La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/04/2011 | FRANCE | N°08MA03235

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 15 avril 2011, 08MA03235


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 8 juillet 2008, régularisée le 10 juillet 2008, sous le n° 08MA03235, présentée par Me Durrieu-Diebolt, avocat, pour

M. Thierry A, demeurant ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604457 du 10 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant :

- à la condamnation solidaire de l'assistance publique des hôpitaux de Marseille et de l'Etablissement Français du Sang à lui payer, avec les intérêts au taux légal et le produit

de leur capitalisation, une indemnité de 370.713 euros au titre des postes de préjudice à ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour par télécopie le 8 juillet 2008, régularisée le 10 juillet 2008, sous le n° 08MA03235, présentée par Me Durrieu-Diebolt, avocat, pour

M. Thierry A, demeurant ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604457 du 10 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant :

- à la condamnation solidaire de l'assistance publique des hôpitaux de Marseille et de l'Etablissement Français du Sang à lui payer, avec les intérêts au taux légal et le produit de leur capitalisation, une indemnité de 370.713 euros au titre des postes de préjudice à caractère patrimonial soumis à recours des organismes sociaux après déduction de la créance de ces derniers et une indemnité de 232.000 euros au titre des postes de préjudice personnel ;

- à ce que le tribunal dise que les sommes réclamées seront allouées, à titre provisionnel, avant consolidation et sous réserve d'une aggravation de son état de santé ;

- à ce que soit ordonnée l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- à ce que soient mis à la charge de l'assistance publique des hôpitaux de Marseille et de l'Etablissement Français du Sang les dépens, ensemble les frais exposés et non compris dans les dépens à hauteur de 2.500 euros ;

2°) de condamner solidairement l'assistance publique des hôpitaux de Marseille et l'Etablissement Français du Sang, à lui verser à titre provisionnel avant consolidation, et sous réserve d'une aggravation de son état de santé, les indemnités de :

- 370.713 euros au titre des postes de préjudice à caractère patrimonial soumis à recours des organismes sociaux, après déduction de la créance de ces derniers,

- 232.000 euros au titre des postes de préjudice à caractère personnel ;

3°) d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal et du produit de leur capitalisation ;

4°) d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'assistance publique des hôpitaux de Marseille et de l'Etablissement Français du Sang les dépens, ensemble les frais exposés et non compris dans les dépens à hauteur de 2.500 euros ;

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, et notamment son article 102 ;

Vu la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la Sécurité Sociale pour 2007 ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, notamment son article 67 ;

Vu le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 relatif à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus d'immunodéficience humaine ou par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ainsi qu'à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de vaccinations obligatoires ;

Vu le décret n° 2010-252 du 11 mars 2010 relatif à la dotation couvrant les dépenses liées à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ;

Vu l'arrêté du 11 mars 1968 portant règlement des archives hospitalières ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre exceptionnel, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mars 2011 :

- le rapport de M. Brossier, rapporteur,

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteur public,

- et les observations de Mme De Crozet, mère de M. Thierry A ;

Considérant qu'à la suite d'un accident de la circulation, M. A a été admis le 3 juillet 1978 à l'hôpital Michel Lévy de l'assistance publique des hôpitaux de Marseille (APHM) pour subir une ostéosynthèse sur fracture du tiers supérieur du fémur ; qu'à la suite de la découverte en 1998 de sa sérologie positive au virus de l'hépatite C, il a recherché devant le tribunal administratif de Marseille la responsabilité solidaire de l'établissement français du sang (EFS) et de ladite assistance publique des hôpitaux de Marseille en raison, s'agissant de l'EFS, de l'imputabilité de sa contamination à des transfusions sanguines qui auraient été réalisées lors de son séjour hospitalier en 1978 et s'agissant de l'assistance publique des hôpitaux de Marseille (APHM), de la perte de chance de pouvoir prouver l'existence de ces transfusions et de cette imputabilité compte tenu de la perte selon lui fautive, de la part de l'administration hospitalière, de son dossier médical de 1978 ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la contamination par voie transfusionnelle :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 102 de la loi susvisée du

