-du-Rhône, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler dans son entier le jugement n° 1103060 du 23 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé ses décisions du 22 mars 2011 portant, à l'encontre de M. A..., obligation de quitter le territoire français et fixation du pays à destination duquel il sera renvoyé à défaut d'exécution volontaire dans le délai d'un mois ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille

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Vu le recours, enregistré le 25 juillet 2011, présenté par le préfet des Bouches-du-Rhône, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler dans son entier le jugement n° 1103060 du 23 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé ses décisions du 22 mars 2011 portant, à l'encontre de M. A..., obligation de quitter le territoire français et fixation du pays à destination duquel il sera renvoyé à défaut d'exécution volontaire dans le délai d'un mois ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille portant désignation, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, de Mme Evelyne Paix, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bédier, président de la 7ème chambre ;

Vu la décision du 20 septembre 2011 par laquelle la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A...a été rejetée ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

Vu l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux ressortissants des Etats de l'Union européenne soumis à des dispositions transitoires ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 2 avril 2013, le rapport de M. Chanon, premier conseiller ;

1. Considérant que, par arrêté du 22 mars 2011, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé l'admission au séjour de M.A..., de nationalité marocaine, et assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français fixant le pays à destination duquel l'intéressé sera renvoyé à défaut d'exécution volontaire dans le délai d'un mois ; que le préfet des Bouches-du-Rhône doit être regardé comme demandant l'annulation du jugement du 23 juin 2011 en tant que ce jugement a annulé, par l'article 1er, l'obligation de quitter le territoire français, lui a enjoint, par l'article 2, de procéder au réexamen de la situation de M. A... et a mis à sa charge, par l'article 3, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par la voie de l'appel incident, M. A...demande l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre le refus de séjour ;

Sur l'appel incident de M. A...:

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'examen de la décision portant refus de titre de séjour opposée à M.A..., qui vise notamment certaines dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le préfet a rappelé les considérations de droit qui en constituent le fondement ; que l'arrêté mentionne également les éléments en possession de l'administration sur les conditions d'entrée et de séjour en France de l'intéressé ainsi que sur le métier dont il s'est prévalu à l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail ; que, dès lors, la décision contestée est suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-7 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du même code : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 " ;

4. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la décision portant refus de séjour que le préfet ne s'est pas borné à constater que le métier de cuisinier invoqué par M. A...à l'appui de sa demande ne figurait pas, pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, sur la liste des métiers annexée à l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ; que, par suite, l'administration n'a pas commis d'erreur de droit ;

5. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, malgré les documents versés aux débats, que le métier de cuisinier ou de chef de cuisine, qui n'est pas inscrit sur la liste précédemment mentionnée, serait caractérisé par des difficultés de recrutement dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, la circonstance qu'il figure sur la liste nationale annexée à l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux ressortissants des Etats de l'Union européenne soumis à des dispositions transitoires étant dépourvue d'incidence ; qu'à supposer même établi que M.A..., qui a fait l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 24 décembre 2008 exécuté le 4 janvier 2009, aurait vécu en France de 2004 à 2008 puis à compter de juin 2009, et en dépit des témoignages relatifs à ses compétences professionnelles, le préfet n'a pas, dans l'ensemble des circonstances de l'espèce, entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

7. Considérant que M.A..., né en 1977, est célibataire sans enfant ; que l'essentiel de sa famille réside au Maroc ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la durée et des conditions de séjour en France de M.A..., évoquées au point 6 du présent arrêt, et quand bien même il ferait preuve d'une bonne intégration professionnelle, le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ; qu'ainsi, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont été méconnues ;

8. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet doit consulter la commission du titre de séjour lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour à un étranger relevant de l'une des catégories mentionnées à l'article L. 313-11, et non du cas de tous les étrangers qui s'en prévalent ; qu'eu égard aux développements qui précèdent, le moyen tiré de ce que la commission du titre de séjour aurait dû être consultée doit être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M.A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en tant qu'elle était dirigée contre le refus de séjour ;

Sur l'appel principal du préfet des Bouches-du-Rhône :

