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06/02/2012 | FRANCE | N°10MA00505

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 06 février 2012, 10MA00505


Vu la requête, enregistrée le 8 février 2010, présentée pour Mlle Annie A, demeurant au ... (83440), par la SCP Bouzereau ; Mlle A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0803065 du 3 décembre 2009 du tribunal administratif de Toulon en ce qu'il a limité à 70 % la responsabilité de la commune de Fayence dans les désordres affectant le bâtiment d'habitation dont elle est propriétaire et de déclarer la commune de Fayence entièrement responsable desdits désordres ;

2°) de condamner la commune de Fayence à lui payer la somme de 69 903,25 euros TTC act

ualisée selon l'indice BT 01 du coût de la construction à compter du 16 avril 20...

Vu la requête, enregistrée le 8 février 2010, présentée pour Mlle Annie A, demeurant au ... (83440), par la SCP Bouzereau ; Mlle A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0803065 du 3 décembre 2009 du tribunal administratif de Toulon en ce qu'il a limité à 70 % la responsabilité de la commune de Fayence dans les désordres affectant le bâtiment d'habitation dont elle est propriétaire et de déclarer la commune de Fayence entièrement responsable desdits désordres ;

2°) de condamner la commune de Fayence à lui payer la somme de 69 903,25 euros TTC actualisée selon l'indice BT 01 du coût de la construction à compter du 16 avril 2008 et jusqu'à parfait paiement au titre des dommages à l'infrastructure, la somme de 23 854,40 euros TTC actualisée selon l'indice BT 01 du coût de la construction à compter du dépôt du rapport d'expertise et jusqu'à parfait paiement au titre des dommages à la superstructure et aux embellissements, la somme de 3 000 euros TTC au titre de la maîtrise d'oeuvre des travaux de reprise et la somme de 11 840,48 euros TTC actualisée selon indice BT 01 du coût de la construction à compter du dépôt du rapport d'expertise et jusqu'à parfait paiement au titre des travaux de peinture ;

3°) de déduire de ces sommes le montant de la provision de 15 000 euros versée en exécution de l'ordonnance de référé du 4 septembre 2007 ;

4°) de condamner la commune de Fayence à lui payer la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance et celle de 4 000 euros au titre des frais de relogement et de garde-meuble pendant la durée prévisible des travaux ;

5°) de condamner la commune de Fayence à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

......................

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 11 juin 2010, le mémoire en défense présenté pour la commune de Fayence par Me Gouard-Robert qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mlle A à lui verser la somme de 1 600 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; elle fait valoir que la requête est irrecevable comme tardive et dépourvue de critique des motifs du jugement attaqué ; qu'en l'absence de concomitance entre l'apparition des désordres en 2002 et la constatation d'une fuite sur la surverse en 2003, il n'existe aucun lien de causalité, lequel doit être certain et non pas vraisemblable ; que les premiers juges ont valablement retenu que les fondations de la construction, réalisée en 1923 à destination initiale de bergerie, étaient insuffisantes et insuffisamment profondes ; que l'expert a relevé que les désordres affectant la maison sont la conséquence d'un sol de fondation sensible aux variations de teneur en eau ; que c'est la sécheresse exceptionnelle de 2002 qui a entraîné les mouvements du sol, et non les fuites sur la canalisation ; que la parcelle de la requérante jouxte une zone de risque moyen de mouvements du sol ; que celle-ci a commis une faute en transformant le bâtiment à usage de bergerie sans modifier les fondations ; qu'il n'incombe en aucune manière à la commune de réaliser des fondations qui n'existaient pas auparavant ; que les travaux de peinture sont compris dans le devis des travaux au titre des dommages à la superstructure et d'embellissement ; que les premiers juges, en allouant la somme de 55 000 euros à ce titre, en ont fait une évaluation excessive ; que le préjudice de perte de jouissance n'est pas établi ;

Vu, enregistré le 20 janvier 2011, le mémoire présenté pour Mlle A par la SELARL Bouzereau et Kerkerian qui soutient que le bâtiment n'était pas fragile et n'a présenté aucun désordre antérieurement à la fuite d'eau litigieuse ; qu'en dépit d'un système de fondations que l'expert considère inadaptées au type de terrain, la maison a parfaitement résisté depuis sa construction en 1923 à plusieurs épisodes de sécheresse, ainsi qu'aux gels des hivers 1956 et 1985 sans présenter le moindre désordre ; que l'entreprise ETS, qui est intervenue au cours de l'année 2008 pour effectuer des travaux de reprise, a relevé la présence d'un plancher porteur qui contribue à la rigidité du bâtiment et démontre la solidité de l'édifice ; que si les fondations avaient été insuffisamment solides et profondes, il aurait fallu réaliser une ceinture périphérique en béton armé, en supplément des micro-pieux qui, à eux seuls, n'auraient pas suffi ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2012 :

- le rapport de M. Lagarde, rapporteur ;

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteure publique ;

- les observations de Me Robert de la SCP Lesage-Berguet-Gouard pour la commune de Fayence ;

Considérant que, par jugement du 3 décembre 2009, le tribunal administratif de Toulon a déclaré la commune de Fayence responsable à 70 % des dommages causés à la propriété de Mlle A par les fuites d'eau en provenance des canalisations enterrées traversant le terrain attenant à sa maison d'habitation et, en réparation, a condamné la commune à lui verser la somme de 23 500 euros actualisée selon l'indice BT 01 du coût de la construction, ainsi que la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par requête enregistrée le 8 février 2010, Mlle A interjette appel de ce jugement en ce qu'il a cantonné à 70 % la responsabilité de la commune et n'a pas réparé l'ensemble de ses préjudices ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A, qui avait reçu le 5 décembre 2009 notification du jugement du tribunal administratif de Toulon du 3 décembre 2009, disposait d'un délai expirant le samedi 6 février 2010 pour interjeter appel ; qu'enregistrée le lundi 8 février 2010, sa requête d'appel, qui comportait la critique des motifs retenus par les premiers juges, est recevable ; que, par suite, les fins de non- recevoir opposées par la commune de Fayence doivent être écartées ;