4 mars 2002 : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. /Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ; qu'il ressort de ces dispositions qu'il appartient aux demandeurs, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle la contamination par le virus de l'hépatite C proviendrait d'une transfusion, mais encore d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le ou les défendeurs ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par les parties, forme sa conviction, que le doute profite aux demandeurs ; que la présomption légale instituée par les dispositions de l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ne s'applique qu'à la relation de cause à effet entre une transfusion et la contamination par le virus de l'hépatite C ultérieurement constatée, et ne concerne pas l'existence même de la transfusion soupçonnée d'avoir causé cette contamination et qu'il incombe donc au demandeur d'établir l'existence de la transfusion qu'il prétend avoir subie selon les règles de droit commun gouvernant la charge de la preuve devant le juge administratif ; que la circonstance en l'espèce que le dossier de M. DECREUZE ait été détruit lors d'un dégât des eaux n'est pas de nature à exonérer l'intéressé de la charge d'établir l'existence de ladite transfusion ;

Considérant, en deuxième lieu, s'agissant de la responsabilité du fait des produits transfusés, que l'établissement français du sang (EFS) est venu dès la première instance aux droits et obligations du centre de transfusion de Marseille, fournisseur des produits sanguins administrés à l'intéressé en 1978 ; que l'article 67 de la loi susvisée n° 2008-1330 du

17 décembre 2008 a ensuite confié à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), en cours d'instance d'appel, en lieu et place de l'établissement français du sang (EFS), l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C (VHC) causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ; que cet article 67, introduisant dans le code de la santé publique l'article L. 1221-14, met également en place une procédure de règlement amiable et un conseil d'orientation, placé auprès du conseil d'administration, chargé de définir les orientations de la politique indemnitaire ; que ce nouveau dispositif est entré en vigueur à la date à laquelle sont entrés en vigueur les décrets d'application des articles L. 1221-14 et L. 3122-1 du code de la santé publique et le décret prévu à

l'article L. 1142-23 du même code, à savoir au 1er juin 2010, en application de l'article 8 du décret susvisé n° 2010-251 du 11 mars 2010 ; que l'appelant, engagé au 1er juin 2010 dans la présente action en justice, n'était pas tenu de solliciter de la Cour un sursis à statuer aux fins d'examen de sa demande par l'ONIAM, pouvant choisir de poursuivre l'instance engagée en vue d'obtenir la condamnation de l'ONIAM substitué à l'établissement français du sang ; qu'en l'espèce, l'intéressé a demandé à la Cour, par mémoire du 18 juin 2009, de condamner l'ONIAM à lui verser les indemnités initialement réclamées à l'EFS ; que l'ONIAM a été appelé dans la cause ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le centre transfusionnel de Marseille a fourni les 3 et 4 juillet 1978 à l'assistance publique des hôpitaux de Marseille

4 concentrés globulaires émanant de 4 donneurs distincts pour un patient, dénommé

Thierry DECREUZE né le 2 octobre 1961, qui doit être regardé comme étant effectivement l'appelant, Thierry A né le 2 octobre 1961, nonobstant l'erreur matérielle entachant son nom, compte tenu de la similitude du prénom, de la date de naissance et de la coïncidence de la date de livraison avec le jour de l'hospitalisation en litige ; que selon l'expert, une biopsie hépatique réalisée en 2000 a mis en évidence dans le sang de M. A la présence d'anticorps anti-Kell, dont l'origine chez l'homme est dans 95 % des cas d'origine