10. Considérant, d'une part, qu'aux termes du sixième considérant introductif de la directive du 16 décembre 2008, dite " directive retour " : " Les États membres devraient veiller à ce que, en mettant fin au séjour irrégulier de ressortissants de pays tiers, ils respectent une procédure équitable et transparente. Conformément aux principes généraux du droit de l'Union européenne, les décisions prises en vertu de la présente directive devraient l'être au cas par cas et tenir compte de critères objectifs, ce qui implique que l'on prenne en considération d'autres facteurs que le simple fait du séjour irrégulier. Lorsqu'ils utilisent les formulaires types pour les décisions liées au retour, c'est-à-dire les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d'interdiction d'entrée ainsi que les décisions d'éloignement, les États membres devraient respecter ce principe et se conformer pleinement à l'ensemble des dispositions applicables de la présente directive " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette directive : " Aux fins de la présente directive, on entend par : (...) 4) " décision de retour " : une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d'un ressortissant d'un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour ; 5) " éloignement " : l'exécution de l'obligation de retour, à savoir le transfert physique hors de l'Etat membre (...) " ; qu'aux termes de l'article 6, relatif à la fin du séjour irrégulier et à la décision de retour : " 1. Les États membres prennent une décision de retour à l'encontre de tout ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 à 5. / 2. Les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d'un État membre et titulaires d'un titre de séjour valable ou d'une autre autorisation conférant un droit de séjour délivrés par un autre État membre sont tenus de se rendre immédiatement sur le territoire de cet autre État membre. En cas de non-respect de cette obligation par le ressortissant concerné d'un pays tiers ou lorsque le départ immédiat du ressortissant d'un pays tiers est requis pour des motifs relevant de l'ordre public ou de la sécurité nationale, le paragraphe 1 s'applique. / 3. Les État membres peuvent s'abstenir de prendre une décision de retour à l'encontre d'un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire si le ressortissant concerné d'un pays tiers est repris par un autre État membre en vertu d'accords ou d'arrangements bilatéraux existant à la date d'entrée en vigueur de la présente directive. Dans ce cas, l'État membre qui a repris le ressortissant concerné d'un pays tiers applique le paragraphe 1. / 4. À tout moment, les États membres peuvent décider d'accorder un titre de séjour autonome ou une autre autorisation conférant un droit de séjour pour des motifs charitables, humanitaires ou autres à un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire. Dans ce cas, aucune décision de retour n'est prise. Si une décision de retour a déjà été prise, elle est annulée ou suspendue pour la durée de validité du titre de séjour ou d'une autre autorisation conférant un droit de séjour. / 5. Si un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d'un État membre fait l'objet d'une procédure en cours portant sur le renouvellement de son titre de séjour ou d'une autre autorisation lui conférant un droit de séjour, cet État membre examine s'il y a lieu de s'abstenir de prendre une décision de retour jusqu'à l'achèvement de la procédure en cours, sans préjudice du paragraphe 6. / 6. La présente directive n' empêche pas les États membres d'adopter une décision portant sur la fin du séjour régulier en même temps qu'une décision de retour et/ou une décision d'éloignement et/ou d'interdiction d'entrée dans le cadre d' une même décision ou d'un même acte de nature administrative ou judiciaire, conformément à leur législation nationale, sans préjudice des garanties procédurales offertes au titre du chapitre III ainsi que d'autres dispositions pertinentes du droit communautaire et du droit national " ; qu'aux termes de l'article 7 de cette directive, relatif au " départ volontaire " : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux (...) " ; qu'aux termes de l'article 8, intitulé " éloignement " : " 1. Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n'a été accordé pour un départ volontaire conformément à l'article 7, paragraphe 4, ou si l'obligation de retour n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7. (...) / 3. Les États membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l'éloignement (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 12 de la directive, paragraphe 1 : " Les décisions de retour (...) ainsi que les décisions d'éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles " ;

11. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " I. L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. (...) L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration (...) " ;

12. Considérant que tout justiciable peut faire valoir, par voie d'exception, qu'après l'expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives communautaires ; qu'il peut également se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires ; que, s'agissant de la directive du 16 décembre 2008, le délai imparti aux Etats membres pour la transposer expirait, en vertu du paragraphe 1 de son article 20, le 24 décembre 2010 ;

13. Considérant qu'une mesure portant obligation de quitter le territoire français constitue une décision de retour au sens des articles 3 et 6 de la directive du 16 décembre 2008 ; que les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation, sont incompatibles avec les objectifs définis par l'article 12 de la directive, disposant qu'une décision de retour doit être motivée en fait et en droit ; que ces dernières dispositions, précises et inconditionnelles, peuvent être utilement invoquées à l'appui de la contestation d'une obligation de quitter le territoire français ;

