Vu la requête sommaire, n° 09MA03530, et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 septembre 2009 et 4 décembre 2009, présentés pour la SOCIETE AUCHAN FRANCE, dont le siège est 200 rue de la Recherche à Villeneuve D'Ascq (59650), par la S.E.L.A.R.L. Racine en la personne de Me Gallois ; la SOCIETE AUCHAN FRANCE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0703669 du tribunal administratif de Nîmes du 19 juin 2009 en tant qu'il a annulé, à la demande de l'association des commerçants de Cavaillon, d'une part, et de la S.A. Chepar-Leclerc, d'autre part, la décision du 23 octobre 2007 de la commission départementale d'équipement de Vaucluse l'autorisant à créer par transfert et extension une station de distribution de carburants à Cavaillon ;
2°) de rejeter les demandes dirigées contre cette décision devant le tribunal administratif de Nîmes ;
...................................................................
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2011, présenté pour la société Chepar-Leclerc par Me Létang, par lequel elle conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SOCIETE IMMOCHAN FRANCE et de la SOCIETE AUCHAN FRANCE la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que la commission était irrégulièrement composée du fait de l'irrégularité de la désignation de M. Bouchet pour le représenter au sein de la commission du 23 octobre 2007 ; que la délimitation de la zone de chalandise est irrégulière dès lors que l'hypermarché Auchan Le Pontet en a été artificiellement exclu ; qu'il n'est pas établi que l'avis de la chambre de commerce et d'industrie du Vaucluse a été rendu par l'organe compétent ; que la sur-densité commerciale résultant du projet n'est pas susceptible d'être compensée ; qu'il existe une sérieuse présomption d'abus de position dominante de l'enseigne "Auchan" ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2011, présenté pour l'association La commune libre de Cabassol par Me Coque ;
L'association soutient que le jugement est régulier dès lors qu'une jonction des demandes était possible ; elle fait valoir au fond, concernant la légalité externe de la décision de la commission départementale d'équipement commercial de Vaucluse, que la secrétaire générale de la préfecture n'était pas compétente pour présider la commission départementale d'équipement commercial ; que le dossier soumis à la commission départementale d'équipement commercial était insuffisant, que la décision est insuffisamment motivée ; elle fait état, concernant la légalité interne du risque d'abus de position dominante d'Auchan et de l'accentuation du déséquilibre avec les commerces existants sans contrepartie positive réelle du projet ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 mars 2012, présenté pour la SOCIETE IMMOCHAN FRANCE et de la SOCIETE AUCHAN FRANCE, par lequel elles concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens que dans leurs précédentes écritures ;
Elles soutiennent en outre que les effets positifs de leur projet compenseront largement, le cas échéant, ses effets négatifs ;
Vu les pièces, enregistrées le 16 mars 2012, présentées pour la SOCIETE IMMOCHAN FRANCE et de la SOCIETE AUCHAN FRANCE ;
Vu les pièces, enregistrées le 5 juin 2012, présentées par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Vu les pièces, enregistrées le 14 juin 2012, présentées pour la SOCIETE IMMOCHAN FRANCE et la SOCIETE AUCHAN France ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 juin 2012 :
- le rapport de Mme Ségura, rapporteur ;
- les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public ;
- et les observations de Me Delattre pour la SOCIETE AUCHAN FRANCE et la SOCIETE IMMOCHAN FRANCE ;
Sur la jonction :
Considérant que, par la requête n° 09MA03530, la SOCIETE AUCHAN FRANCE demande l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision du 23 octobre 2007 de la commission départementale d'équipement de Vaucluse l'autorisant à créer par transfert et extension une station de distribution de carburant à Cavaillon ; que par la requête n° 09MA3562, la SOCIETE AUCHAN FRANCE et la SOCIETE IMMOCHAN FRANCE demandent l'annulation du même jugement en tant qu'il a annulé la décision du 23 octobre 2007 de la commission départementale d'équipement de Vaucluse les autorisant à créer par transfert et extension un hypermarché de 9980 m² et une galerie marchande de 6250 m² à Cavaillon ; que ces deux requêtes sont dirigées contre le même jugement ; que, dès lors, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant, en premier lieu, que le tribunal a joint les demandes de l'association des commerçants de Cavaillon et de la S.A. Chepar-Leclerc contestant les autorisations délivrées par la commission départementale d'équipement de Vaucluse aux sociétés requérantes et leurs demandes dirigées contre les autorisations délivrées à la S.A.S La Paz et concernant la création de deux moyennes surfaces spécialisées et un ensemble commercial de 16 magasins sur le même site ; que, contrairement à ce que soutiennent la SOCIETE AUCHAN FRANCE et la SOCIETE IMMOCHAN FRANCE, cette jonction n'entache pas d'irrégularité le jugement attaqué dès lors que les demandes jointes par le tribunal présentaient à juger des questions semblables ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en écartant les conclusions à fin de non-lieu à statuer dans l'instance n° 0703787 au motif que la décision en cause avait produit des effets, les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision ;
Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, l'objet social de l'association La commune libre de Cabassolle, défini à l'article 2 de ses statuts produits en première instance, aux termes duquel elle a " pour but de regrouper les commerçants pour augmenter et fidéliser la clientèle dans le centre ville ", lui donnait intérêt à demander l'annulation des décisions attaquées ; que, d'autre part, en vertu de l'article 11 de ces statuts, le président de l'association la représente en justice ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que lors d'une assemblée extraordinaire, l'association a décidé d'attaquer les décisions litigieuses ; qu'il s'ensuit qu'en admettant son intervention, les premiers juges n'ont pas entaché d'irrégularité leur décision ;
Sur la légalité de la décision autorisant à créer par transfert et extension un hypermarché et une galerie marchande :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 420-2 du code de commerce : " Est prohibée, dans les conditions prévues à l'article L. 420-1, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 752-6 du même code : "Dans le cadre des principes définis à l'article L. 750-1, la commission statue en prenant en considération : (...) 5° Les conditions d'exercice de la concurrence au sein du commerce et de l'artisanat (...) " ; qu'il incombe aux commissions d'équipement commercial de veiller, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, au respect des règles tendant à préserver le libre jeu de la concurrence, notamment de celles qui résultent des dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986, insérées, à la date de la décision attaquée, dans le code de commerce ; qu'au nombre de ces règles figurent celles qui visent à prévenir les risques d'abus de position dominante ;
Considérant que les premiers juges ont retenu le risque d'abus de position dominante au motif que le groupe Auchan disposait déjà de 54% des surfaces de vente alimentaires dans le département de Vaucluse et que le projet litigieux aurait pour effet d'accroître cette position dominante dès lors que le bénéficiaire détiendrait après sa réalisation 59,86% des surfaces de vente avec un hypermarché d'une taille sans équivalent chez ses concurrents directs, Géant, Leclerc et Intermarché, dans la zone de chalandise considérée ; que le tribunal a également pris en considération le renforcement de l'hégémonie du groupe dans le département par la proximité
des deux autres hypermarchés Auchan avec galerie marchande situés au Pontet et à Avignon à environ 30 minutes, par l'autoroute, du projet litigieux, en limite de zone de chalandise ; que, toutefois, si le transfert et l'extension de l'hypermarché autorisés par la décision en litige tend à accroître le déséquilibre déjà existant avec les autres enseignes nationales, la situation de position dominante susceptible de découler d'une autorisation commerciale s'apprécie au niveau de la seule zone de chalandise constitutive du marché pertinent à prendre en considération et non pas du département ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'au sein de cette zone, le groupe AUCHAN, après réalisation du projet litigieux, serait susceptible de s'affranchir de la concurrence et de fixer librement ses prix sur le marché concerné ; qu'à supposer même que l'on ne prenne en compte que les hypermarchés existant dans la zone de chalandise, la circonstance que le groupe Auchan détiendrait une part de marché de 54 % ne suffit pas, à elle seule, à établir l'existence d'un risque d'abus de position dominante ; que, dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'autorisation litigieuse au motif que le groupe Auchan serait susceptible d'abuser de sa position dominante dans la zone de chalandise ;
Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. /Ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés " ; qu'aux termes de l'article L. 752-6 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Dans le cadre des principes définis à l'article L. 750-1, la commission statue en prenant en considération : / 1° L'offre et la demande globales pour chaque secteur d'activité dans la zone de chalandise concernée ; / - l'impact global du projet sur les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ; / - la qualité de la desserte en transport public ou avec des modes alternatifs ; / - les capacités d'accueil pour le chargement et le déchargement des marchandises ; / 2° La densité d'équipement en moyennes et grandes surfaces dans cette zone ; / 3° L'effet potentiel du projet sur l'appareil commercial et artisanal de cette zone et des agglomérations concernées, ainsi que sur l'équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce. Lorsque le projet concerne la création ou l'extension d'un ensemble commercial, majoritairement composé de magasins spécialisés dans la commercialisation d'articles de marques à prix réduit, l'effet potentiel dudit projet est également apprécié indépendamment de la spécificité de la politique commerciale de ce type de magasins ; / 4° L'impact éventuel du projet en termes d'emplois salariés et non salariés ; / 5° Les conditions d'exercice de la concurrence au sein du commerce et de l'artisanat ; / 6° Les engagements des demandeurs de création de magasins de détail à prédominance alimentaire de créer dans les zones de dynamisation urbaine ou les territoires ruraux de développement prioritaire des magasins de même type, d'une surface de vente inférieure à 300 mètres carrés, pour au moins 10 % des surfaces demandées" ;