post-transfusionnelle ; que le rapport d'expertise souligne qu'aucune transfusion n'a été recensée avant ou après 1978 ; qu'en outre, les opérations d'expertise ne relèvent aucun fait susceptible d'avoir contaminé l'intéressé depuis l'hospitalisation en litige jusqu'au jour de la découverte de sa sérologie positive au virus de l'hépatite C et qu'avant cette hospitalisation, l'intéressé n'avait subi que deux gestes invasifs susceptibles de le contaminer, une extraction dentaire et un percement de l'oreille, dont le pouvoir de contamination est marginal selon l'expert par rapport à une transfusion sanguine ; qu'enfin, même si l'intervention chirurgicale en litige n'était qu'une simple ostéo-synthèse, le rapport d'expertise indique qu'il est concevable qu'il y ait eu une indication de transfusion sanguine d'autant qu'à l'époque des faits, selon l'expert, les transfusions sanguines étaient facilement administrées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, compte tenu notamment de la présence susmentionnée d'anticorps anti-Kell, d'une part, que la matérialité de la transfusion d'au moins un concentré globulaire lors du séjour hospitalier de l'appelant en 1978 doit être considérée comme établie de façon suffisamment sérieuse, nonobstant la perte du dossier médical de l'intéressé, d'autre part, que le faisceau d'indices ressortant des éléments versés au dossier permet de retenir une présomption suffisante d'imputabilité de la contamination à la transfusion, nonobstant la circonstance que la perte du dossier médical ne permette pas de connaître le nombre exact de concentrés globulaires administrés ; que ni l'établissement français du sang (EFS) ni l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ne renversent la charge de la preuve contraire qui leur incombe, dans la mesure où il n'est pas établi qu'aucun des 4 donneurs susmentionnés n'était pas porteur du virus ; qu'ainsi, le doute profitant à la victime, la responsabilité de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) est engagée à l'égard de M. A ;

En ce qui concerne la perte du dossier médical :

Considérant que M. A demande en outre la condamnation de l'assistance publique des hôpitaux de Marseille sur le terrain de la perte de chance de pouvoir prouver l'existence même des transfusions en litige en 1978 et leur lien de causalité avec sa contamination, compte tenu de la perte fautive selon lui, de la part de l'administration hospitalière, de son dossier médical de 1978 lors d'un dégât des eaux ; qu'il résulte toutefois de ce qui précède que les éléments versés au dossier, sans même ledit dossier médical détruit, permettent à la Cour de retenir la responsabilité de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ; que les conclusions dirigées contre l'assistance publique des hôpitaux de Marseille au titre de la perte de chance susmentionnée doivent par voie de conséquence être rejetées ;

Considérant, au demeurant et en tout état de cause, qu'aux termes de l'article 7 de l'arrêté interministériel du 11 mars 1968 portant règlement des archives hospitalières, applicable à la date de l'hospitalisation en litige de 1978 : Les archives hospitalières (...) et les archives médicales sont conservées au siège de l'établissement (...) ; qu'en vertu du tableau relatif aux délais de conservation des archives médicales qui figure dans cet arrêté, les registres d'entrées et de sorties des malades sont conservés indéfiniment ; que les dossiers médicaux des malades (diagnostics, observations...) sont conservés indéfiniment pour les affections de nature héréditaire susceptibles d'avoir des répercussions pathologiques ou traumatisantes sur la descendance, 70 ans pour la pédiatrie, la neurologie, la stomatologie et les maladies chroniques, et 20 ans dans les autres cas ; qu'il résulte de l'instruction que M. A a été hospitalisé en juillet 1978 pour une ostéosynthèse sur fracture du tiers supérieur du fémur ; que cette affection ne peut regardée comme une maladie chronique au sens des dispositions précitées ; que par suite, le délai pendant lequel l'administration hospitalière devait conserver le dossier médical de l'intéressé était de 20 ans ; que s'il est constant que ledit dossier a été détruit lors d'un dégât des eaux en 1982, en tout état de cause, l'administration hospitalière n'était tenue de le conserver que jusqu'en juillet 1998, date à laquelle le dossier pouvait légalement être détruit ; que M. A n'établit pas avoir sollicité la communication de son dossier médical avant la fin de l'année 1998 ;

Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'assistance publique des hôpitaux de Marseille qui doit être mise hors de cause et que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions dirigées contre ladite assistance publique ; qu'il en revanche fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses demandes indemnitaires dirigées contre l'établissement français du sang (EFS), auquel se substitue en appel désormais l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ;

