Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 3 décembre 2010 sous le n° 10MA04386, régularisée le 8 décembre 2010, présentée pour M. D...B...A..., demeurant..., par la société d'avocats SCP B... A...et associés, ensemble le mémoire récapitulatif enregistré 23 avril 2012 ;
M. B...A...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0805638 du 21 septembre 2010, notifié le 8 octobre 2010, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant :
- à la condamnation de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du harcèlement moral dont il a été la victime ;
- à ce qu'il soit enjoint à la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault de cesser à son encontre toute action de harcèlement moral ;
- à ce qu'il soit enjoint à la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault d'augmenter son indice de rémunération, de lui redonner un téléphone portable, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
- à ce que soit mise à la charge de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault à lui verser une indemnité de 15 000 euros en réparation des conséquences dommageables du harcèlement moral qu'il estime avoir subi ;
3°) d'enjoindre à la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault de cesser à son encontre toute action de harcèlement moral ;
4°) d'enjoindre à la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault d'effacer toutes les conséquences matérielles du harcèlement moral constaté en lui attribuant le poste de directeur de service, en augmentant son indice de rémunération, et en lui redonnant un téléphone portable de fonction, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de condamner la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault à afficher dans ses locaux l'arrêt à intervenir ;
6°) de mettre à la charge de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu le jugement attaqué ;
---------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative au statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, de commerce et d'industrie et des chambres des métiers ;
Vu le statut modifié des personnels administratifs des chambres des métiers ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 2013 :
- le rapport de M. Brossier, rapporteur,
- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., substituant la société d'avocats Chatel et associés, pour la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault ;
1. Considérant que M. B...A..., agent statutaire d'encadrement de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault, demande l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de son employeur à réparer les conséquences dommageables du harcèlement moral qu'il estime avoir subi ;
Sur la recevabilité de l'appel :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jugement attaqué a été notifié à M. B... A...par courrier du greffe du tribunal daté du 6 octobre 2010 reçu le 8 octobre 2010 ; que dans ces conditions, la requête introductive d'appel de M. B...A..., enregistrée au greffe de la Cour le 3 décembre 2010, l'a été dans le délai d'appel de deux mois ; que par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que la requête introductive d'appel serait tardive doit être rejetée ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
3. Considérant qu'un comportement vexatoire et dégradant répété d'une administration à l'encontre d'un de ses agents publics constitue une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ;
4. Considérant, en premier lieu, que M. B...A...soutient avoir subi des faits répétés de harcèlement moral émanant du président de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault nouvellement élu au cours du deuxième trimestre 2005 ; qu'il soutient à cet égard qu'il a subi une diminution de ses responsabilités de chef de service et n'a pas été mis à même d'exercer ses fonctions en étant écarté de l'équipe de direction ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. B...A..., né en 1955, cadre statutaire à la chambre des métiers et de l'artisanat, a effectué la majeure partie de sa carrière professionnelle à la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault ; que les nombreuses évaluations qu'il verse au dossier font état d'une manière de servir au sein de cette chambre consulaire qui a été toujours appréciée, allant de bonne à très bonne, les seules années faisant état d'une manière de servir simplement correcte étant les années 1997 et 1998 ; qu'au moment des faits en litige, il exerçait les fonctions de chef de service et qu'au titre des années 2003 et 2004, ses évaluations montrent une implication et des progrès sensibles dans le domaine des nouvelles technologies ; qu'à compter de l'élection du nouveau président en 2005, les évaluations au titre des années 2005 et 2006 sont en rupture avec les évaluations précédentes, en faisant état d'une absence d'implication ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'élection consulaire de 2005 a été mise en place une réorganisation des services de la chambre qui a eu pour conséquence que, parmi les quatre chefferies de service placées sous le directeur général, deux ont été mises à l'écart, dont celle occupée par l'appelant qui s'est ainsi retrouvé avec des responsabilités moindres ; que cette réorganisation a été opérée dans des conditions telles qu'une pétition, signée le 28 mars 2007 par 38 membres du personnel consulaire, non seulement a condamné le " harcèlement moral " subi personnellement par M. B...A..., mais s'est indigné que de telles pratiques de harcèlement moral se généralisent au sein de la chambre ; qu'il ressort au surplus de l'audit diligenté par le ministère chargé de la tutelle des chambre des métiers et de l'artisanat, mené par la mission d'inspection des chambres de commerce et d'industrie et des métiers et de l'artisanat à compter du dernier trimestre 2009, et dont le rapport final est daté du mois de septembre 2010, qu'au sein de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault, l'organisation traditionnelle d'une