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19/01/2011 | FRANCE | N°10MA04137

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des référés, 19 janvier 2011, 10MA04137


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 17 novembre 2010 sous le n°10MA04137, présentée par le PREFET DU GARD qui demande au juge des référés de la cour :

1°/ d'annuler l'ordonnance n°1002368 du 25 octobre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, d'une part, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté en date du 5 mai 2010 par lequel le maire de la commune de Nîmes a accordé à la Société Méditerranéenne de Construction un permis de construire un immeuble comportant 45 logements et un parking

souterrain sur deux niveaux et, d'autre part, a mis à la charge de l'Etat le ve...

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 17 novembre 2010 sous le n°10MA04137, présentée par le PREFET DU GARD qui demande au juge des référés de la cour :

1°/ d'annuler l'ordonnance n°1002368 du 25 octobre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, d'une part, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté en date du 5 mai 2010 par lequel le maire de la commune de Nîmes a accordé à la Société Méditerranéenne de Construction un permis de construire un immeuble comportant 45 logements et un parking souterrain sur deux niveaux et, d'autre part, a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à la commune de Nîmes et à la Société Méditerranéenne de Construction au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

2°/ de suspendre l'exécution dudit arrêté ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant régulièrement été averties du jour de l'audience ;

Après avoir, en séance publique le 11 janvier 2011 à 14 h 00, présenté son rapport et entendu :

- Mme Mouraud, Mlle Briktat et M. Bouchut pour le PREFET DU GARD, dûment mandatés à cet effet par décision du 11 janvier 2011,

- Me Maillot pour la commune de Nîmes,

- et Me Gras pour la Société Méditerranéenne de Construction ;

Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, d'une part, a rejeté la demande du PREFET DU GARD tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté en date du 5 mai 2010 par lequel le maire de la commune de Nîmes a accordé à la Société Méditerranéenne de Construction un permis de construire un immeuble comportant 45 logements et un parking souterrain sur deux niveaux et, d'autre part, a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à la commune de Nîmes et à la Société Méditerranéenne de Construction au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; que le PREFET DU GARD fait appel de cette ordonnance ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.554-1 du code de justice administrative : Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes des communes sont régies par le 3e alinéa de l'article L.2131-6 du code général des collectivités territoriales (...) ; que cet alinéa dispose qu'il est fait droit à la demande de suspension du représentant de l'Etat si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué ;

Sur la régularité de l'ordonnance :

Considérant que l'instruction d'une demande de référé présentée sur le fondement de l'article L. 554-1 du code de justice administrative comporte une phase d'instruction écrite suivie d'une audience publique ; que lors de cette audience, il est loisible aux parties d'invoquer tout moyen de droit ou de fait ; qu'il appartient dans ce cas au juge des référés d'en faire mention, soit dans le procès-verbal de l'audience publique, soit dans le texte de son ordonnance ;

Considérant que le PREFET DU GARD soutient que l'ordonnance attaquée serait entachée d'une omission à statuer sur un moyen qu'il aurait présenté lors de l'audience tenue le 19 octobre 2010 et lié à la procédure d'inscription au titre des monuments historiques dont a fait l'objet l'hôtel Colomb de Daunant ; qu'en l'espèce, le PREFET DU GARD n'établit pas avoir expressément invoqué un tel moyen lors de l'audience ; qu'à cet égard, il ressort de la note en délibéré enregistrée au greffe du tribunal le 28 octobre 2010, postérieurement à la date de lecture de l'ordonnance attaquée, que la méconnaissance de l'inscription au titre des monuments historiques de l'hôtel Colomb de Daunant y apparaît explicitement comme un moyen nouveau, sans référence aux arguments avancés lors de l'audience ; qu'ainsi, le PREFET DU GARD n'est pas fondé à soutenir que le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes aurait statué à l'issue d'une procédure irrégulière ;

Sur le bien fondé de la demande de suspension :