Sur les préjudices :

Considérant qu'il ressort de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, éclairée par ses travaux préparatoires, qu'un poste de préjudice se définit comme un ensemble de préjudices de même nature directement liés aux dommages corporels subis par la victime directe ; que la nouvelle rédaction de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale n'impose de procéder à une évaluation distincte par poste que pour autant que le tiers payeur établit qu'il a versé ou versera à la victime une prestation indemnisant un préjudice relevant de ce poste, et ne fait donc pas obstacle à ce que les postes de préjudice ne donnant lieu au versement d'aucune prestation imputable fassent l'objet d'une indemnisation globale au profit de la victime ; qu'une prestation ne peut être regardée comme prenant en charge un préjudice, au sens du troisième alinéa de l'article L. 376-1, qu'à la condition d'avoir pour objet cette réparation, d'être en lien direct avec le dommage corporel et d'être versée en application du livre 3 du code de la sécurité sociale ; que les prestations ne présentant pas de caractère indemnitaire, notamment celles qui sont versées au titre de l'aide sociale, restent donc exclues de l'exercice du recours subrogatoire ; qu'il résulte également des troisième et cinquième alinéas de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale que ce recours ne peut pas, en principe, s'exercer sur des indemnités réparant des préjudices à caractère personnel, c'est-à-dire ceux qui ne consistent ni dans l'obligation d'exposer une dépense, ni dans la perte d'un revenu, sous réserve du cas où la caisse établirait avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice ; qu'il y a lieu, lorsque les circonstances de l'espèce font apparaître le versement de prestations correspondantes, de distinguer, à tout le moins, les postes de préjudice suivants : dépenses de santé, frais liés au handicap, pertes de revenus, incidence professionnelle et scolaire du dommage corporel, autres dépenses liées au dommage corporel et préjudices personnels ; qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi du 21 décembre 2006 que le législateur a entendu que la priorité accordée à la victime sur la caisse pour obtenir le versement à son profit des indemnités mises à la charge du tiers responsable, dans la limite de la part du dommage qui n'a pas été réparée par des prestations, s'applique, notamment, lorsque le tiers n'est déclaré responsable que d'une partie des conséquences dommageables de l'accident ; que dans ce cas, l'indemnité mise à la charge du tiers, qui correspond à une partie des conséquences dommageables de l'accident, doit être allouée à la victime tant que le total des prestations dont elle a bénéficié et de la somme qui lui est accordée par le juge ne répare pas l'intégralité du préjudice qu'elle a subi ; que quand cette réparation est effectuée, le solde de l'indemnité doit, le cas échéant, être alloué à la caisse ; que toutefois, le respect de cette règle s'apprécie poste de préjudice par poste de préjudice, puisqu'en vertu du troisième alinéa, le recours des caisses s'exerce dans ce cadre ; qu'afin de respecter l'ensemble des exigences résultant de la nouvelle rédaction de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, il appartient au juge, pour chacun des postes de préjudice, tout d'abord, d'évaluer le montant du préjudice total en tenant compte de l'ensemble des dommages qui s'y rattachent, de fixer ensuite la part demeurée à la charge de la victime, compte tenu des prestations dont elle a bénéficié et qui peuvent être regardées comme prenant en charge un préjudice, et enfin de déterminer le montant de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable au titre du poste de préjudice, ce montant correspondant à celui du poste si la responsabilité du tiers est entière et à une partie seulement en cas de partage de responsabilité ; que le juge accorde à la victime, dans le cadre de chaque poste de préjudice et dans la limite de l'indemnité mise à la charge du tiers, une somme correspondant à la part des dommages qui n'a pas été réparée par des prestations de sécurité sociale, le solde de l'indemnité mise à la charge du tiers étant, le cas échéant, accordé à la caisse ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du

