Vu la décision n° 344388 du 9 mai 2012, enregistrée le 29 mai 2012, par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, d'une part, annulé les articles 3 et 4, prescrivant une expertise, de l'arrêt de la Cour n° 07MA01397 du 6 septembre 2010 et, d'autre part, renvoyé l'affaire devant la Cour dans cette mesure ;
Vu la requête, enregistrée le 20 avril 2007 sous le n° 07MA01397, présentée pour la commune de Fleury-d'Aude, représentée par son maire, par Me Charrel, de la SCP Charrel et associés ;
La commune de Fleury-d'Aude demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 0204820 du 29 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de recettes n° 02/006771 d'un montant de 2 286 735,26 euros émis à son encontre par le département de l'Aude le 6 août 2002 ;
2°) de constater la nullité de la convention de mandat en date du 24 mai 1988 et de ses deux avenants ainsi que de la convention de cession de créance du 27 décembre 1995 ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler le titre de recettes précédemment mentionné ;
4°) de mettre à la charge du département de l'Aude une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tant que de besoin, les dépens de l'instance ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mars 2013 :
- le rapport de M. Chanon, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;
- les observations de Me Soulet pour la commune de Fleury d'Aude et de Me Rapp pour le département de l'Aude ;
Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 14 mars 2013, présentée pour le département de l'Aude, par Me Rapp ;
Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 22 mars 2013, présentée pour la commune de Fleury d'Aude, par Me Soulet ;
1. Considérant que, par un marché signé le 31 mars 1988, la commune de Fleury-d'Aude a confié à la société Rougerie la maîtrise d'oeuvre de la création d'un observatoire sous-marin puis, par convention en date du 24 mai 1988, a délégué la maîtrise d'ouvrage de l'opération à la société d'économie mixte d'équipement et d'aménagement de l'Aude (SEMEAA), ensuite devenue société Aude Aménagement ; que la société a dénoncé unilatéralement la convention de mandat par exploit d'huissier du 23 mars 1990 ; que, par une convention de cession de créance conclue le 27 décembre 1995, la société Aude Aménagement a cédé au département de l'Aude, pour un montant de 15 000 000 francs, soit 2 286 735,26 euros, la créance qu'elle détenait sur la commune de Fleury-d'Aude à raison de la convention de mandat qui les liait ; que, le 6 août 2002, le département a émis à l'encontre de la commune un titre exécutoire en vue de recouvrer cette somme ; que, par jugement du 29 décembre 2006, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la commune de Fleury-d'Aude tendant à l'annulation de ce titre ; que, par arrêt 07MA01397 du 6 septembre 2010, la Cour a rejeté les conclusions de la commune de Fleury-d'Aude tendant à la nullité de la convention de mandat, de ses avenants et de la convention de cession de créance, rejeté les conclusions incidentes du département de l'Aude, présentées à titre subsidiaire, tendant à la condamnation de la commune à lui payer la somme de 2 286 735,26 euros sur le fondement de l'enrichissement sans cause, écarté certains moyens de la commune de Fleury-d'Aude dirigés contre le titre exécutoire et, enfin, ordonné avant dire droit une expertise en vue de déterminer le montant exact de la créance du département de l'Aude ; que le rapport d'expertise a été déposé le 1er avril 2011 ; que, par décision du 9 mai 2012 rendu sur pourvoi de la commune, le Conseil d'Etat a écarté les moyens de cassation dirigés contre les conclusions et moyens de la commune rejetés par la Cour puis annulé l'arrêt en tant qu'il a ordonné une expertise en estimant qu'il appartenait à la Cour " de se faire communiquer directement par la commune les éléments et documents permettant d'établir la réalité et le montant des paiements qu'elle avait effectués auprès de son mandataire " et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, devant la Cour ; que, comme l'indiquent les parties dans le dernier état de leurs dernières écritures, reste donc seule à juger la question du montant de la créance ;
Sur le rapport d'expertise :
2. Considérant que le présent arrêt ne saurait être fondé sur les conclusions de l'expertise dont la prescription a été annulée par le Conseil d'Etat ; que, par suite, la Cour n'a pas à trancher entre les deux hypothèses retenues par l'expert ; que, toutefois, le rapport d'expertise constitue une pièce du dossier, soumise au débat contradictoire, rassemblant des éléments de fait, auxquels sont notamment joints des factures et divers états financiers ou comptables, qui peuvent être pris en compte et sur lesquels les parties fondent d'ailleurs leurs prétentions ;