chambre des métiers et de l'artisanat a été remaniée par un organigramme atypique avec deux directions inégales, l'une hypertrophiée, l'autre aux " fonctions et missions réduites et peu claires ", que les chefs de service ainsi mis à l'écart ont vu leur responsabilités confiées à des " coordinateurs ", le tout dans un contexte de communication interne inadéquate, générant un " malaise social grave " accompagné de pratiques " contestables " dans la gestion des ressources humaines ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. B...A...doit être regardé comme versant au dossier suffisamment d'éléments de nature à laisser présumer sérieusement qu'il a été victime de faits de harcèlement moral du fait de la mise en place d'une nouvelle organisation qui l'a mis à l'écart, en ne respectant pas ses prérogatives et en l'évaluant de manière négative alors même que ses prérogatives avaient été réduites ;
8. Considérant, en cinquième lieu, qu'il appartient dans ces conditions à la chambre des métiers et de l'artisanat de renverser cette présomption de harcèlement moral ; que la circonstance alléguée par la chambre intimée que plusieurs signataires de la pétition susmentionnée, toujours en fonction au sein de la chambre consulaire, soient revenus sur leur signature au motif notamment qu'ils auraient eu l'assurance en 2007 que cette pétition ne serait pas produite ultérieurement dans un débat contentieux, ne saurait faire perdre à cette pétition toute valeur probante, compte tenu de ses termes précis sans équivoque et eu égard au nombre de ses signataires ; que la circonstance également alléguée par la chambre intimée que l'audit susmentionné a été réalisé après les faits dénoncés dans le présent litige et après le placement en congé de maladie de l'appelant, en avril 2007, ne saurait empêcher l'appelant de l'invoquer utilement, dès lors que cet audit dénonce une politique managériale justement initiée au moment des faits en litige, par le nouveau président dont le rôle est qualifié à cet égard par le rapport d'audit " d'essentiel ", nouvelle politique managériale dont l'appelant a été un des premiers à subir les conséquences négatives ; qu'enfin, la chambre intimée n'apporte aucun élément sérieux de nature à justifier la mauvaise manière de servir de l'intéressé à compter de l'année 2005, lequel ne se serait alors plus impliqué au vu de ses évaluations, ce qui ne peut lui être reproché dans le contexte organisationnel sus-évoqué du fait de la perte de ses responsabilités ;
9. Considérant, en sixième et dernier lieu, qu'il résulte de tout ce qui précède que la chambre intimée ne renversant pas la présomption de harcèlement moral apportée par M. B... A..., ce dernier est fondé à soutenir que son employeur a commis à son encontre des actes fautifs constitutifs de harcèlement moral de nature à engager la responsabilité de l'administration consulaire ; qu'il est par suite fondé à demander à la Cour d'annuler le jugement attaqué et, par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur ses conclusions indemnitaires ;
10. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en allouant à M. B...A...la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
11. Considérant d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que M. B...A...est tombé en arrêt maladie à compter du mois d'avril 2007 pour dépression réactionnelle, sur une période de longue durée ; qu'aucun élément du dossier n'établissant que l'intéressé souffrait auparavant d'une pathologie dépressive chronique, sa dépression réactionnelle doit être regardée comme présentant un lien de causalité suffisamment direct et certain avec le harcèlement moral en litige subi ; que l'intéressé, né en 1955, avait 52 ans en 2007 ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en allouant à M. B...A...la somme de 10 000 euros au titre de ses troubles dans les conditions d'existence ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault doit être condamnée à verser à M. B...A...une indemnité totale de 15 000 euros ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Considérant que l'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; et qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ;
14. Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif de faire oeuvre d'administrateur et de prononcer à l'encontre de l'administration une injonction en dehors du cadre législatif prévu par les articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ; que le présent litige est un litige indemnitaire et ne prononce l'annulation pour excès de pouvoir d'aucune décision ; que dans ces conditions, les conclusions de M. B...A...tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte financière, à la chambre des métiers et de l'artisanat intimée d'effacer toutes les conséquences matérielles du harcèlement moral constaté en lui attribuant le poste de directeur de service, en augmentant son indice de rémunération et en lui redonnant un téléphone portable de fonction, sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il en est de même des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la chambre des métiers et de l'artisanat intimée d'afficher dans ses locaux le présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
16. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la chambre des métiers et de l'artisanat intimée la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. B...A...;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement attaqué du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault est condamnée à verser à M. B... A...une indemnité de 15 000 (quinze mille) euros.
Article 3 : La chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault versera à M. B...A...la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 10MA04386 de M. B...A...est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault tendant au remboursement de ses frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...A...et à la chambre des métiers et de l'artisanat de l'Hérault.
''
''
''
''
N° 10MA043862