1er février 2006, qu'à la suite de la découverte en mai 1998 de sa contamination par le virus de l'hépatite C, M. A a présenté un état stable, avant de développer une asthénie à partir de 2003, qui s'est aggravée en 2004, et de débuter un premier traitement antiviral en mai 2004 ; que l'intéressé, qui exerçait une activité commerciale d'exploitation d'un restaurant, a été placé en arrêt maladie du 14 juin 2004 au 31 janvier 2005 ; qu'il a touché le revenu minimum d'insertion (RMI) à compter du mois de juillet 2004 et a été admis le 15 mars 2005 à la couverture médicale universelle (CMU) ; que l'intéressé, dont l'exploitation commerciale de son restaurant a été abandonnée, a été reconnu travailleur handicapé le 12 mai 2005 par la COTOREP à un taux de 50 % ;

Considérant, en premier lieu et ainsi qu'il a été dit, que M. A a dû abandonner l'exploitation commerciale de son restaurant à compter du 14 juin 2004 ; qu'il était affilié auprès du Régime Social des Indépendants (RSI), organisme de sécurité sociale dont le régime est organisé par les articles L. 611-1 et suivants du code de la sécurité sociale ; que le Régime Social des Indépendants de Midi-Pyrénées, mis dans la cause, soutient avoir déboursé à titre provisoire, en raison de la contamination de l'intéressé par le virus de l'hépatite C, la somme de 62.449,92 euros, et en demande par suite le remboursement en sa qualité de

tiers-payeur subrogé, par mémoire enregistré au greffe le 8 novembre 2010 ;

Considérant toutefois que ce mémoire a été présenté sans ministère d'avocat en méconnaissance de l'article R. 811-7 du code de justice administrative aux termes duquel : Les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés, à peine d'irrecevabilité, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2. Lorsque la notification de la décision soumise à la cour administrative d'appel ne comporte pas la mention prévue au troisième alinéa de l'article R. 751-5, le requérant est invité par la cour à régulariser sa requête dans les conditions fixées aux articles R. 612-1 et R. 612-2. Toutefois, sont dispensés de ministère d'avocat : 1° Les requêtes dirigées contre les décisions des tribunaux administratifs statuant sur les recours pour excès de pouvoir formés par les fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que par les agents ou employés de la Banque de France contre les actes relatifs à leur situation personnelle ; 2° Les litiges en matière de contraventions de grande voirie mentionnés à l'article L. 774-8. Les demandes d'exécution d'un arrêt de la cour administrative d'appel ou d'un jugement rendu par un tribunal administratif situé dans le ressort de la cour et frappé d'appel devant celle-ci sont également dispensées de ministère d'avocat. ; qu'une demande de régularisation a été, à cet égard, adressée le 10 novembre 2010 au Régime Social des Indépendants de Midi-Pyrénées, qui mentionnait l'article R. 811-7 précité et indiquait qu'il appartenait à cette partie de régulariser son mémoire dans un délai d'un mois sous peine d'irrecevabilité ; que cette demande de régularisation a été reçue le 15 novembre 2010 par avis de réception n° 2C04905200046 ; qu'en l'absence de régularisation de la part du Régime Social des Indépendants de Midi-Pyrénées, ledit mémoire enregistré au greffe le 8 novembre 2010 et les conclusions indemnitaires qu'il contient doivent être rejetées pour irrecevabilité ;

Considérant, en second lieu, que M. A fait état de la somme totale de 370.713 euros au titre des postes de préjudices à caractère patrimonial qu'il estime avoir subis ; qu'il invoque sa perte de revenus passée et à venir, ainsi que l'incidence professionnelle de la maladie notamment en ce qui concerne ses droits à la retraite ; qu'il fait notamment état de la différence entre les revenus qu'il tirait de son exploitation commerciale et les revenus de remplacement qu'il a ensuite touchés ; que si le Régime Social des Indépendants de