Sur le montant de la créance détenue par le département sur la commune :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la convention de cession de créance du 27 décembre 1995 : " Le cédant cède, en toute propriété, au cessionnaire qui accepte, la somme de 15 MF à prendre, par préférence et en priorité au cédant et à tout futur cessionnaire, dans celle de 29 MF montant en principal des avances consenties à ce jour par le cédant à la commune de Fleury-d'Aude en exécution de la convention de mandat du jardin aquatique (...) " ;
4. Considérant que le département de l'Aude a versé aux débats, lors des opérations d'expertise, une liste de factures d'un montant total de 18 764 024 francs sur lequel doit s'imputer la créance cédée d'un montant de 15 000 000 francs ; que, dans le dernier état de ses écritures, la commune de Fleury-d'Aude demande à la Cour d'annuler le jugement attaqué et de fixer le montant de la créance du département à la somme de 4 900 086 francs, en soutenant que les autres dépenses ne sont pas dues comme déjà réglées, non payées par la SEMEAA ou pour d'autres motifs divers ; que, si le département de l'Aude persiste à demander le rejet de la requête d'appel, il résulte de ses dernières écritures qu'il doit être regardé comme demandant à la Cour de fixer sa créance aux sommes, selon les hypothèses qu'il propose, de 10 996 624 francs, 9 349 914 francs ou 8 931 165 francs ; qu'il convient d'examiner les prétentions des parties dans ce cadre ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la somme de 4 900 086 francs retenue par la commune de Fleury-d'Aude repose sur l'analyse de l'ensemble des décomptes n° 1 à n° 24 établis par le mandataire en exécution de la convention de mandat, en vue de leur règlement par le maître d'ouvrage, des réfactions ayant été opérées sur les factures Rougerie, Bec terrassement, Mazza et Rouquette comprises dans les décomptes n° 1 à n° 6 au motif que celles-ci comprendraient des montants indument payés ; que, cependant et ainsi que le fait valoir le département, les décomptes n° 1 à n° 6 ont fait l'objet d'un règlement par la commune à son mandataire en 1988 et 1989 ; que, dès lors qu'elles étaient déjà payées à la date de la cession de créance en cause, les factures correspondantes ne peuvent avoir été cédées par la société Aude Aménagement au département de l'Aude ; qu'ainsi, la commune de Fleury-d'Aude n'est pas fondée à soutenir que sa créance doit être fixée à la somme de 4 900 086 euros ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte également de l'instruction que le montant total des factures cédées incluses dans les décomptes n° 7 à n° 24 et non contestées par la commune s'élève à la somme de 7 847 788 francs ;
7. Considérant, en troisième lieu, que, dans son dernier mémoire, la commune admet, comme le demande le département, que la facture Cousseran d'un montant de 268 899 francs doit aussi être incluse dans la cession de créance en litige ;
8. Considérant, en quatrième lieu, que, par jugement devenu définitif du 1er mars 2002, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la SARL 3B tendant au paiement, sur le fondement contractuel, d'une somme de 192 054 francs hors taxes, relative à des travaux de janvier et février 1989, au motif que le marché passé par la SEMEAA n'était pas exécutoire à la date des travaux ; que la commune soutient que, dès lors, cette somme n'est pas due ; que le département fait valoir qu'elle doit néanmoins être intégrée dans sa créance sur le fondement de l'enrichissement sans cause de la commune ; que, toutefois, il n'invoque aucun élément de nature à remettre en cause l'affirmation de la commune de Fleury-d'Aude, réitérée à plusieurs reprises, selon laquelle l'ouvrage réalisé est, à l'exception de quelques bureaux, inutilisable au regard de sa destination ; qu'en outre, le montant des dépenses utiles ne peut correspondre par principe au montant contractuel ; qu'ainsi, le département ne justifie pas du caractère certain de la créance, dans sa nature et dans son montant ; que la somme de 199 999 ou 216 387 francs, selon les pages du dernier mémoire du département, réclamée par référence au jugement ci-dessus mentionné du tribunal administratif de Montpellier, ne peut donc être intégrée à la créance cédée ;
9. Considérant, en cinquième lieu, que le département fait valoir que la somme totale de 533 776 francs au titre des " frais de réalisation SEMEAA " doit également être comprise dans le montant dû par la commune ; qu'il résulte de l'instruction que, par arrêt n° 02MA00977 du 27 mars 2006 devenu définitif, la Cour a condamné la commune de Fleury-d'Aude à payer à la société Aude Aménagement, notamment, une somme de 50 437 euros, soit 330 845 francs, au titre des honoraires dus dans le cadre de la convention de mandat ; que la commune, qui se borne à contester le sens de cette décision de justice, ne démontre pas que les honoraires en cause ne seraient pas dus au titre de la cession de créance ; qu'en revanche, le surplus de la demande, fondé sur l'enrichissement sans cause, doit être écarté pour les mêmes motifs qu'au point précédent ;