Considérant qu'en application de ces dispositions, il appartient aux commissions départementales d'équipement commercial, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone de chalandise intéressée, l'équilibre recherché par le législateur entre les diverses formes de commerce et, dans l'affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par les effets positifs que le projet peut présenter au regard notamment de l'emploi, de l'aménagement du territoire, de la concurrence, de la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, de la satisfaction des besoins des consommateurs ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'après réalisation du projet, le dépassement de la moyenne nationale par les densités commerciales locales serait aggravé ; qu'ainsi, en ce qui concerne les supermarchés et les hypermarchés, et avec prise en compte de l'accroissement démographique de la population concernée, la densité locale passerait de 359 à 384 pour une densité nationale de 324 et, pour les hypermarchés, de 176 à 201 pour une densité nationale de 142 ; que l'apport opéré par la population touristique et les résidences secondaires ne peut être pris en compte au même titre que la population locale permanente ; que ces densités commerciales élevées sont susceptibles de révéler un déséquilibre entre les différentes formes de commerce ; qu'en outre, il ressort, des pièces du dossier, notamment des rapports des services instructeurs, que le projet est de nature à entraîner des effets négatifs sur les petits commerces du centre-ville de Cavaillon, notamment en ce qui concerne l'équipement de la personne, secteur déjà en difficulté ; que, si le projet prévoit la création de 99,9 emplois en équivalent temps plein, la direction départementale du travail a toutefois donné un avis réservé, estimant que ces créations étaient de nature à déstabiliser l'emploi dans les grandes surfaces existantes sur le bassin concerné et à entraîner des licenciements économiques dans les entreprises du centre-ville ; que si le projet litigieux peut présenter des avantages au regard d'une certaine limitation de la forte évasion commerciale vers Avignon et le centre commercial du Pontet et de l'amélioration de l'offre commerciale locale, ces effets positifs, eu égard à la situation difficile préexistante des petits commerces du centre-ville, ne compensent pas l'atteinte qui serait portée à l'équilibre entre les différentes formes de commerce dans la zone de chalandise ; que, dès lors, la SOCIETE AUCHAN FRANCE et la SOCIETE IMMOCHAN FRANCE ne sont pas fondées à se plaindre de ce que les premiers juges ont annulé l'autorisation litigieuse ;
Sur la légalité de la décision autorisant à créer par transfert et extension une station de distribution de carburant :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 720-5 du code de commerce : "I. Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : 1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 300 mètres carrés, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ; / (...) ; 3° La création ou l'extension d'un ensemble commercial (...) d'une surface de vente totale supérieure à 300 m² ou devant dépasser ce seuil par la réalisation du projet ; / 4° La création ou l'extension de toute installation de distribution au détail de carburant, quelle que soit la surface de vente, annexée à un magasin de commerce de détail mentionné au 1° (...) ou à un ensemble commercial mentionné au 3° (...) " ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il y a lieu d'annuler, par voie de conséquence de l'annulation de l'autorisation accordée à la société Auchan de créer un hypermarché, l'autorisation accordée à cette société de créer une station de distribution de carburant annexée à cet hypermarché ;
Considérant qu'il résulte de ce tout ce qui précède que la SOCIETE AUCHAN FRANCE et la SOCIETE IMMOCHAN ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les autorisations litigieuses du 23 octobre 2007 ; qu'il y a lieu, d'une part, de rejeter leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à leur charge, sur le fondement des mêmes dispositions, une somme de 3 000 euros à verser à la société Chepar-Leclerc au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens et, d'autre part, de rejeter les conclusions présentées sur le même fondement par l'association La commune libre de Cabassol, intervenante à l'instance ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête n° 09MA03530 de la SOCIETE AUCHAN FRANCE et la requête n° 09MA03562 de la SOCIETE AUCHAN FRANCE et de la SOCIETE IMMOCHAN France sont rejetées.
Article 2 : La SOCIETE AUCHAN FRANCE et la SOCIETE IMMOCHAN FRANCE verseront à la société Chepar-Leclerc une somme de 3 000 (trois mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de l'association La commune libre de Cabassol tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE IMMOCHAN FRANCE, à la SOCIETE AUCHAN FRANCE, au ministre de l'économie et des finances, à la société Chepar et à l'association "la commune libre de Cabassol".
''
''
''
''
2
N° 09MA03530, 09MA03562
sc