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21/06/2011 | FRANCE | N°09MA00369

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 21 juin 2011, 09MA00369


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 janvier 2009 par télécopie sous le n° 09MA00369, régularisée le 2 février 2009, présentée par Me Boitel, avocat, pour Mme Monique A, demeurant ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502431 du 28 novembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant :

- à l'annulation de l'arrêté du 11 mars 2005 du maire de Cannes lui infligeant la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 2 mois du 1er avril au 31 mai 2005

inclus,

- à la reconstitution par voie d'injonction de sa carrière en sa qualité d...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 janvier 2009 par télécopie sous le n° 09MA00369, régularisée le 2 février 2009, présentée par Me Boitel, avocat, pour Mme Monique A, demeurant ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502431 du 28 novembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant :

- à l'annulation de l'arrêté du 11 mars 2005 du maire de Cannes lui infligeant la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 2 mois du 1er avril au 31 mai 2005 inclus,

- à la reconstitution par voie d'injonction de sa carrière en sa qualité d'agent de catégorie A à compter du 24 mai 2004, date de sa nouvelle affectation,

- à ce que soit mise à la charge de la commune de Cannes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite sanction ;

3°) d'enjoindre à la commune de Cannes de reconstituer sa carrière en sa qualité d'agent de catégorie A à compter du 24 mai 2004, date de sa nouvelle affectation ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Cannes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2011 :

- le rapport de M. Brossier, rapporteur,

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteur public,

- et les observations de Me Jamanbaieva, du cabinet d'avocats Christian Boitel, pour Mme A et de Me Persico, substituant Me Leroy-Freschini, pour la commune de Cannes ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 28 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes des articles 1 et 2 du décret n° 87-1099 du 30 décembre 1987 portant statut particulier du cadre d'emplois des attachés territoriaux :

Art. 1er. - Les attachés territoriaux constituent un cadre d'emplois administratifs de catégorie A au sens de l'article 5 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984...Ce cadre d'emplois comprend les grades d'attaché, d'attaché principal, de directeur territorial. Art. 2. - Les membres du cadre d'emplois exercent leurs fonctions sous l'autorité des directeurs généraux des services des départements et des régions, des secrétaires généraux ou secrétaires des communes ou des directeurs d'établissements publics et, le cas échéant, des directeurs généraux adjoints des départements et des régions, des secrétaires généraux adjoints des communes, des directeurs adjoints des établissements publics ou des administrateurs territoriaux en poste dans la collectivité ou l'établissement. Ils participent à la conception, à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques décidées dans les domaines administratif, financier, économique, sanitaire, social, culturel, de l'animation et de l'urbanisme. Ils peuvent ainsi se voir confier des missions, des études ou des fonctions comportant des responsabilités particulières, notamment en matière de gestion des ressources humaines, de gestion des achats et des marchés publics, de gestion financière et de contrôle de gestion, de gestion immobilière et foncière et de conseil juridique. Ils peuvent également être chargés des actions de communication interne et externe et de celles liées au développement, à l'aménagement et à l'animation économique, sociale et culturelle de la collectivité. Ils exercent des fonctions d'encadrement et assurent la direction de bureau ou de service. Ils peuvent, en outre, occuper les emplois administratifs de direction des collectivités territoriales et des établissements publics locaux assimilés dans les conditions prévues par les articles 6 et 7 du décret n° 87-1101 du 30 décembre 1987... ;

Considérant que Mme A, agent titulaire au grade d'attaché territorial principal de 2ème classe muté à la commune de Cannes à compter du 1er septembre 2002, a d'abord été affectée à la direction du développement économique du pôle budget-finances , en tant que directeur du projet technopôle ; qu'une note de service du 21 mai 2004 du directeur général des services l'affecte à compter du 24 mai auprès M. Chilini, ingénieur, qui dirige le service études et grands travaux au sein du pôle environnement-infrastruture-grands travaux ; qu'il est reproché à l'intéressée d'avoir manqué à l'obligation de servir et au devoir d'obéissance hiérarchique des fonctionnaires, en mettant de la mauvaise volonté à accomplir les missions qui lui ont été confiées dans son nouveau service ; que la sanction en litige est une exclusion temporaire des fonctions de deux mois ;