10. Considérant, en sixième lieu, que la commune refuse la prise en compte d'une somme de 499 452 francs en règlement des " frais de gestion provisoire SEMEAA " pour l'année 1990 ; que le département reconnaît, en référence à l'arrêt de la Cour n° 02MA00979 du 27 mars 2006, que la période n'était pas contractuellement couverte, mais fait valoir que la créance trouve son fondement dans l'enrichissement sans cause ; que, pour la même raison, cette demande ne peut également qu'être écartée ;
11. Considérant, en septième lieu, qu'il résulte des termes mêmes des stipulations précitées de l'article 1er de la convention de cession de créance que celle-ci ne porte que sur le montant en principal des avances consenties par la société Aude Aménagement à la commune de Fleury-d'Aude ; qu'il ressort néanmoins du décompte n° 24, auquel est annexé un document émanant de la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que de la liste des factures doit se prévaut le département de l'Aude, que ce dernier a inscrit dans le montant de 18 764 024 francs susceptible de justifier sa créance de 15 000 000 francs une somme de 1 443 442 francs au titre des intérêts financiers sur le préfinancement de l'avance, portée à 15 000 000 francs par l'avenant n° 1 à la convention de mandat, consentie à la commune ; que, par suite et ainsi que le soutient la commune de Fleury-d'Aude, les frais financiers facturés par la Caisse des dépôts et consignations, réclamés dans l'instance à hauteur de 861 191 francs, qui ne relèvent pas du montant en principal des avances consenties, ne peuvent être pris en compte dans la cession de créance ;
12. Considérant qu'il suit de là que les montants de 268 899 francs au titre de la facture Cousseran et 330 845 francs au titre des " frais de réalisation SEMEAA " doivent seuls être ajoutés à la somme de 7 847 788 francs, soit un total de 8 447 532 francs ou 1 287 817,95 euros ; que si, ainsi qu'il a été déjà dit, le département se prévaut d'une somme supérieure, il se borne, au-delà des montants qui viennent d'être discutés, à faire des calculs théoriques sans apporter les précisions nécessaires sur les factures qui lui seraient dues permettant à la Cour d'apprécier le bien-fondé de ses prétentions ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Fleury-d'Aude est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que, par suite, le jugement et le titre exécutoire en litige, en tant que ce dernier excède la somme de 1 287 817,95 euros, doivent être annulés ;
Sur les conclusions incidentes du département :
14. Considérant que le département de l'Aude demande à la Cour, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Fleury-d'Aude à lui payer la somme de 2 286 735,26 euros sur le fondement du titre de recette du 6 août 2002 ; que ces conclusions sont nouvelles en appel et doivent, dès lors, être rejetées comme irrecevables ;
Sur les frais d'expertise :
15. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent (...) les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties " ;
16. Considérant que la mesure d'expertise, dont les frais font partie des dépens de l'instance d'appel, a été utile au règlement du litige quand bien même elle a été ultérieurement annulée ; que, dans les circonstances particulières de l'affaire, les frais et honoraires de l'expert, liquidés et taxés à la somme de 14 495,82 euros, doivent être mis à la charge de la commune de Fleury-d'Aude et du département de l'Aude à hauteur de 50 % chacun ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
18. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Fleury-d'Aude, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département de l'Aude demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions de la commune présentées sur le même fondement doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 décembre 2006 est annulé.
Article 2 : Le titre exécutoire du 6 août 2002 est annulé en tant qu'il excède la somme de 1 287 817,95 euros (un million deux cent quatre-vingt-sept mille huit cent dix-sept euros et quatre-vingt-quinze centimes).
Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 14 495,82 euros, sont mis à la charge de la commune de Fleury-d'Aude et du département de l'Aude à hauteur de 50 % chacun.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Fleury-d'Aude et au département de l'Aude.
Copie en sera transmise à M. Britto, expert.
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N° 12MA02121
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