Considérant que, par arrêté en date du 26 novembre 2007, le maire de Nîmes a délivré à la Société Méditerranéenne de Construction un permis de construire un immeuble collectif de 46 logements et bureaux et 58 places de parking, pour une surface hors oeuvre nette de 3909 m² ; que deux arrêtés modificatifs en date des 1er octobre 2008 et 18 novembre 2009 ont été délivrés aux fins de modifier non substantiellement la construction projetée, dont la SHON passe à 4059 m² ;

Considérant qu'à la suite d'une nouvelle demande, le maire de Nîmes, après une nouvelle instruction, a délivré le 5 mai 2010 un permis de construire pour une construction identique à celle qui résultait de la combinaison des autorisations précédentes ; que, toutefois, les prescriptions dont est assorti cet arrêté sont plus précises et plus contraignantes que celles contenues dans les autorisations précédentes ; que l'emprise de la construction autorisée par l'arrêté du 5 mai 2010 est située sur le même terrain d'assiette que celle de la construction faisant l'objet des arrêtés précédents ; que cet arrêté, qui a nécessairement pour effet de se substituer aux arrêtés précédents, ne peut donc être regardé comme un permis modificatif ainsi que l'a jugé le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, ni comme une décision confirmative ; que le PREFET DU GARD était, par suite, fondé à soutenir qu'il pouvait régulièrement déférer ce dernier permis devant le tribunal administratif de Nîmes dans le délai de recours contentieux qu'a fait courir sa transmission au représentant de l'Etat ;

Considérant que le déféré du PREFET DU GARD repose, d'une part, sur le moyen tiré de ce que l'article R.111-2 du code de l'urbanisme s'opposerait à la construction d'un immeuble à cet emplacement situé en zone d'aléa fort à très fort du plan de prévention des risques de la commune et, d'autre part, sur le moyen tiré de ce que le projet, par son implantation, son importance, et par la circonstance qu'il nécessiterait la destruction d'un bâtiment protégé par une inscription au titre des monuments historiques, serait élaboré en violation des dispositions de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme ;

Sur la méconnaissance des dispositions de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme :

Considérant qu'aux termes de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme : Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ;

Considérant que le plan de prévention des risques d'inondation, prescrit en 2008, non encore approuvé et n'ayant pas encore fait l'objet d'une enquête publique, traduit en grande partie les risques constatés au cours des inondations de 1988 ; que ce plan situe la parcelle de la construction projetée en aléa fort à très fort ; que ce bâtiment serait édifié à l'angle de l'avenue Talabot, où des hauteurs d'eau de 1.20 mètres ont été relevées et de la rue Fénelon, en pente descendante vers l'avenue, où les hauteurs d'eau sur la longueur du bâtiment s'étagent de 40 cm à 80 cm, pour atteindre 1.20 mètres à l'intersection de l'avenue ;

Considérant toutefois que la prise en compte du plan de prévention des risques au regard de l'application de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme, doit être analysée au regard, d'une part, de la situation de la construction et, d'autre part, des prescriptions dont la décision qui l'autorise est assortie ; qu'en l'espèce, le projet est situé dans une partie de la commune où l'urbanisation déjà très dense ne sera pas affectée par une construction ayant pour effet d'augmenter d'une centaine d'habitants la population du quartier ; qu'il ressort des pièces du dossier de la demande de permis que la sécurité des logements est assuré, le plancher le plus bas devant se situer à plus de 1.20 mètres par rapport aux trottoirs ; que le risque d'accroissement du débit causé par l'imperméabilisation de la parcelle sera compensé par un bassin de rétention dont la capacité de stockage équivaudra à la surface imperméabilisée multipliée par 100 litres, et qui permettra de collecter les eaux de ruissellement ; qu'enfin, l'entrée des parkings est situé dans la rue Fénelon, parallèle au sens de la pente et surélevée de la hauteur des trottoirs et d'un seuil de 20 cm permettant la limitation des entrées d'eaux en cas de crues, même importantes ; que, par suite, comme l'a, à bon droit, jugé le juge du référé du tribunal administratif de Nîmes, le moyen tiré de la violation de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme ne présente pas un caractère suffisamment sérieux, en l'état de l'instruction, pour justifier la suspension de l'exécution du permis querellé ;