Midi-Pyrénées est irrecevable, ainsi qu'il a été dit, à demander à la Cour de condamner l'EFS à lui payer la somme de débours provisoires de 62.449,92 euros dont il fait état, et dont le détail n'est au demeurant pas produit, il résulte de l'instruction qu'une partie de ces débours correspond à des indemnités journalières versées lors des périodes d'arrêts maladie courant du 14 juin 2004 au 31 janvier 2005 ; que ces indemnités doivent donc être pris en compte dans le calcul de l'indemnisation du préjudice financier de l'appelant ; que l'état du dossier ne permet pas à la Cour d'appréhender l'éventuel versement de telles indemnités journalières au delà du 30 janvier 2005 ; qu'en outre, s'il résulte de l'instruction que l'intéressé a touché des allocations d'aide au retour à l'emploi des ASSEDIC Midi-Pyrénées, à compter du 12 janvier 2005 pour une durée maximale de 446 jours et a touché le revenu minimum d'insertion (RMI) à compter du mois de juillet 2004, l'état du dossier ne permet pas à la Cour d'appréhender les versements de ces allocations et de ce revenu minimum, tant dans leur montant que dans leur durée ; qu'il en est de même de la pension d'invalidité allouée par le régime social des indépendants (RSI), dont il apparaît qu'elle a été de 255,31 euros au titre de l'année 2007, sans que l'état du dossier ne permette de justifier le montant des versements suivants ; que par ailleurs, l'intéressé a été reconnu travailleur handicapé le 12 mai 2005 par la COTOREP à un taux de 50 % induisant le versement par la caisse d'allocation familiale (CAF) de l'Ariège de l'allocation adulte handicapé dont les versements et les montants ne sont justifiés que jusqu'en octobre 2010 ; qu'enfin, l'appelant a produit un avis d'imposition incomplet au titre de l'année 1999, et n'a produit aucun avis d'imposition au titre des années 2000, 2005, 2007 et au-delà ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu pour la Cour de surseoir à statuer sur la demande d'indemnisation des préjudices à caractère patrimonial de

M. A, en lui demandant de produire, par supplément d'instruction dans un délai de

6 mois à compter de la notification du présent arrêt, ses avis d'imposition au titre des années 1999, 2000, 2005, 2007 et au-delà, ainsi que le détail des indemnités journalières et de la pension d'invalidité qu'il a perçues jusqu'au jour du présent arrêt de la part du Régime Social des Indépendants de Midi-Pyrénées, ainsi que le détail des versements perçus jusqu'au jour du présent arrêt au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi et du revenu minimum d'insertion (RMI), et de préciser si sa situation de travailleur handicapé touchant l'allocation adulte handicapé est inchangée au jour du présent arrêt ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

Considérant que M. A réclame la somme totale de 232.000 euros au titre des postes de préjudices à caractère personnel qu'il estime avoir subis ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 1er février 2006, qu'à la suite de la découverte en mai 1998 de sa contamination par le virus de l'hépatite C, ainsi qu'il a été dit, M. A a développé une asthénie à partir de 2003, qui s'est aggravée en 2004, et qu'il a débuté un premier traitement antiviral de mai à novembre 2004, qui sera arrêté en raison de son inefficacité ; qu'en avril 2005 a été découverte une fibrose hépatique et a été entamé un nouveau traitement antiviral ; qu'après 7 mois de ce traitement, en novembre 2005, l'expert indique que si le taux de ses transaminases est redevenu normal, il ne peut toutefois fixer une date de consolidation à la date de remise de son rapport, soit au 1er février 2006 ; que ce rapport d'expertise conclut, à cette date, à des souffrances physiques fixées à un niveau de 1 sur une échelle de 7, à des souffrances morales fixées à un niveau de 5 sur une échelle de 7 compte tenu notamment d'une dépression réactionnelle, à une incapacité temporaire partielle évaluée à un taux de 5 % de juillet 2003 à décembre 2003, puis de 10 % de janvier 2004 à mai 2004, puis de 25 % ;