14. Considérant qu'il résulte de la combinaison du sixième considérant introductif et de l'article 6 de la directive que les États membres prennent une décision de retour à l'encontre de tout ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, après examen de la situation particulière de l'intéressé, sans que cette décision puisse être fondée sur le seul caractère irrégulier du séjour ; qu'ainsi, lorsque l'étranger ne fait pas l'objet d'une régularisation, l'édiction d'une décision de retour constitue la règle générale définie par le paragraphe 1 de l'article 6, sauf exceptions prévues aux paragraphes 2 à 5 du même article, lesquelles ne revêtent aucun caractère impératif ; qu'aucune disposition de la directive du 16 décembre 2008 ne fait obstacle à ce qu'une décision de retour accompagne un refus de séjour ; que ce dernier peut, le cas échéant, mettre fin au séjour régulier de l'étranger, notamment en abrogeant le récépissé de demande de carte de séjour, valant autorisation provisoire de séjour, qui lui avait été précédemment délivré ;

15. Considérant que, lorsqu'une obligation de quitter le territoire français assortit un refus de séjour, lequel, par nature, déclare implicitement illégal le séjour de l'étranger en France, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 ; que, si le préfet doit tenir compte des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives aux catégories d'étrangers ne pouvant faire l'objet d'une mesure d'éloignement, ainsi que de celles des paragraphes 3 à 5 de l'article 6 de la directive, aucun texte n'impose une motivation spécifique indiquant que ces dispositions ne sont pas méconnues ; qu'en l'espèce et ainsi qu'il a déjà été dit, le refus de séjour satisfait à l'obligation de motivation ;

16. Considérant que les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile laissent, de façon générale, un délai d'un mois pour le départ volontaire de l'étranger qui fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'un tel délai d'un mois est égal ou supérieur à la durée de trente jours prévue par l'article 7 de la directive à titre de limite supérieure du délai devant être laissé pour un départ volontaire ; que, par suite, alors même que ni les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni celles de l'article 7 de la directive ne font obstacle à ce que le délai de départ volontaire soit prolongé, le cas échéant, d'une durée appropriée pour les étrangers dont la situation particulière le nécessiterait, l'autorité administrative, lorsqu'elle accorde ce délai d'un mois, n'est pas tenue de motiver sa décision sur ce point si l'étranger, comme en l'espèce, n'a présenté aucune demande en ce sens ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet des Bouches-du-Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a accueilli, pour annuler l'obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré du défaut de sa motivation ;

18. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.A..., tant en appel qu'en première instance, à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;

19. Considérant qu'il ne résulte pas de la lecture de l'arrêté en litige que le préfet des Bouches-du-Rhône se serait estimé à tort en situation de compétence liée au regard du délai de départ de volontaire d'un mois déterminé par le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans examiner la situation particulière de l'intéressé ;

20. Considérant qu'il suit de ce qui a été dit au point 16 que doit être écarté le moyen tiré de ce que le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est incompatible, au regard du délai de départ volontaire, avec l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 ;

21. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en ne prolongeant pas le délai de départ volontaire d'un mois, quelles qu'en soient les conséquences sur la situation professionnelle et financière de M.A..., lequel travaillait en France sans autorisation de travail ;

22. Considérant que l'appelant n'ayant pas établi que le refus de séjour était illégal, il ne peut se prévaloir de ce que l'obligation de quitter le territoire français dont il est assorti serait privée de base légale ;

23. Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une telle mesure à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi ou un accord international prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; que, toutefois, comme il a déjà été dit, M. A... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour ; que le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté ;

24. Considérant que, pour les mêmes raisons qu'en ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français, eu égard à ses effets, n'a pas portée une atteinte excessive au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

25. Considérant, enfin, que, dans ce contexte, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration aurait apprécié de façon manifestement erronée les conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de M.A... ;

26. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que le préfet des Bouches-du-Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé a annulé l'obligation de quitter le territoire français, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. A... et a mis à sa charge une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par suite, le jugement doit, dans cette mesure, être annulé ; qu'en revanche, doivent être rejetées les conclusions incidentes présentées par M.A..., y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 1er , 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 juin 2011 sont annulés.

Article 2 : Les demandes présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 22 mars 2011 portant obligation de quitter le territoire français, d'autre part, à ce qu'une mesure d'injonction de réexamen de sa situation soit prononcée et, enfin, à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les conclusions qu'il a présentées devant la Cour, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

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N° 11MA02870

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA02870
Date de la décision : 23/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : HUBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-04-23;11ma02870 ?
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