La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/02/2012 | FRANCE | N°09MA02927

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 23 février 2012, 09MA02927


Vu la requête, enregistrée le 3 août 2009, présentée pour M. Thomas A, demeurant au ..., par Me Preziosi et Me Ceccaldi, avocats associés ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du 3 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à voir la responsabilité de la commune de Miramas engagée pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public et a condamné le Centre hospitalier de Salon de Provence à lui payer la somme de 27 000 euros en réparation des préjudices causés par un retard fautif de diagnostic ;
<

br>2°) de condamner la commune de Miramas à lui payer, sur le fondement de la respon...

Vu la requête, enregistrée le 3 août 2009, présentée pour M. Thomas A, demeurant au ..., par Me Preziosi et Me Ceccaldi, avocats associés ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du 3 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à voir la responsabilité de la commune de Miramas engagée pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public et a condamné le Centre hospitalier de Salon de Provence à lui payer la somme de 27 000 euros en réparation des préjudices causés par un retard fautif de diagnostic ;

2°) de condamner la commune de Miramas à lui payer, sur le fondement de la responsabilité pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public, la somme de 17 600 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne durant la période d'incapacité totale de travail, la somme de 13 447 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, la somme de 20 000 euros au titre du pretium doloris, la somme de 60 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, la somme de 12 000 euros au titre du préjudice esthétique et la somme de 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

3°) de condamner le Centre hospitalier de Salon de Provence à lui payer, sur le fondement du retard fautif de diagnostic, la somme de 3 000 euros au titre du pretium doloris, la somme de 54 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et la somme de 3 000 euros au titre du préjudice esthétique ;

4°) de condamner solidairement la commune de Miramas et le Centre hospitalier de Salon de Provence à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 décembre 2011 :

- le rapport de M. Lagarde, rapporteur ;

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteure publique ;

- les observations de Me Lelievre Boucharat pour M. A et de Me Pontier pour la commune de Miramas ;

Considérant que, par jugement en date du 3 juin 2009, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. A tendant à ce que la commune de Miramas soit déclarée responsable des conséquences dommageables de l'accident dont il a été victime le 13 août 2001 et a condamné le Centre hospitalier de Salon de Provence à lui payer la somme de 27 000 euros en réparation des préjudices subis du fait d'un retard fautif de diagnostic d'ischémie au niveau des orteils de la jambe gauche ; que, par requête enregistrée le 3 août 2009, M. A relève appel de ce jugement ; que, par mémoire enregistré le 27 octobre 2001, le Centre hospitalier de Salon de Provence forme un recours incident contre ce jugement ;

Sur la responsabilité de la commune de Miramas :

Considérant qu'il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur une voie publique de rapporter la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint ; que la collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de synthèse dressé par la gendarmerie nationale le 5 septembre 2001, que le 13 août 2001 vers 1 heure du matin, M. A, alors âgé de 17 ans, a escaladé à la suite d'un défi lancé par un camarade la colonne monumentale érigée au centre de la fontaine de la place Castagne à Miramas supportant le buste de l'ancien maire, lorsque celui-ci a cédé sous son poids et l'a entraîné dans sa chute ; que, si le requérant soutient que le scellement défectueux du buste constitue un vice de conception de l'ouvrage et qu'aucune signalisation adéquate ne prévenait les usagers du danger que présentait le monument, à même supposer établi un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public, l'accident dont il a été victime est exclusivement imputable à sa grave imprudence tenant à l'usage anormal qu'il en a fait ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 3 juin 2009 attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à voir la commune de Miramas déclarée responsable des conséquences dommageables de l'accident dont il a été victime ; que, par suite, les conclusions de la requête d'appel de M. A dirigées contre la commune de Miramas doivent être rejetées ;

Sur la responsabilité du Centre hospitalier de Salon de Provence :