Sur la responsabilité de la commune de Fayence :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle A a constaté le 9 août 2002 des fissures des pièces et en façade de la maison d'habitation dont elle est propriétaire sur le territoire de la commune de Fayence et dont le terrain d'assiette, situé à proximité de deux réservoirs d'eau potable appartenant à la commune, est traversé par différentes canalisations enfouies d'adduction et de surverse d'eau dont les mises en pression ont démontré qu'elles étaient fuyardes ; qu'en outre, le 12 février 2003, l'intervention des services techniques de la commune à l'occasion d'un incident concernant le raccordement du nouveau réservoir, a révélé la présence, à moins de 5 mètres de la façade de sa maison d'habitation, de la surverse vétuste et en état de dégradation d'un ancien bassin datant de 1899, réputée abandonnée depuis 1972, qui laissait en permanence s'écouler un filet d'eau ; que, dans son rapport en date du 16 mars 2006, l'expert judiciaire a conclu à l'existence d'un lien entre les fuites sur les canalisations enterrées et les désordres constatés sur la structure de la villa de la requérante ; qu'ainsi, le lien entre les fuites sur les canalisations enterrées d'eau potable appartenant à la commune de Fayence et les fissures apparues sur la maison d'habitation dont Mlle A est propriétaire doit être regardé comme établi ; que la circonstance que les premiers désordres aient été constatés au cours de l'année 2002, plusieurs mois avant l'intervention des services techniques de la commune qui a révélé la présence de la surverse de l'ancien bassin à proximité immédiate de la façade de la villa de la requérante, n'est pas de nature à remettre en cause le lien de causalité, alors que l'état de dégradation de cette canalisation impliquait nécessairement l'existence d'une fuite d'eau déjà ancienne ; que Mlle A est fondée à soutenir que ce n'est pas la nature du sol qui est à l'origine du dommage, mais la variation de sa teneur en eau, elle- même provoquée par les fuites d'eau du réseau d'eau potable de la commune ; que la circonstance que des bâtiments voisins, dont certains situés en zone à risque moyen de mouvements de sol, aient présenté des fissures que les propriétaires concernés imputent à la sécheresse de 2003 n'est pas de nature à remettre en cause le lien de causalité entre les fuites d'eau et les désordres constatés sur l'immeuble dont la requérante est propriétaire ;

Considérant toutefois que Mlle A ne conteste pas utilement les observations de l'expert selon lesquelles les fondations anciennes en pierres bâties de section trapézoïdales ne sont pas adaptées à ce type de terrain, surtout à faible profondeur en se bornant à faire valoir que le bâtiment, qui est une ancienne bergerie construite en 1923 et transformée en maison d'habitation en 1947, a résisté à des conditions climatiques extrêmes sans présenter le moindre désordre ; qu'ainsi, si les fuites d'eau ont revêtu un caractère déterminant dans la réalisation du dommage, la fragilité du bâtiment a été de nature à aggraver les désordres ; que, dès lors, Mlle A n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges ont fait une appréciation inexacte de la responsabilité de la commune de Fayence en ne la retenant qu'à hauteur de 70 % des dommages constatés sur sa propriété ;

Sur les réparations :

Considérant que les travaux concernant les infrastructures, évalués à 69 903,25 euros par la requérante et à 52 750 euros par l'expert, consistant à renforcer les fondations par la réalisation de micro-pieux, n'ont pas pour objet la réparation du dommage, mais la consolidation de fondations insuffisantes ; que, par suite, les conclusions de la requérante relatives aux travaux portant sur l'infrastructure du bâtiment doivent être rejetées ;

Considérant que, si Mlle A demande la somme globale de 38 694,88 euros au titre des dommages causés à la superstructure correspondant au coût des travaux de reprise, au coût de la maîtrise d'oeuvre et au coût des travaux de peinture, lesquels ne sont pas retenus par l'expert, il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal administratif de Toulon, en les évaluant à la somme de 55 000 euros et en lui allouant la somme de 23 500 euros après application du partage de responsabilité de 70 % et déduction de la provision de 15 000 euros, a insuffisamment indemnisé ces chefs de préjudice ; que les conclusions relatives à la réparation des dommages causés à la superstructure présentées par Mlle A doivent être rejetées ;

Considérant que Mlle A n'assortit pas ses conclusions tendant à la réparation de son préjudice de jouissance, qu'elle estime à 30 000 euros, des précisions permettant à la Cour d'en apprécier le bien fondé ; qu'elle ne justifie pas des frais de relogement et de garde-meube pendant la durée prévisible des travaux qu'elle estime à 4 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A n'est fondée ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulon a limité la responsabilité de la commune de Fayence à 70 % des dommages causés à sa propriété, ni à se plaindre qu'en lui allouant la somme de 23 500 euros, il a insuffisamment réparé ses préjudices ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit allouée à Mlle A au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Fayence sur le fondement desdites dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par Mlle A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Fayence tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Annie A et à la commune de Fayence.

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N°10MA00505


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA00505
Date de la décision : 06/02/2012
Type d'affaire : Administrative

Analyses

67-03-03-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics. Existence de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: M. Jacques LAGARDE
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : SCP BOUZEREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-02-06;10ma00505 ?
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