Considérant, en premier lieu, que, si la motivation en fait précitée de la décision attaquée ne précise pas le contenu exact des missions pour lesquelles un refus d'obéissance et une mauvaise volonté de servir sont reprochés, se contentant de mentionner les missions qui lui ont été confiées dans son nouveau service, il ressort des pièces du dossier, et notamment des écritures de la commune, qu'il est reproché à l'intéressée, d'une part, d'avoir mis de la mauvaise volonté à rencontrer les responsables de son nouveau service afin de définir ses nouvelles missions, d'autre part, d'avoir rendu dans un délai non raisonnable une première mission précise définie le 17 août 2004, montrant ainsi, et là encore selon la commune, sa mauvaise volonté à obéir à ses nouveaux responsables hiérarchiques ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A s'est rendue le 24 mai 2004, jour de sa nouvelle affectation, sur son poste de travail où elle a rencontré M. Chilini, ingénieur ; que ce dernier, dont il n'est pas contesté qu'il n'avait pas été informé de cette affectation, a interrogé le jour même par écrit M. Marie, directeur du pôle environnement-infrastruture-grands travaux, en indiquant que son service avait besoin dans la filière administrative d'un rédacteur (catégorie B) ayant des compétences en comptabilité, en demandant dès lors si le grade de l'intéressée (catégorie A) était compatible avec ce besoin, et en remarquant en outre qu'il n'avait pas de bureau pour accueillir l'intéressée ; que Mme A a écrit le 4 juin 2004 au directeur général des services en indiquant qu'il n'y avait aucune fonction correspondant à son grade auprès de M. Chilini, ni même de bureau, qu'elle ne pouvait donc rejoindre un poste n'existant pas et en demandant par suite une nouvelle affectation ; qu'il ne peut être reproché à l'intéressée, dans ces conditions, d'avoir mis de la mauvaise volonté à servir rapidement dans son nouveau service, ni même de ne pas s'être rendue au rendez-vous fixé le 7 juin 2004 avec MM. Marie et Chilini pour définir ses nouvelles fonctions, dès lors qu'elle était alors en congé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'à son retour de congé et à la suite de deux entretiens des 5 juillet et 5 août 2004, M. Marie a confirmé par écrit, le 17 août 2004, le contenu de la mission évoquée lors desdits entretiens en demandant de la réaliser sous huitaine ; que cette mission consistait, dans le cadre de l'aménagement d'une voirie sur le chemin de la Plaine de Laval (...) , à remettre l'inventaire des projets envisagés ainsi que les caractéristiques utiles au dimensionnement d'une voirie de desserte à aménager sur le tracé du chemin de la Plaine de Laval (surfaces et emprises concernées par ces projets, évaluation de la demande de déplacements, capacité d'accueil sur chacun des sites,...) ; que Mme A, appartenant aux corps des attachés territoriaux (catégorie A) et qui était affectée comme directeur du projet technopôle avec des fonctions d'encadrement de plusieurs agents, s'est vu ainsi confier une mission de simple exécution, sous la responsabilité d'un ingénieur, comportant en partie des compétences au caractère technique consistant à déterminer les éléments nécessaires au calibrage d'une voirie ; que cette mission portait atteinte aux prérogatives du corps des attachés territoriaux telles que définies par les articles précités 1 et 2 du décret

n° 87-1099 du 30 décembre 1987 ; qu'au surplus, par jugement du 28 novembre 2008 devenu définitif, le tribunal administratif de Nice a annulé la nouvelle affectation de Mme A pour vices de procédure au motif que cette mutation ne pouvait être prononcée sans l'avis préalable de la commission administrative paritaire compétente et sans que l'intéressée ait été mise à même de demander la communication préalable de son dossier, compte tenu des modifications substantielles de la nature de ses fonctions et de leur contenu ;

Considérant, certes et en quatrième lieu, que l'ordre en litige donné par le directeur du pôle à l'intéressée le 17 août 2004, eu égard au caractère ponctuel de la mission définie et au fait qu'elle n'était pas exclusivement technique, mais comportait une dimension administrative d'inventaire à fin d'aménagement urbanistique, ne peut être regardé comme manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public au sens de l'article 28 précité, seules conditions pouvant légalement justifier un refus d'obéissance, nonobstant l'illégalité interne de cet ordre du fait de l'atteinte aux prérogatives du corps des attachés territoriaux ; que l'allégation selon laquelle l'intéressée aurait été placée dans des conditions de travail rendant matériellement impossible l'exercice de sa mission n'est pas sérieusement établie ; que, dans ces conditions, le refus d'exécuter de cette mission dans le délai imparti est qualifiable de faute disciplinaire de nature à justifier une sanction, la circonstance que le tribunal administratif de Nice ait postérieurement annulé son affectation pour vice de procédure étant à cet égard inopérante ;

