Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 09MA00997, présentée pour M. Ibrahim A, demeurant chez Mme B, ..., par Me Pietri, avocat ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0806450 du 19 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 24 octobre 2008, par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination ;
2°) d'annuler l'arrêté précité et, à titre subsidiaire, en prononcer l'annulation en tant qu'il fixe le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer, sous peine d'astreinte de 90 euros par jour de retard assortis des intérêts légaux, un récépissé de titre de séjour ;
4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
5°) à titre subsidiaire, de fixer tout pays autre que la Turquie comme pays de destination ;
6°) d'enjoindre au préfet du Var de réexaminer sa situation et de lui délivrer, sous huitaine, un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
Vu l'arrêté du 10 octobre 2007 fixant la liste des pièces à fournir à l'appui d'une demande d'autorisation de travail ;
Vu l'article 1er de l'arrêté du 27 janvier 2009 qui autorise la Cour administrative d'appel de Marseille à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret du 7 janvier 2009, situant l'intervention du rapporteur public avant les observations des parties ou de leurs mandataires ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2011:
- le rapport de Mme Simon, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Chenal-Peter, rapporteur public ;
Considérant que, par arrêté du 24 octobre 2008, le préfet du Var a rejeté la demande de titre de séjour que lui avait présentée le 16 juillet 2008 M. A, ressortissant turc, et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination ; que M. A interjette appel du jugement en date du 19 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Sur la légalité de l'arrêté du 24 octobre 2008 en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, que M. A n'a soulevé aucun moyen de légalité externe devant les premiers juges à l'encontre de la décision de refus du 24 octobre 2008 ; que, par suite, les moyens par lui soulevés en appel tirés du vice de procédure et de l'insuffisante motivation procèdent d'une cause juridique distincte et constituent ainsi une demande nouvelle ; qu'ils sont, dès lors, irrecevables ;
Considérant, en deuxième lieu, que si M. A fait valoir qu'il a présenté le 16 juillet 2008 une demande de carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L.313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne produit aucune pièce à l'appui de cette allégation ; qu'en tout état de cause, il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse que le préfet du Var a examiné d'office si l'appelant remplissait les conditions prévues par l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir attribuer de plein droit un titre de séjour ; que le moyen tiré de l'erreur de droit doit, dés lors, être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que M. A ne justifie pas avoir joint à sa demande, comme il le soutient, l'ensemble des pièces exigées par l'article 1er de l'arrêté du 10 octobre 2007 susvisé ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit également être écarté ;
Considérant, en quatrième lieu, que M. A ne saurait utilement se prévaloir de la circulaire du 20 décembre 2007 qui est, en l'espèce, dépourvue de toute valeur réglementaire ou impérative ;
Considérant, en cinquième lieu, que M. A n'établit pas, par les pièces médicales produites que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L.313-11-11° n'est dés lors pas fondé ;
Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : ... 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L.311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ; et qu'aux termes de l'article R.313-21 du même code : Pour l'application du 7º de l'article L.313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. ;
Considérant que si M. A fait valoir qu'il réside habituellement sur le sol national depuis le mois de septembre 2001 et vit avec son épouse et leurs six enfants dont cinq sont scolarisés, qu'il n'a plus d'attaches familiales en Turquie suite au décès récent de sa mère alors que par ailleurs son unique frère est titulaire d'un titre de séjour, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, l'intéressé a fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière le 25 janvier 2006 exécutée le 24 mai 2007 et que, d'autre part, son épouse est également en situation irrégulière en France ; que, dans ces conditions, et alors que M. A n'établit pas l'impossibilité pour sa famille de le rejoindre, la décision de refus contestée n'a pas porté une atteinte au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, et n'a, par suite, méconnu ni les dispositions précitées de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations précitées de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 susvisée : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
Considérant que, comme il a été dit précédemment, M. A n'établit pas l'impossibilité pour ses enfants mineurs de le rejoindre avec leur mère dans le pays dont ils ont la nationalité et où cinq d'entre eux sont d'ailleurs nés ; que, par ailleurs, si ces derniers sont scolarisés, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas soutenu, qu'ils ne puissent poursuivre une scolarité normale en Turquie ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit dés lors être écarté ;
Considérant, en dernier lieu, que si M. A fait état, outre des éléments précédemment vus, de la circonstance qu'il est titulaire d'une promesse d'embauche dans un domaine marqué par une pénurie de main d'oeuvre et de ses problèmes de santé, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Var aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il ne justifiait d'aucun motif exceptionnel, ni de considérations humanitaires de nature à lui permettre d'être admis au séjour au titre de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité de l'arrêté du 24 octobre 2008 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français :
Considérant, en premier lieu, que l'appelant, à qui la délivrance d'un titre de séjour a été refusée, entrait dans le champ d'application du I de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et pouvait donc faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; que les moyens sus analysés, en tant qu'ils visent la décision portant obligation de quitter le territoire français, doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment, ainsi que celui tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour également pour les mêmes motifs ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) ; que, toutefois, comme il a été dit précédemment, M. A n'établit pas, par les pièces médicales produites que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; qu'il n'est par suite pas fondé à se prévaloir des dispositions précitées de l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité de l'arrêté du 24 octobre 2008 en tant qu'il fixe le pays de destination :
Considérant, en premier lieu, que la décision en litige qui fixe la Turquie comme pays de destination vise notamment les deux décisions sus analysées, puis l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et indique, après avoir rappelé la nationalité de l'intéressé, qu'elle ne contrevient pas aux dispositions de cette article ; qu'elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et donc est, contrairement à ce que soutient l'appelant et ainsi que l'a jugé le Tribunal, suffisamment motivée ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; qu'aux termes de l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Considérant que si M. A fait valoir qu'il est menacé en Turquie du fait de son appartenance à la communauté kurde, l'intéressé, dont la demande d'asile politique a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés le 16 mai 2007, se borne à produire à l'appui de cette allégation un mandat d'arrêt dont l'authenticité est douteuse ; que, dans ces circonstances, le moyen tiré de ce que son éloignement vers la Turquie méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 précité ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2008 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. ; qu'aux termes de l'article L.911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ; et qu'aux termes de l'article L.911-3 : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L.911-1 et L.911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ;
Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu par suite de rejeter les conclusions susvisées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. Ibrahim A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
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N° 09MA00997 2
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