Sur la méconnaissance des dispositions de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme :

Considérant qu'aux termes de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme : Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ; qu'aux termes de l'article III UB 11 du plan d'occupation des sols de la commune de Nîmes : Sur toutes les voies, les façades des constructions nouvelles devront présenter un aspect architectural en harmonie avec le bâti environnant ;

Considérant, en premier lieu, que le PREFET DU GARD soutient que le permis serait irrégulier en tant que son exécution impliquerait la démolition de l'hôtel Colomb de Daunant, inscrit au titre des monuments historiques par arrêté préfectoral du 8 octobre 2010 ; que, toutefois, cet immeuble fait l'objet d'un permis de démolir, confirmé par le tribunal administratif de Nîmes, dont le jugement frappé d'appel est pendant devant la cour ; que l'arrêté de classement est postérieur à la délivrance du permis attaqué, dont la régularité n'est d'ailleurs conditionnée, en vertu des dispositions de l'article R.431-21 du code de l'urbanisme, applicable à la date de la demande, que par la preuve, apportée dans la demande d'autorisation, du dépôt de la demande d'un permis de démolir ; qu'enfin, en vertu de l'indépendance des législations relatives au permis de construire et au permis de démolir, la légalité du permis de construire n'est pas subordonnée à celle du permis de démolir ; que, par suite, s'il serait d'une bonne administration d'attendre une confirmation de la légalité du permis de démolir en cause, avant de procéder à l'exécution des différentes autorisations critiquées, la branche du moyen tiré de la violation de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme, concernant la démolition d'un bâtiment inscrit à l'inventaire des monuments historiques, n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à justifier la suspension de l'exécution du permis de construire du 5 mai 2010 ;

Considérant, en second lieu, que le PREFET DU GARD soutient que la construction projetée porterait atteinte à l'harmonie, fin 19ème siècle, des lieux avoisinants ; qu'il ressort du dossier que, si le long de l'avenue Talabot, il subsiste quelques propriétés remarquables des années 1880, le quartier se distingue toutefois par son hétérogénéité, des immeubles modernes ayant été édifiés sur l'avenue et un habitat modeste et sans caractère particulier caractérisant les immeubles bâtis dans les rues aboutissant à l'avenue ; que, par suite, la construction projetée, alors même qu'elle serait placée entre l'hôtel Davé, construit en 1892, inscrit au titre des monuments historiques et l'immeuble Augière, de la même époque, s'inscrit dans l'évolution naturelle du quartier ; que, d'ailleurs, l'arrêté du 5 mai 2010 a reçu les avis favorables du service départemental d'architecture et du patrimoine et celui de la direction régionale des affaires culturelles ; qu'ainsi, la branche du moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de l'harmonie architecturale des constructions avoisinantes n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire querellé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la Société Méditerranéenne de Construction, que le PREFET DU GARD n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande de suspension de l'exécution de l'arrêté en date du 5 mai 2010 par lequel le maire de la commune de Nîmes a délivré à la Société Méditerranéenne de Construction un permis de construire ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Nîmes et par la Société Méditerranéenne de Construction au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

Article 1er : La requête du PREFET DU GARD est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la commune de Nîmes et de la Société Méditerranéenne de Construction est rejeté.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au PREFET DU GARD, à la commune de Nîmes, à la Société Méditerranéenne de Construction et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 10MA04137
Date de la décision : 19/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christian LAMBERT
Avocat(s) : CABINET MAILLOT - AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-01-19;10ma04137 ?
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