Considérant, toutefois et en cinquième lieu, que s'il est constant que l'intéressée n'a pas réalisé la mission en litige dans le délai imparti sous huitaine avant la fin du mois d'août 2004, il ressort des pièces du dossier que la mission a été réalisée au cours du mois d'octobre 2004, dans un délai de près de deux mois ; qu'ainsi qu'il a été dit, une partie de cette mission comportait des éléments techniques de calibrage d'une voirie ne relevant pas de la compétence d'un cadre administratif et qu'à cet égard, le délai imparti d'une semaine apparaît bref, voire brutal, en l'absence de toute urgence établie au cours du mois d'août 2004 ; que les conditions susmentionnées d'affectation de l'intéressée dans son nouveau service, en l'absence de toute concertation préalable, le service d'accueil n'étant lui-même pas prévenu, compte tenu de l'atteinte aux prérogatives de son corps, et eu égard à ses fonctions précédentes, doivent être regardées comme vexatoires ; que, dans ces conditions particulières, le fait pour l'intéressée d'avoir tardé à se conformer aux exigences de sa hiérarchie, s'il est qualifiable de faute disciplinaire ainsi qu'il a été dit, ne saurait justifier l'infliction d'une sanction d'exclusion temporaire des fonctions de 2 mois sans erreur manifeste d'appréciation, nonobstant la circonstance que l'intéressée soit un cadre de catégorie A devant avoir à ce titre une attitude particulièrement exemplaire, dès lors que justement, en l'espèce, est en litige l'atteinte aux prérogatives de ce cadre ; que l'appelante est donc fondée à soutenir que la décision attaquée est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'appelante est fondée à soutenir que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté à tort ses conclusions à fin d'annulation de la décision attaquée ;

Considérant qu'il y a lieu par suite pour la Cour, d'une part, d'annuler le jugement attaqué, sans qu'il soit besoin de statuer sur son irrégularité alléguée par Mme A tirée de l'omission du tribunal à statuer sur son moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation, moyen d'irrégularité au demeurant fondé mais irrecevable, dès lors qu'aucun moyen de régularité n'a été soulevé dans la requête introductive d'appel et que cette omission à statuer n'a été soulevée que dans le mémoire ampliatif enregistré le 4 mars 2011 après expiration du délai d'appel de deux mois ;

Considérant qu'il y a lieu d'autre part pour la Cour, par l'effet dévolutif de l'appel, d'annuler la décision attaquée pour erreur manifeste d'appréciation, sans qu'il soit besoin de statuer de statuer sur les autres moyens en annulation soulevés par Mme A, notamment les vices de procédure soulevés pour la première fois en appel ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant que le présent arrêt en annulation pour erreur manifeste d'appréciation de la sanction attaquée, laquelle exclut temporairement l'intéressée du 1er avril 2005 au 31 mai 2005, implique nécessairement qu'il soit enjoint à la commune de Cannes de reconstituer la carrière de l'intéressée, non pas comme le demande Mme A à compter du 24 mai 2004, date de sa nouvelle affectation, mais sur la période courant du 1er avril 2005 au 31 mai 2005 ; que cette reconstitution de carrière de l'intéressée doit prendre en compte sur cette période de deux mois ses droits à avancement et ses droits sociaux ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte financière ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune intimée la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Mme A ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement attaqué susvisé du 28 novembre 2008 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : La décision attaquée susvisée du 11 mars 2005 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint sans astreinte à la commune de Cannes de reconstituer la carrière et les droits sociaux de Mme A sur la période courant du 1er avril 2005 au 31 mai 2005.

Article 4 : La commune de Cannes versera à Mme A la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme A est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Monique A, à la commune de Cannes et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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N° 09MA003692


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA00369
Date de la décision : 21/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions. Erreur manifeste d'appréciation.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : CABINET CHRISTIAN BOITEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-06-21;09ma00369 ?
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