Considérant toutefois que la Cour ne peut se contenter du contenu de ce rapport d'expertise afin d'évaluer l'entier préjudice de l'intéressé à la date du présent arrêt ; qu'en effet, il résulte de l'instruction qu'une rechute virologique de l'infection est apparue en juillet 2006, justifiant un nouveau bilan complet le 9 octobre 2006 et un nouveau traitement antiviral, alors que le dernier traitement avait été arrêté en mai 2006 ; que par ailleurs, une demande de biopsie hépatique a été formulée le 27 juin 2007 afin de vérifier s'il existe une cirrhose constituée et que l'intéressé a subi en outre une cholécystectomie ; que dans ces conditions, l'état du dossier ne permet pas à la Cour d'évaluer dans leur intégralité les préjudices à caractère personnel de l'intéressé, compte tenu de la rechute susmentionnée postérieure à la remise du rapport d'expertise du 1er février 2006 ; qu'il y a lieu dans ces conditions pour la Cour, avant de statuer sur la demande de M. A tendant à l'indemnisation de ses préjudices à caractère personnel, de décider un complément d'expertise aux fins ci-après précisées ;

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions du Régime Social des Indépendants (RSI) de Midi-Pyrénées sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de M. CROZET tendant à l'annulation du jugement attaqué susvisé du tribunal administratif de Marseille, en tant qu'il rejette ses conclusions à fin de condamnation de l'assistance publique des hôpitaux de Marseille (APHM), sont rejetées.

Article 3: Avant de statuer sur le surplus des conclusions de M. A, il est décidé de procéder, d'une part à un supplément d'instruction aux fins qui ont été précisées ci-dessus, adressé à M. A à qui il est donné 6 mois pour y répondre à compter de la notification du présent arrêt, d'autre part, à une expertise médicale aux fins qui sont précisées par l'article 4 qui suit.

Article 4 : L'expert aura pour mission :

- d'examiner M. A ;

- de prendre connaissance de son entier dossier médical, y compris le dossier détenu par le médecin traitant ;

- de décrire l'évolution de l'état de santé de M. A à compter du 1er février 2006, en rappelant les modalités évolutives connues lors d'une contamination par le virus de l'hépatite C, en indiquant de quelles modalités évolutives M. A est atteint, notamment s'agissant de l'atteinte hépatique, et en précisant si cette atteinte est irréversible ;

- de décrire l'historique des traitements antiviraux pris par M. A avec leurs résultats et leur efficacité ;

- de décrire, à partir de l'état de santé actuel du requérant, tant sur le plan physiologique que sur le plan psychique, les troubles actuels de toute nature en liaison directe et certaine avec la contamination ;

- de donner son avis sur l'importance des souffrances physiques et morales endurées par l'intéressé à compter du 1er février 2006 et sur l'incidence de l'affection constatée sur sa vie personnelle, familiale et sociale à compter de la même date ;

- de préciser si l'état de santé du requérant peut toujours évoluer en aggravation ou en amélioration, et dans quelle proportion, ou s'il est consolidé, et de fixer, le cas échéant, les taux actuels de déficit fonctionnel permanent ou temporaire ;

- de donner, plus généralement, tous éléments permettant à la juridiction éventuellement saisie d'apprécier l'entier préjudice de M. A à compter du 1er février 2006, y compris professionnel.

Article 5: L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira ses missions dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à 621-14 du code de justice administrative et rendra son rapport dans un délai de 6 mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 6 : L'expert, pour l'accomplissement de sa mission, se fera communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de M. A et pourra entendre toute personne lui ayant donné des soins.

Article 7 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 8 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 10 juin 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 9: Le présent arrêt sera notifié à de M. Thierry A, à l'assistance publique des hôpitaux de Marseille (APHM), à l'établissement français du sang (EFS), à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ariège, au Régime Social des Indépendants de Midi-Pyrénées (RSI), à la Réunion des Assurances Maladie (RAM) et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

''

''

''

''

N° 08MA032352


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA03235
Date de la décision : 15/04/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : DURRIEU DIEBOLT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-04-15;08ma03235 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award