Considérant qu'à la suite de sa chute, M. A a été admis vers 2 heures 20 au service des urgences du Centre hospitalier de Salon de Provence où étaient diagnostiqués une fracture parcellaire avec déplacement de la région tibio-talienne et une section complète du ligament latéral externe ; que, transféré dans le service de traumatologie à 4 heures 10, il subissait vers 13 heures une intervention chirurgicale pour parage d'une vaste plaie antéro-externe profonde avec déchirure du corps musculaire du jambier antérieur, section complète du ligament latéral externe mettant à nu l'astragale et fracture du corps du calcanéum avec déplacement majeur ; que le lendemain 14 août à 11 heures, le diagnostic d'une ischémie au niveau des orteils de la jambe gauche était posé et le patient était dirigé vers l'Hôpital Nord à Marseille où une tentative de revascularisation était pratiquée sans succès ; que, le 5 septembre 2001, M. A subissait une amputation sous genou à l'Hôpital de la Conception à Marseille ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise judiciaire, que dans le cadre de la surveillance suivant l'intervention du 13 août 2001, des problèmes de sensibilité et de douleur au niveau des orteils avec absence de pouls ont été signalés à 15 heures 15 et se sont répétés à 17 heures 45, 21 heures 30 et 22 heures 30 ; que, si le Centre hospitalier fait valoir que les signes n'étaient pas patents le 13 août 2001 et que l'ischémie aiguë ne s'est révélée que le 14 août 2001 à 10 heures, l'expert, pour retenir l'existence incontestable d'un retard au diagnostic relève l'apparition dès la veille de signes d'ischémie, eussent-ils même été incomplets et variables ; qu'ainsi, le retard pris dans le diagnostic d'ischémie des orteils de la jambe gauche constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement ; que, par suite, le Centre hospitalier de Salon de Provence n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 3 juin 2009, le tribunal administratif de Marseille l'a déclaré responsable des conséquences dommageables du retard fautif du diagnostic d'ischémie des orteils du pied gauche présenté par M. A ;

Considérant que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit être évaluée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ; qu'en retenant que la perte de chance pour M. A d'échapper à l'amputation qu'il a subie doit être évaluée à 75 % du dommage corporel, compte tenu de l'état qu'il présentait lors de son admission à l'hôpital et de l'urgence qui s'attache à la réalisation d'un geste de revascularisation en cas de diagnostic d'ischémie, telle qu'elle ressort implicitement, mais nécessairement du rapport de l'expert judiciaire, les premiers juges n'en ont pas fait une inexacte évaluation ; que, par suite, l'appel incident du Centre hospitalier de Salon de Provence doit être rejeté ;

Sur les préjudices à caractère personnel subis par M. A :

Considérant que l'expert a fixé à 38 % le taux global du déficit permanent fonctionnel de M. A, dont 20 % correspondant au blocage des articulations taliennes et sous-astragaliennes imputables à l'accident et 18 % au titre de l'aggravation liée à l'amputation en relation directe avec le retard de diagnostic ; qu'il a également fixé les souffrances physiques endurées par M. A et le préjudice esthétique imputables à ce seul retard à 1 sur une échelle de 1 à 7 pour ces deux postes, sur un total respectif de 5,5 et 4 ; que M. A, qui était âgé de 17 ans au moment des faits et pratiquait régulièrement le moto cross, l'équitation, le ski et la natation a également subi un important préjudice d'agrément ; que les premiers juges ont évalué l'ensemble de ces préjudices à 36 000 euros et alloué à M. A, compte tenu de l'estimation de la perte de chance de se soustraire à l'amputation, une somme de 27 000 euros ; que ce faisant, ils en ont assuré une réparation qui n'est ni insuffisante ni excessive, contrairement à ce que soutiennent respectivement M. A et le Centre hospitalier de Salon de Provence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A et le Centre hospitalier de Salon de Provence ne sont pas fondés à demander la réformation du jugement attaqué ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ; que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Miramas, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse quelque somme que ce soit à M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par M. A à l'encontre du Centre hospitalier de Salon de Provence et par la commune de Miramas à l'encontre du requérant ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejeté.

Article 2 : Le recours incident du Centre hospitalier de Salon de Provence est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Miramas tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Thomas A, à la commune de Miramas et au Centre hospitalier de Salon de Provence.

''

''

''

''

2

N° 09MA02927


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA02927
Date de la décision : 23/02/2012
Type d'affaire : Administrative

Analyses

67-02-04-01 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Causes d'exonération. Faute de la victime.


Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: M. Jacques LAGARDE
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : PREZIOSI et CECCALDI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-02-23;09ma02927 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award